Le 1er mai 2021, fête du télétravail, ou fête de la télégrève ?

Un 1er mai pas tout à fait comme les autres pour les syndicats. Privés de manifestation l'an dernier pour cause de confinement, ils renouent avec la traditionnelle manifestation en pleine fin de troisième vague de la crise sanitaire. Avec le télétravail et le chômage partiel, les syndicats ont plus de mal à mobiliser les salariés. La crise les a poussés à basculer vers le numérique, où commencent à poindre les premières télégrèves ou des "invasions" numériques des comités sociaux économiques (CSE) en ligne.
(Crédits : Reuters)

Ce 1er mai, Philippe Martinez, le leader de la CGT et Yves Veyrier le chef de file de FO  vont battre le pavé avec un plaisir non dissimulé : l'an dernier, premier confinement oblige, ils avaient été privé de manifestation. Ce samedi, ils défileront donc côte à côte à Paris, accompagnés de la FSU et Solidaires. Sur les banderoles, les mots d'ordre seront sans surprise : défense des salaires, préservation des emplois, demandes de moyens supplémentaires pour les services publics...

Inquiétudes pour l'emploi

Crise oblige, ce 1er mai a toutefois une tonalité particulière : « C'est l'occasion de lancer un avertissement au gouvernement. On est très inquiets sur la fin du « quoi qu'il en coûte », explique Yves Veyrier, pas question que les travailleurs paient la facture... ». Une crainte partagée par Philippe Martinez qui s'attend, dans les semaines à venir, « à des faillites et des plans sociaux en cascade, à une casse sociale sans précédent... » 

A Lille, Grenoble, Toulouse, Paris,....  Plus de 200 mobilisations sont prévues. Mais, les cortèges seront-ils fournis ? Pas sûr. Les contraintes sanitaires sont encore fortes - des adhérents, notamment âgés, hésiteront sans doute à rejoindre une foule - et cette année, le 1er mai est un samedi, moment familial peu propice aux mobilisations pour le travail.

Surtout, pour les syndicats, solliciter les salariés est encore plus difficile qu'avant. Avec le télétravail, le chômage partiel, les sites sont souvent déserts. La vie collective a disparu. Le contexte sanitaire empêche toute distribution de tracts à la sortie des entreprises, les réunions sont interdites, les rassemblements bannis...

De fait, cette pandémie les oblige à accélérer leur bascule sur le numérique. En plus, de la manifestation traditionnelle, FO a donc préparé, cette année, des vidéos avec des témoignages, un diaporama diffusés sur les réseaux sociaux. Et d'ailleurs, confie Yves Veyrier, - non sans bouder son plaisir-, « on touche souvent plus de monde, plus de jeunes, par ce biais que via un document papier ! ». 

A la CFDT,  - qui ne manifeste jamais le 1er mai- l'événement sera également virtuel. Via un Facebook live, Laurent Berger, le secrétaire général de la centrale réformiste, échangera en direct et en visioconférence avec des salariés. Toute cette année, à défaut de pouvoir se retrouver sur le terrain, le syndicat a d'ailleurs multiplié les rencontres avec ses adhérents via les logiciels teams, ou zoom...  

Mais créer le lien via ces messageries électroniques n'est pas facile. Surtout que les directions des entreprises sont souvent frileuses à communiquer les adresses des salariés. La plupart des centrales le regrettent, et s'en sont d'ailleurs ouverts à Elisabeth Borne, la ministre du Travail. Mais le sujet n'avance pas...  Et pour cause, il soulève la question de la confidentialité des données. Aussi, les syndicats doivent-ils souvent se contenter d'un espace virtuel, sur l'intranet de la société, où ils affichent leurs informations. Sans que l'interaction ne soit possible.

Les premières grèves virtuelles en germe

Comme d'autres secteurs, il leur faut donc se « réinventer » .... Et faire preuve d'agilité. Sans quoi, ils risquent de perdre encore des adhérents. « Il nous faut trouver de nouveaux modes de revendications », reconnaît Philippe Martinez. Preuve en est, ces dernières semaines, la CGT a initié les premières grèves virtuelles.

Chez IBM, pour protester contre un plan de restructuration, les salariés ont observé, le 16 avril dernier, une télégrève, - soit un débrayage du télétravail -. Une invasion numérique a aussi été organisée : une centaine de salariés se sont invités, au grand dam de la direction, au comité social et économique en ligne.

Une quinzaine de jours plus tard, le 27 avril, chez Thales, une intersyndicale - composée de FO, CGT, CFE-CGC - se mobilisait aussi virtuellement, avec l'objectif d'obtenir une meilleure répartition des profits. Non sans succès : l'assemblée générale virtuelle a réuni près de 600 salariés des sites de Toulouse et Cannes, qui se sont connectés en ligne. 

Ces petites victoires donnent espoir à ces structures souvent reléguées au monde d'avant : « Cette crise a aussi montré aux travailleurs l'utilité d'adhérer à un syndicat »,  plaide Philippe Martinez. Et d'insister : « Pendant ces confinements difficiles pour les travailleurs, la CGT a mis en place de nombreux numéros d'appel gratuits dans les entreprises, qui ont très bien fonctionné »

Une étude menée par Harris interactive pour  la centrale de Montreuil montre d'ailleurs que l'image des syndicats s'est plutôt améliorée avec la crise. Près de 47 % des Français ont confiance en eux, soit 6 points de plus qu'il y a deux ans. Même constat du côté du patronat. Le Medef, a, par exemple, enregistré de nouveaux adhérents dans la période : « certains secteurs, - comme l'évènementiel, ou le monde du spectacle-, ont constaté qu'ils seraient plus forts pour faire entendre leur voix à Bercy, et pour obtenir des aides, en nous rejoignant », plaide un porte-parole de l'organisation. 

De quoi les inciter à basculer dans un syndicalisme de services ? En France, on en est encore loin. Pourtant, ce pourrait être une porte de sortie afin de freiner la baisse des adhésions. « Les syndicats sont lucides et volontaires pour changer, reconnaît Pierre Ferracci, président du groupe Alpha, spécialiste des questions sociales, mais seront-ils capables de faire face aux enjeux économiques, sociaux, et environnementaux qui les attendent ? ».  L'expert en doute : « Les salariés risquent de se détourner d'eux s'ils ne font pas la démonstration de leur unité mais aussi de leur utilité »

Quant à compter sur le gouvernement pour les remettre au centre du jeu, c'est « un vœu pieux,  juge encore Pierre Ferracci. Certes, Jean Castex fait quelques efforts à leur égard, mais s'ils sont souvent consultés, ils ne sont que très rarement entendus ». Pour préparer le prochain déconfinement, l'exécutif a toutefois prévu de les recevoir en début de semaine prochaine. Comme une énième concertation, sans assurance aucune, qu'ils aient leur mot à dire.

Commentaires 14
à écrit le 02/05/2021 à 21:10
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Cette journée a été visiblement un remake de la castagne du bal du samedi soir.. Assez savoureux finalement (Prompt rétablissement aux castagneurs).. Quelqu'un peut-il nous indiquer toute l'importance de ces manifestations qui coutent à la Nation (po...

à écrit le 02/05/2021 à 17:59
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Démission groupée et soudaine. Une vingtaine d'employés d'une start-up américaine, sur 57 salariés en tout, ont annoncé leur décision de démissionner, sur Twitter, vendredi 30 avril. Leur décision intervient après que leur entreprise a décidé de bann...

à écrit le 01/05/2021 à 11:02
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Deux grands sujets qui posent problème: A quoi servent encore les syndicats aujourd'hui ? Cela n'empêche en rien la fermeture des usines et ne favorisent en rien la création de nouvelles richesses à exploiter et ne contribuent plus depuis longt...

le 02/05/2021 à 9:28
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Dans certains pays, les avancées obtenues par les syndicats ne profitent en effet qu'à leurs seuls encartés. D'où l'utilité d'être syndiqué. Ce n'est nullement le cas en France où le fruit des négociations (ou des luttes) profite à l'ensemble de la c...

le 03/05/2021 à 9:17
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Si les syndicats ont tous tentés de prendre le pouvoir sur l'affaire des gilets jaunes, quand en mars 2020 il a fallu déconfiner et reprendre le chemin du travail, aucun d'entre eux a négocié des avantages aux travailleurs, pourtant c'était bien le m...

à écrit le 01/05/2021 à 10:25
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Syndicat qui gesticule = syndicat dépasse Si leur rôle de contre pouvoir et de propositions a a été utile Dans le passé il serait temps d inventent un futur avec les salariés ... sinon ils vont disparaître. Car les générations 2000 s en fiche r...

le 03/05/2021 à 9:30
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Macron est pas des années 2000, et il a pas conscience que les employé sont des humains qui payent des impôts, pour lui il pense que ce sont des ordinateurs qui gèrent les achats et vente de valeurs boursière. Il a d’ailleurs pas non plus comprit que...

à écrit le 30/04/2021 à 18:37
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A l'heure des réseaux sociaux et compte tenu de la crise sanitaire, pourrons-nous supprimer ces fanfares? Une manifestation nuit à la liberté des non manifestants,; Aujourd'hui, tout le monde peut facilement comprendre que l'on peut communiquer autre...

à écrit le 30/04/2021 à 18:32
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Le 1er mai la fête du travail, toujours et encore : le muguet à 1€, les manifs, et la France qui se rememore le passé. Serait-il possible qu'en france on pense l'avenir et non le passé permanent de la seconde guerre mondiale aux trente glorieuses pu...

le 01/05/2021 à 3:44
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Non, vous etes foutus. D'un cote une europe mortifere, de l'autre la Chine et ses produits low cost pour finir les USA qui dominent.RIP.

le 03/05/2021 à 9:32
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Quels futurs plaisants ont nos enfants? A part faire des études très longue aucune retraite et 45 ans voir plus a chercher un travail qui n'existe plus ils ont aucun autre avenir, désolé mais si personne manifeste, pas la peine de compter sur les pat...

à écrit le 30/04/2021 à 16:12
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Syndicats, quelles avancées pour les salariés svp ?

le 03/05/2021 à 9:36
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En gros les même que celles que les patrons et le gouvernement imposent (retraite + 10ans, temps de travail supérieur pour moins de salaires dont ils ont tous parlé en sorti du confinement mars 2020) quand aux avantages pour les salariés, nada... Les...

le 03/05/2021 à 10:02
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C'est pas facile non plus, aux états unis les syndicats avaient pris une telle ampleur que les patrons en étaient terrorisés et ont fini par faire appelle à la mafia et au gouvernement pour les réduire à néant. Les propriétaires de capitaux et d'outi...

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