
À Paris, les manifestations syndicales du 1er mai ont attiré beaucoup de monde malgré les vacances. Si l'on en croit les chiffres de la préfecture de police, c'était même la deuxième plus forte affluence dans les rues de la capitale depuis le début du mouvement contre la loi du gouvernement sur les retraites. Et pourtant : l'exécutif compte encore sur un éventuel essoufflement de la mobilisation sociale d'ici les vacances d'été.
Cette carte classique du pourrissement ne pourra néanmoins résoudre l'équation politique qui est aujourd'hui posée à la France : car c'est l'ensemble de l'arc politique français qui est dans l'impasse. Certes, pour s'en sortir, le gouvernement tente une nouvelle fois de diviser le front syndical, de jouer la CFDT contre la CGT. Mais, finalement, la plus grande latitude d'Elisabeth Borne lui vient du blocage du champ politique français. Si l'on se place du coté des formations politiques, de gauche, de droite, du centre, de l'extrême droite et de l'extrême gauche, rien ne permet de penser, aujourd'hui, que l'une d'entre elle pourra récupérer un jour la majorité qui semble de plus en plus introuvable dans notre système institutionnel.
Alors oui, chez les alliés du président, on tente désormais des ballons d'essai médiatiques, histoire de prendre ses distances et ne pas insulter l'avenir. Comme François Bayrou ce week-end qui n'a pas hésité dans le JDD de pointer la responsabilité du gouvernement dans la crise actuelle, en estimant que « rien n'a été clairement expliqué », faute d'avoir porté « le débat sur l'inéluctable rééquilibrage du système ». Face à la « blague » du discours des oppositions, l'élu béarnais ne comprend pas pourquoi « le gouvernement n'ait pas présenté aux Français » les « chiffres de la comptabilité nationale ». Et le leader du Modem d'exposer une « bonne méthode » de gouvernement : « Aucune grande réforme ne peut être conduite si l'on n'a pas porté l'exigence de totale information et de prise de conscience partagée », fait ainsi valoir François Bayrou, en estimant que « les fractures, les résistances et les réticences » viennent « quand l'organisation du pouvoir se réduit à une confrontation entre un "sommet" qui ne dit pas qui il est et ce qu'il veut et une base à qui on ne demande que d'obéir ».
Reste que ni François Bayrou ni Édouard Philippe, officiellement alliés à l'Élysée, n'osent proposer un autre projet aux Français. Comme tous les leaders politiques, leur horizon est désormais fixé sur 2027. Pas question pour eux donc de voter une éventuelle nouvelle motion de censure au Parlement. Idem, bien sûr, pour les Républicains. Ceux-là n'ont pas fini d'imploser. La « séquence » sur les retraites aurait été terrible pour le parti historique de la droite, perdant sur tous les tableaux. Devant faire face à leurs « frondeurs », les LR n'apparaissent plus comme un partenaire crédible pour le gouvernement, à la fois incapables de constituer une force d'appoint au Parlement et ayant perdu tout crédit d'opposant efficace aux yeux des Français. Le grand rêve de Nicolas Sarkozy que les LR puissent s'allier à Renaissance semble être tombé à l'eau.
À gauche, l'ambiance est à la méthode Coué. Si l'écologiste Sandrine Rousseau en appelle au retour de la « guérilla » dans l'hémicycle dans les prochains jours, un voeu partagé par ses camarades de la NUPES, les ambitions se multiplient pour la présidentielle de 2027, un mouvement propice à la cacophonie. Ainsi, alors que la liste des prétendants s'allongent, l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve tente péniblement de revenir dans l'espace de gauche en multipliant les critiques contre Jean-Luc Mélenchon sans pour autant proposer un projet aux Français.
De son coté, Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, appelle les parlementaires « à prendre leur responsabilité » et à voter la proposition de loi du groupe Liot, déposée le 20 avril, qui vise à repasser l'âge légal du départ à la retraite à 62 ans, et non 64. Si les 147 députés de la NUPES ont apposé leur signatures à côté de celle de Bertrand Pancher, le coprésident du petit groupe indépendant Liot, et de 16 autres membres de ce groupe, il manque encore de nombreuses voix pour que cette proposition de loi puisse avoir des chances d'être adoptée par l'Assemblée Nationale le 8 juin prochain.
À l'extrême droite, Marine Le Pen aura finalement très peu parlé des retraites et du travail lors de son discours au cours du congrès du Rassemblement National qui se tenait ce 1er mai au Havre. Pour la leader du RN, le mouvement social contre la loi sur les retraites n'a plus lieu d'être et préfère multiplier les critiques à l'égard d'Emmanuel Macron. Elle ne dit pas pour autant, comment elle espère récupérer le pouvoir dans quatre ans. Autant dire que les responsables politiques français semblent bien démunis après ce 1er mai.
Marc Endeweld.