Le débranchement progressif des aides d'État depuis l'automne 2021 et l'éclatement de la guerre en Ukraine ont considérablement assombri les perspectives économiques pour un grand nombre d'entreprises. En Europe, la plupart des économistes ont dégradé leurs chiffres de croissance pour 2022 dans les grands pays de la zone euro. La poussée des prix de l'énergie, des matières premières et de l'alimentation ont propulsé l'indice des prix à la consommation à des niveaux inédits depuis des décennies. La Banque centrale européenne doit procéder à un tour de vis monétaire dans quelques semaines en augmentant ses taux après avoir mis fin à son programme de rachats d'actifs d'urgence (PEPP, pour Pandemic Emergency Purchase Programme). Avec le prolongement de la guerre en Ukraine, de plus en plus d'économistes évoquent le spectre d'une récession dans les mois à venir.
Dans ce contexte particulièrement morose, le nombre de faillites a bondi de 49% au second trimestre après une précédente hausse de 35% au premier trimestre 2022. D'après le dernier bilan dévoilé par le cabinet Altares ce lundi 11 juillet, le nombre de défaillances est ainsi passé de 6.587 au second trimestre 2021 à 9.826 au second trimestre 2022.
À titre de comparaison, le total des faillites enregistrés en 2018 et 2019 avoisinait les 12.000 sur la même période. L'écart se resserre avec le niveau pré-Covid sans retrouver les niveaux de 2018 et 2019 sur la même période. Au total, le nombre d'emplois menacés s'élève à 30.560, contre 19.530 au second trimestre 2021, soit une augmentation de 56%.
À cette époque, les entreprises étaient encore sous perfusion des nombreuses aides du « quoi qu'il en coûte » (fonds de solidarité, chômage partiel).
« Notre tissu d'entreprises résiste mais les courbes que nous observons doivent nous préparer à enregistrer entre 35.000 et 40.000 défauts à la fin de l'année. Car le spectre de la récession plane et les entreprises ne pourront continuer à piocher éternellement dans leur trésorerie en attendant la reprise de la consommation des ménages », souligne Thierry Millon, directeur des études du cabinet Altares.
PME et jeunes entreprises paient le prix fort
Dans le détail, les petites et moyennes entreprises (PME) apparaissent en première ligne avec une hausse spectaculaire de 74% entre le second trimestre 2021 et le second trimestre 2022 avec 731 cessations d'activité, contre 420 un an auparavant. Le nombre de faillites de PME retrouve ainsi son niveau d'avant crise.
Du côté des très petites entreprises (TPE de moins de trois salariés), la hausse, certes moins importante, marque une nette accélération (47%), passant de 5.012 à 7.365 à un an d'intervalles sur la même période.
Parmi les autres résultats frappants de cette étude figure la proportion de jeunes entreprises (très majoritairement des micro-entreprises) qui ont mis la clé sous porte. Ainsi, les entreprises de moins de 3 ans, c'est-à-dire celles qui ont été immatriculées en grande partie depuis le début de la pandémie, enregistrent la plus forte hausse de faillites (+135%), passant de 743 à 1.750. « Certes, on crée plus d'entreprises, mais on en perd plus », soulignent les experts d'Altares. Le nombre de faillites pour ces jeunes pousses est passé de 743 à 1.750 entre le second trimestre 2021 et le second trimestre 2022. A titre de comparaison, les entreprises ayant entre trois et cinq ans (+53,8%), celles ayant entre 6 et 10 ans (33,2%), ou enfin celles ayant entre 11 et 15 ans (+32,9%) enregistrent des hausses nettement moins marquées
Enfin, la restauration (+110%), le commerce de détail (+73%) ou encore les services à la personne (91%) font partie des secteurs les plus sinistrés. Dans la construction (+24%), l'industrie manufacturière (+36%) ou encore les services aux entreprises (+41%), il y a un phénomène de rattrapage.
Les créations d'entreprises s'essoufflent (-10% au 1er semestre)
La guerre en Ukraine et le ralentissement économique au premier semestre ont sans doute mis un coup de frein à un grand nombre de projets d'entreprises. Après avoir marqué des record ces deux dernières années, le nombre d'entreprises immatriculées dans les tribunaux de commerce s'essoufflent.
Selon le dernier baromètre des greffiers des tribunaux de commerce dévoilé ce lundi 11 juillet, 303.870 entreprises ont été enregistrées au cours du premier semestre, soit une baisse de 10% par rapport à même période en 2022 (324.829). « Le ralentissement est encore plus marqué pour les entreprises individuelles, dont les micro-entreprises, qui voient leurs nombres d'immatriculations chuter de 28% sur le semestre, comparativement à la même période l'an passé », souligne l'institution.
Des signes « annonciateurs d'une crise économique profonde »
En parallèle, plus de 185.000 entreprises ont été radiées des registres, soit une hausse de 35% sur la même période par rapport à 2021 (131.412) selon les greffiers. Avec le coup de frein de la croissance prévue sur l'ensemble de l'année 2022, beaucoup de secteurs pourraient payer un lourd tribut dans les mois à venir.
« Si l'heure n'est pas encore à l'emballement, l'inversion des courbes de la création d'entreprises et des défaillances, associée à une accélération des liquidations et radiations d'entreprises, pourraient être annonciateurs d'une crise économique profonde », a expliqué Thomas Denfer, président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce dans un communiqué.