« La Tunisie démocratique peut gagner deux points de croissance »

Dans un entretien à « La Tribune », le grand banquier devenu ministre de la transition démocratique explique comment le pays créera « des centaines de milliers d'emplois » d'ici cinq ans.
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Le Fonds Monétaire International (FMI) prévoit une croissance pour la Tunisie d'à peine 1,3 % cette année après 3,7 % en 2010, le dernier exercice du régime Ben Ali. Pour l'économie mieux vaut donc une dictature qu'une jeune démocratie ?

Non, c'est un passage démocratique, les révolutions c'est comme une naissance c'est très beau mais cela fait mal. Cette transition difficile donne des opportunités pour une croissance beaucoup plus intéressante que par le passé. Aujourd'hui les Tunisiens, surtout les investisseurs, peuvent se lancer dans les projets qui les intéressent, sans retenue aucune. La Tunisie démocratique peut gagner deux points de croissance supplémentaires en libérant les énergies, j'en suis persuadé. La baisse de la croissance cette année est exceptionnelle et surtout due aux troubles et aux mouvements sociaux ce qui est tout à fait normal après une révolution quand les gens réclament que justice leur soit rendue.

La révolution dans votre pays est partie du mal-être de jeunes diplômés ?au chômage. Comment leur donner du travail ?

Pour cette génération frustrée le gouvernement prépare un vrai plan Marshall. D'ici aux élections à l'Assemblée constituante du 24 juillet, nous mettrons en place deux structures pour relancer l'économie: une Caisse de dépôt et de consignation (CDC), sur le modèle français ou même marocain, autonome mais sous supervision du ministère des Finances, et dotée à terme de 3 à 4 milliards de dinars (soit 1,5 à 2 milliards d'euros). Elle servira à financer de grands projets d'infrastructures publics, comme le réseau ferré tunisien par exemple, qui est le même que celui laissé par les Français à la décolonisation ! L'autre structure est un «Fonds générationnel», en grande partie financé par les recettes de la privatisation. Ainsi nous pourrons créer dans les cinq années à venir des centaines de milliers d'emplois pérennes en Tunisie à partir de notre main d'oeuvre qualifiée. Ces deux fonds pourront s'associer aux capitaux étrangers, notamment français.

Vous nationalisez des entreprises détenues jusqu'ici par le clan Ben Ali, à l'instar d'Orange Tunisie. Qu'en ?ferez-vous?

Notre objectif est de préserver les acquis et les intérêts des investisseurs étrangers qui ont cru en notre pays. La confiscation - il ne s'agit pas d'une nationalisation - concerne une multitude d'entreprises, dont quatre ou cinq très grandes pour lesquelles nous élaborons une stratégie rapide vu leur importance dans leur secteur. Les autres, petites, vont des concessions automobiles à la distribution en passant par les services. Mais l'État n'a pas du tout l'intention de garder ces actifs dans son portefeuille. Il y a trois solutions : une vente industrielle, une vente par appel d'offres, ou l'introduction éventuelle en Bourse. L'État n'a pas à se mêler de leur gestion mais doit assurer leur continuité durant la période transitoire.

 

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