À Lyon, pour son congrès, la CFDT cherche un nouveau souffle

Réuni à Lyon à l'occasion de son 50e congrès, le premier syndicat de France, qui fête son centenaire, se questionne sur son évolution, dans un monde social et politique où la nuance ne fait plus recette. Réputé modéré, préférant le compromis au conflit, le syndicat de Laurent Berger voit le nombre de ses adhérents s'éroder. En ordre de marche derrière son secrétaire général, l'organisation prépare sa stratégie pour tenter de peser sur le second quinquennat d'Emmanuel Macron. Et retrouver une place de choix.
Fanny Guinochet
Au 50e congrès de la CFDT (à Lyon du 13 au 17 juin), Laurent Berger, secrétaire général du syndicat réformiste, et Véronique Revillod, secrétaire générale adjointe, applaudissent avec la salle après le vote du rapport d'activité avec 90% d'approbation, hier mercredi 15 juin 2022.
Au 50e congrès de la CFDT (à Lyon du 13 au 17 juin), Laurent Berger, secrétaire général du syndicat réformiste, et Véronique Revillod, secrétaire générale adjointe, applaudissent avec la salle après le vote du rapport d'activité avec 90% d'approbation, hier mercredi 15 juin 2022. (Crédits : Norbert Grisay / Reuters)

Lucide, Laurent Berger fut un des premiers à tirer la sonnette d'alarme sur le risque possible de disparition des syndicats. C'était en 2019, lors de l'émergence des "Gilets jaunes". Né en marge des corps intermédiaires classiques, sur les ronds-points, ce mouvement social d'un nouveau jour prenait de court les syndicats traditionnels, et faisait, non sans violence, plier le gouvernement... Depuis, le Covid et le télétravail ont encore éloigné un peu plus les Français des syndicats.

Et le résultat est là, inquiétant pour celui qui préside la première organisation syndicale de France depuis bientôt 10 ans : de 800.000 membres en 2006, la CFDT est passée aujourd'hui à 600.000. Pourtant, il y a quatre ans, lors de son dernier congrès, elle prévoyait 10% d'adhésions supplémentaires.

Une organisation homogène, mais découragée

L'érosion affecte toutes les organisations. Mais la CFDT a choisi de se pencher sur cette désaffection en lançant une vaste enquête interne, intitulée "Parlons engagement". Les résultats, présentés à l'occasion de son congrès à Lyon, montrent un fort engagement chez ses adhérents, mêlé à... un important découragement.

Malgré la fatigue, l'organisation n'en reste pas moins unie derrière son chef de file et alignée sur ses valeurs communes - lutter contre l'extrême droite, privilégier la négociation au conflit, rester dans la nuance, ne pas tomber dans les caricatures ni la radicalité, préférer la responsabilité et le pragmatisme...

Preuve de cette unité, le dernier rapport d'activité du successeur de François Chérèque a recueilli près de 90% des votes, ce mercredi à Lyon.

La CFDT sort toutefois affaiblie par le dernier quinquennat. Alors que, sous François Hollande, Laurent Berger était qualifié de "ministre du Travail bis", avec Emmanuel Macron, les relations ont été plus tendues. L'effet de la relégation au second plan des corps intermédiaires par le président.

Aussi, comment afficher des victoires après la mise en place des ordonnances Macron en 2017 qui reforment le Code du travail, instaurent le barème sur les indemnités, et affaiblissent, selon la CFDT, le dialogue social ? Comment mobiliser encore les adhérents après l'adoption de la réforme de l'assurance chômage, contre laquelle le syndicat a tellement bataillé ?

Retrouver du souffle

Pas simple de susciter l'optimisme. À la tribune, à Lyon, Laurent Berger toutefois n'en manque pas. Le Covid a permis à son organisation d'être un peu plus écoutée de l'exécutif.  Et, alors que le pouvoir d'achat s'affiche comme la première préoccupation des Français, "le pacte de pouvoir de vivre", mis en place fin 2019 avec une soixantaine d'ONG et d'associations, prend tout son sens. Dans cette période si troublée, "malgré la tempête, la CFDT a tenu le cap", s'est félicité le chef de file.

Surtout, Laurent Berger en est convaincu : Emmanuel Macron ne pourra pas gouverner de la même façon qu'il y a cinq ans, il lui faudra composer et concerter. "L'arrogance, aujourd'hui n'est plus possible. Il y a trop d'irritation", a-t-il assuré devant ses militants.

Entre force de propositions et force d'opposition

Et c'est bien tout l'enjeu de la période qui s'ouvre. Comment le premier syndicat du pays peut-il retrouver de l'influence ? Pour peser sur les réformes à venir. Infléchir des positions. Être indispensable dans le débat...

Une chose est sûre, la CFDT s'opposera fermement au projet d'allongement de l'âge de départ à la retraite d'Emmanuel Macron. Laurent Berger est très clair sur le sujet:

« 64 ou 65 ans, c'est pareil, et c'est non ! »

Selon lui, aucun déficit ne justifie un tel report. Aussi, son organisation fera-t-elle preuve de "combativité", a promis le secrétaire général, quitte "à descendre dans la rue en septembre".

Mais, la CFDT sera aussi "une force de propositions, ouverte à la discussion", comme l'a expliqué Laurent Berger à ses troupes. Preuve en est, il se dit disposé à participer au Conseil national de refondation qu'Emmanuel Macron entend mettre en place. Contrairement à d'autres centrales, comme la CGT, la CFDT a toujours préféré "la co-construction".

"Mais ce duo" (entre opposition et propositions), cette sorte "d'en même temps", ne sera possible que si, en face, l'exécutif le permet, a toutefois précisé le leader. "Au président et au gouvernement de faire le choix de l'intelligence collective et de l'apaisement. La CFDT y est prête, mais il faut être deux pour jouer", a t-il lancé.

La semaine dernière, devant l'Association des journalistes de l'information sociale, il rappelait que "la CFDT n'est ni l'amie ni l'ennemie de ceux qui gouvernement. Notre  rôle est de porter la voix des travailleurs".

Cette voix, le syndicat n'oubliera pas de la porter face aux organisations patronales, appelées à faire plus sur la question des salaires, sans quoi, selon le numéro un de la CFDT, il faudra s'attendre "à une conflictualisation" plus importante dans les entreprises.

Pas de consigne de vote pour les législatives

Officiellement, la CFDT ne donnera aucune consigne de vote pour ces législatives. Sauf à s'opposer à l'extrême droite, comme l'a toujours demandé Laurent Berger dès le soir du premier tour des présidentielles quand Emmanuel Macron affrontait Marine Le Pen.

La nouvelle composition politique, avec la Nupes comme probable première force d'opposition face à la majorité d'Emmanuel Macron, suscite toutefois les espoirs chez les adhérents. Laurent Berger en a pleinement conscience.

A charge pour lui dans cette nouvelle géographie, de trouver la bonne place pour son organisation. Lui, qui tiendra encore la maison CFDT un ou deux ans... avant de passer la main, comme le veut la tradition. A qui ? Pour l'instant, rien n'est tranché. Et à Lyon, le sujet, bien que dans de nombreuses têtes, ne doit pas être la priorité...

Fanny Guinochet
Commentaires 2
à écrit le 17/06/2022 à 10:46
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Celui qui parle de democratie élu avec 90% des voix.. Celui qui parle d’humanisme et crache sur les électeurs rn Berger un mouton e la macronie

à écrit le 16/06/2022 à 19:08
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L’uberisation de la société frappe aussi les syndicats, on croit jouer collectif mais l’invidualisme est devenu la regle

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