Véracité des loyers et défaut de conseil

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Considérée comme atypique, l?épargne immobilière a longtemps été reléguée au second plan par les Professionnels du Patrimoine, ces derniers concentrant essentiellement leurs interventions au domaine financier. La décennie écoulée a, néanmoins, vu cette situation évoluer sensiblement, la collecte immobilière des Professionnels étant chaque année plus élevée. Les crises financières à répétition et les incitations fiscales mises en place par les Pouvoirs Publics ont été assurément les 2 facteurs clés contribuant à cette évolution. La crise structurelle dans laquelle nous sommes entrés en 2008 a conduit à une accélération de cette tendance avec une demande de fond de la part des épargnants français pour des investissements sur des actifs réels. Les grands réseaux financiers institutionnels (banques et assureurs) ne s?y sont d?ailleurs pas trompés puisqu?ils ont quasiment tous développé au cours des dernières années une offre immobilière.

Eu égard au contexte économique, on peut penser que ce phénomène devrait continuer à s?amplifier dans les années qui viennent. Si cette nouvelle donne peut assurément constituer une opportunité pour les Professionnels du Patrimoine, elle est aussi porteuse de nouvelles responsabilités pour ces derniers. On peut, en effet, penser que les épargnants, échaudés par les mésaventures financières, exigeront de leur conseil des compétences fortes, et sauront faire entendre leur voix sur le plan juridique en cas de déconvenue.
 

Au nombre des paramètres qui feront la réussite d?un investissement immobilier, la rentabilité locative est assurément un facteur clé dans le processus décisionnel d?un particulier. Mais encore faut-il que la rentabilité initialement annoncée soit réellement constatée lors de mise en location ou en exploitation du bien. Et sur ce point, la plus grande prudence s?impose, car les anomalies sont encore légion dans ce domaine. Afin de rendre un support d?investissement plus attractif sur le plan commercial, mais également pour masquer des prix de vente trop élevés, certains opérateurs immobiliers n?hésitent pas à doper le montant du loyer prévisionnel pour afficher une rentabilité attrayante. Et dans ce cas, la rentabilité annoncée risque de se révéler virtuelle, car totalement déconnectée de la réalité du marché. Dans le cas d?un bien locatif (Scellier), cela aboutira à une carence locative très élevée, voire totale, et dans le cas d?un bien géré (location meublée en bail commercial) cela conduira, tôt ou tard, l?exploitant preneur à bail à la cessation de paiement.
 

Comme tout investissement, l?achat d?un actif immobilier comporte évidemment des risques non maîtrisables en amont, le marché locatif peut ainsi évoluer au gré des situations démographique, économique, et sociale sur une zone géographique donnée. Les facteurs de commercialité sont également plus ou moins mouvants dans le cadre d?un bien géré. Ces aléas, l?épargnant, souhaitant investir dans l?immobilier, doit les accepter et en tenir compte dans l?appréciation globale de son engagement. Néanmoins lorsque le loyer prévisionnel initialement annoncé est cohérent, on constate que de tels ajustements sont rares et que, quand ils sont nécessaires, la réduction de loyer est peu significative (de l?ordre de 10 %). La réflexion prudentielle de l?épargnant et de son conseil doit donc se baser sur un loyer compris sur la durée entre 100 et 90 % du loyer prévisionnel.
 

Les choses sont, par contre, bien différentes pour les opérations immobilières qui font preuve d?un optimisme sans limites quant aux loyers qu?elles affichent. Et on constate ces abus tant sur l?immobilier locatif nu (Scellier) que sur l?immobilier géré (Meublé). Que penser de ces nombreuses opérations dont les loyers sont calqués sur les plafonds Scellier, alors que dans de nombreux cas les tarifs de marché sont 20 à 30 % inférieurs? Que penser de ces résidences de tourisme situées sur des zones de 3ème catégorie et promettant des loyers en valeur absolue dignes des plus grandes stations des Alpes ou de La Côte d?Azur ? Que penser de cette résidence seniors pour laquelle l?exploitant « garantit » (tant qu?il pourra le payer?) un loyer en valeur absolue 80 % supérieur à celui d?un produit concurrent situé à 5 km? Nous ne sommes plus là dans le risque incompressible acceptable, le sinistre est assuré et prévisible dès l?origine.

Les Professionnels du Patrimoine doivent donc être très attentifs, car autant il sera difficile pour les investisseurs d?engager la responsabilité de ces derniers dans le cas d?ajustements de loyer rendus nécessaires par des facteurs imprévisibles et aléatoires, autant il sera pour eux compliqué d?échapper à des poursuites pour défaut de conseil si leurs prescriptions ont porté sur des programmes ne respectant pas les fondamentaux économiques de loyer. Détecter ces abus demande une expertise certaine, car cela nécessite une parfaite connaissance des différents marchés. Ne l?oublions pas, une bonne rentabilité doit être la résultante d?un prix de vente compétitif et non d?un loyer surestimé.
 

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