Qui pour prendre la succession de Martin Vial à l'Agence des participations de l'État (APE) ? Officiellement, le ministère des Finances, qui en assure la tutelle, n'a plus que quelques jours pour trouver...
Mais, s'il prend son temps, c'est parce que ce poste est un des plus importants et des plus prestigieux de l'État. Il consiste à gérer le portefeuille de l'État actionnaire. Il intervient dans des dossiers capitaux et aussi exposés qu'EDF, la SNCF, ou encore Renault, Air France-KLM, Engie. À charge pour l'APE de stabiliser le capital de ces groupes lorsqu'ils connaissent des difficultés, comme ce fut le cas lors de la crise du Covid, mais aussi de les accompagner dans leur développement et leur transformation.
Le candidat idéal est un véritable mouton à cinq pattes
Et, selon nos informations, Bercy a bien du mal à recruter le bon candidat.
« C'est très difficile de trouver quelqu'un pour ce job, reconnaît un membre du cabinet du ministère des Finances. Il faut un profil qui en a sous le pied, pas trop junior... à la fois un bon technicien, doté d'un sens politique aigu. »
Et d'ajouter:
« Il faut en plus très bien connaître l'appareil public et le secteur privé, être un habitué de l'ingénierie financière. »
130 milliards d'euros d'actifs à gérer
Au total, ce sont pas moins de 130 milliards d'euros d'actifs qui sont engagés.
Ainsi, Stéphanie Besnier, numéro deux de cette administration depuis un an, aura en charge d'assurer l'intérim au départ de Martin Vial, jusqu'à ce que son successeur soit nommé. Mais, à 44 ans, elle est jugée trop jeune pour que lui soit confié pleinement le mandat.
Circule également le nom d'Alexis Zajdenweber. Quadragénaire, lui aussi, il est l'un des plus proches conseillers d'Emmanuel Macron, proche également d'Alexis Kohler, le bras droit du président. "Mais, là aussi, certains le jugent encore un peu jeune", plaide encore une source à Bercy. L'Élysée aurait tendance à pousser cette candidature, alors que le ministère des Finances serait plus mitigé.
Un fort risque de conflits d'intérêts
Mais, au-delà du bras de fer qui se joue entre le Palais et la pieuvre Bercy, reste une difficulté et non des moindres pour attirer les postulants : "C'est un job que personne ne veut parce qu'ensuite, votre carrière est très limitée", souligne une source au ministère de l'Economie. "C'est difficile, après l'APE, de rejoindre le privé, vous vous retrouvez vite en conflits d'intérêts." Et pour cause, la puissance publique est actuellement présente au capital de 83 sociétés, dont une dizaine cotées en Bourse.
Enfin, c'est sans compter sur tous les défis qui attendent le successeur de Martin Vial. La plupart des secteurs où l'Etat est encore présent - aéronautique, automobile, transports, énergie - sont aujourd'hui en grande difficulté. A charge donc de les consolider, mais aussi de négocier avec la Commission européenne pour réaliser un certain nombre d'opérations. Pas simple, là encore.
La feuille de route du successeur de Martin Vial
Dans ce contexte, Matin Vial a transmis sa feuille de route à Emmanuel Macron. Il la transmettra demain à Bruno Le Maire lors de leur entrevue. A 68 ans, ce haut fonctionnaire, qui a passé sept ans à l'APE - un des mandats les plus longs -, a souhaité tirer sa révérence.
Ses préconisations pour l'APE : investir dans la souveraineté, pour éviter l'arrivée d'investisseurs étrangers, et préserver les centres de décision en France, savoir soutenir les grands services publics, voler à leurs secours si besoin, etc. C'est ce que l'APE a massivement fait pour sauver, en 2020, pendant la crise du Covid, Air France KLM, mais aussi Renault ou la SNCF. Entre juin 2020 et juin 2021, elle a injecté plus de 11 milliards d'euros dans ses participations.
Certaines de ces entreprises sont, pourtant, loin d'être tirées d'affaires, et l'APE devra probablement jouer encore les pompiers.
Autre challenge de taille : accompagner ces entreprises pour les aider à réaliser la transition écologique. Les besoins de financement sont énormes et, de fait, la doctrine d'investissement de l'APE, selon les propres termes de Martin Vial "doit s'adapter, pour faire face à ces défis technologiques, environnementaux, mais aussi numériques".
Enfin, dans un contexte de tensions internationales aiguës, sur fond de guerre entre l'Ukraine et la Russie, Martin Vial l'assure, "la souveraineté économique doit être un guide pour les prochaines années", tout en rappelant cet hiver que "l'APE doit réfléchir à l'évolution de ses participations". Reste à savoir donc où mettre le curseur, la tendance depuis la pandémie n'étant toutefois pas un désengagement trop fort de l'Etat, bien au contraire.
Un des dossiers en haut de la pile : EDF
Sans compter qu'un des dossiers en haut de la pile est EDF. Alors que l'État dispose encore de 84% du capital, le groupe enregistre les déboires, entre fermeture de réacteurs et retards dans la construction des nouveaux EPR. Et, malgré une montée en puissance de l'Etat en début d'année, l'énergéticien cumule les problèmes, à un moment où les prix de l'électricité s'envolent et où, plus que jamais, la France cherche à assurer son indépendance énergétique. Très politique, ce dossier agace au plus haut niveau de l'Etat. De quoi donner quelques sueurs froides au prochain patron de l'APE.