Il aura donc fallu trois jours pour qu'Emmanuel Macron réagisse aux résultats des élections législatives. Dans son intervention télévisée, le président a mis un terme aux rumeurs et propositions autour d'un éventuel gouvernement d'union national. Droit dans ses bottes, il a tenu à dire que les Français l'avaient élu sur « un projet clair », oubliant un peu vite que nombre d'entre eux avait plutôt utilisé un bulletin Macron contre Marine Le Pen. C'est justement en grande partie les conditions de cette réélection présidentielle qui explique le résultat sous forme d'impasse des élections législatives.
Emmanuel Macron n'en a cure. L'hyper président préfère parier sur un élargissement de sa majorité pour l'instant toute relative. Et comme à son habitude, il préfère renvoyer la balle de la responsabilité à ses opposants. En leur donnant un ultimatum de 48 heures ! Chez Emmanuel Macron, l'irresponsabilité juridique d'un président doit donc s'élargir à la politique... Depuis le soir du second tour, c'est pourtant la panique à l'Elysée et au sein de la macronie. Les discours contradictoires se multiplient. « Ils sont en train de couler », flingue un ancien du quinquennat Macron. « Les mecs sont en PLS », dit un autre « ex ». Le château de cartes de la macronie serait-il en train de s'écrouler sous nos yeux ?
Alexis Kohler déstabilisé
Dans le camp présidentiel, Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l'Elysée, est la cible de toutes les critiques. Comme La Tribune le dévoilait la semaine dernière, les tensions se sont multipliées depuis la présidentielle entre le président et son principal collaborateur. C'est à ce dernier qu'on doit d'ailleurs le tir de barrage contre Catherine Vautrin, la présidente de l'agglomération de Reims qui avait été choisie initialement par Emmanuel Macron pour remplacer Jean Castex à Matignon.
Pour Alexis Kohler, l'heure est tellement grave qu'Ismaël Emelien a cru bon venir à son secours en parlant en « on » à l'Opinion : « Quand on affaiblit le principal collaborateur du président, on affaiblit le président », estime l'ancien conseiller stratégie d'Emmanuel Macron. Une tentative de sauvetage qui pourrait au contraire sceller le sort d'Alexis Kohler. Il est en effet de notoriété publique que le président déteste toute pression médiatique ou qu'un de ses collaborateurs puisse se retrouver dans la lumière...
Pour ne rien arranger, dans les coulisses, plusieurs piliers serviteurs de l'État sont sur le départ. C'est le cas du directeur de cabinet de l'Elysée, Patrick Strzoda, atteint par la limite d'âge, ou du directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, Pierre Bousquet de Florian, ancien patron de la DST. À Paris, le préfet Lallement aimerait bien partir lui aussi (« il est épuisé », selon l'un de ses proches), bien que ses demandes ces derniers mois de retrouver la Cour des Comptes ont été refusées par le président de la République. On évoque le nom de Laurent Nunez, actuellement coordonnateur du renseignement, pour le remplacer à ce poste à haut risque. En coulisses, on assiste donc à de grandes manœuvres. Le président va t il réussir à trouver les bonnes personnes pour remplacer ces piliers de l'ombre en partance ?
L'axe de polarité de la macronie bascule à droite
En attendant, si le château de cartes s'écroule également autour d'Emmanuel Macron, c'est que l'axe de polarité de la macronie est définitivement tombé à droite. Et qu'à droite justement, chacun regarde en direction de 2027. Qu'il le veuille ou non, Macron n'est plus au centre du jeu... « En débauchant autant de gens chez les LR et en foutant le bordel avec Sarkozy, Macron a déjà engagé le duel de la droite, estime un ancien macroniste. « On assiste au combat de la droite et de toute la droite, du centre droit à l'extreme droite. C'est là que tout va se jouer pour 2027 ». Dans cette bataille homérique, en dehors d'un Jean-François Copé et d'une Catherine Vautrin qui souhaitent participer à une nouvelle coalition présidentielle post législatives, le choc entre Édouard Philippe et Laurent Wauquiez rend encore un peu plus difficile un rapprochement entre Ensemble et LR.
Seule cette alliance post législatives permettrait pourtant de constituer une majorité viable. Plus facile à dire qu'à faire, tant les antagonismes entre ces barons de la droite sont importants. Dans les Alpes-Maritimes, les candidats aux législatives soutenus Christian Estrosi, devenu fervent macroniste, ont souvent été battus par les candidats LR proposés par Éric Ciotti. Résultat, pris de panique, les macronistes multiplient les oeillades et quasiment les offres de services au RN, transformé en quelques jours en parti « responsable » et prêt à gouverner. Dans son château élyséen pourtant, le roi Macron fait semblant de ne pas voir qu'il est désormais nu. Et il s'adresse aux Français comme au premier jour... « À un moment les génies basculent tous dans la dinguerie, ça a été prouvé tout au long de l'histoire, et c'est exactement ce qui se passe sous nos yeux », ironise notre ancien macroniste. Actuellement, dans la macronie, les flingues sont de sortie.