Autorisé « quand cela est possible » en mars 2020, le travail à domicile a fini par être « systématisé » par le chef de l'Etat. Si bien que 45% des professionnels l'ont expérimenté au cours de la crise, révèle une étude réalisée par Bodet Software auprès de 1015 dirigeants, responsables RH et collaborateurs. Mais ce chiffre cache une réalité hétérogène : s'il a atteint des pics pendant les trois confinements, le télétravail a reculé dès l'assouplissement des restrictions. Ainsi, seulement 15,9% des salariés étaient en télétravail fin juin 2020, alors qu'ils étaient 25,3% fin mars 2020, selon les données de la Direction de l'Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares).
Malgré ces hauts et ces bas, il semble tout de même avoir convaincu les Français. En effet, 93% des télétravailleurs souhaiteraient conserver cette pratique à l'avenir, de manière flexible ou régulière, fait valoir l'étude réalisée en mars. Justement, la Ministre du Travail, Elisabeth Borne, a récemment échangé avec les syndicats et le patronat pour en « faire évoluer les règles » sur le long terme.
De fortes variations entre chaque vague de l'épidémie
Car depuis le début de la pandémie, l'adoption du télétravail a été très inégale. Après chaque allocution d'Emmanuel Macron, elle a fortement augmenté, avec le durcissement des règles. Ainsi, 24,9% des salariés ont travaillé à domicile pendant la dernière semaine d'avril 2020, et 22,1% fin novembre, d'après les chiffres de la Dares. Au contraire, dès l'assouplissement des restrictions sanitaires, cette proportion a chuté : 12,2% fin septembre et 17,8% fin décembre.
Actuellement, le télétravail atteint à nouveau des sommets, alors qu'il était plus délaissé en mars avant la troisième vague. En effet, 43% des actifs ayant travaillé du 12 au 18 avril ont télétravaillé au moins partiellement, contre 35% à la mi-mars, d'après une étude réalisée par Harris Interactive pour le ministère du Travail.
Pour lutter contre ces fluctuations, le gouvernement en a fait « une obligation » dès fin octobre. Depuis, le protocole sanitaire national prévoit que « le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l'ensemble de leurs tâches à distance ». Et alors que la sortie de crise se profile, Emmanuel Macron a annoncé jeudi qu'il « sera assoupli à partir du 9 juin », après un premier relâchement en janvier. L'objectif est de « redonner la main aux entreprises et aux salariés », a précisé la ministre du Travail, Elisabeth Borne, il y a quelques jours.
Un cadre juridique pour un télétravail pérenne
Des directives d'autant plus attendues que les entreprises entendent installer durablement cette pratique dans leur quotidien. En effet, 64% d'entre elles prévoient qu'une grande proportion de leurs collaborateurs seront en « home office » à l'avenir, révèle un sondage du cabinet Génie des Lieux réalisée à la mi-janvier. De leur côté, les salariés aussi aimeraient conserver un peu de télétravail : 30% du temps chez eux, 59% au bureau, et le solde dans des tiers-lieux, d'après une étude réalisée en octobre par la Chaire Workplace Management de l'ESSEC Business School.
Surtout, ces règles sont essentielles pour encadrer une organisation qui peut avoir des effets néfastes sur le moral des salariés à long terme. La preuve : en mars dernier, 49% des télétravailleurs se déclaraient en situation de détresse psychologique, soit 4 points de plus que la moyenne des salariés, d'après une enquête d'OpinionWay pour Empreintes Humaines. Entre les fortes amplitudes horaires et la charge de travail, près d'un télétravailleur sur trois a même le sentiment de ne pas respecter le droit du travail, d'où l'importance d'un cadre bien défini.