Après un rebond vigoureux au T3, l'économie en rechute

« Le reconfinement apparaît moins sévère qu'au printemps, notamment pour la construction et de nombreux secteurs industriels qui pourront travailler en présentiel ». Mais les économistes sont clairs : ce durcissement des mesures pour endiguer la propagation du virus assombrissent les perspectives de croissance pour la fin de l'année et 2021.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

C'est une bonne nouvelle qui pourrait être de courte durée. Selon les derniers chiffres de l'Insee rendus publics ce vendredi matin, le produit intérieur brut (PIB) a rebondi grandement entre le deuxième et le troisième trimestre (+18,3%). C'est un chiffre meilleur qu'anticipé par la plupart des économistes. Le PIB reste malgré tout inférieur de 4,3% par rapport à la même période l'année précédente. Après un printemps cataclysmique (-13,8%), le déconfinement et la saison estivale a permis à l'économie tricolore de retrouver des couleurs. La recrudescence de l'épidémie et la mise en oeuvre du reconfinement pour au moins quatre semaines anéantissent les perspectives d'une reprise durable.

"Le rebond de 18,2% au troisième trimestre se situe dans la moyenne haute de ce que l'on anticipait. Ce qui rend optimiste sur les capacités de rebond de l'économie française par rapport au confinement du printemps. Même si ce rebond est important, il ne permet pas de récupérer l'activité perdue pendant le confinement. Il subsiste encore un écart important d'activité par rapport à l'avant-crise, d'environ 4%" explique l'économiste de COE-Rexecode, Emmanuel Jessua, interrogé par La Tribune. "La chute d'activité au quatrième trimestre va davantage peser, par un effet de base, sur la croissance de 2021. Avec le risque que les confinements à répétition amenuisent progressivement les capacités de résilience et de rebond de l'économie française et entretiennent l'attentisme des ménages et des entreprises, qui se traduirait par un surcroît persistant d'épargne de précaution et une baisse durable de l'investissement".

Un rebond mécanique porté par la demande

Le redémarrage des moteurs de la demande ont permis à l'économie hexagonale de rebondir vigoureusement à partir du mois de juillet. Après une mise sous cloche de pans entiers de l'économie et la mise en place d'un confinement drastique pendant huit semaines, les ménages sont repartis à l'assaut des rayons et des boutiques. Les dépenses de consommation ont ainsi bondi de 17,3% au cours du troisième trimestre. Dans le détail, les achats de biens ont explosé (38,9%) tandis que les achats de services ont bondi de 20,2%.

Les dépenses de consommation des administrations publiques ont également fortement accéléré avec une hausse de 15,4%. Les investissements (Formation brute de capital fixe) ont également augmenté vigoureusement de 23,3% mais reste en retrait en glissement annuel. Au final, la contribution de la demande à la valeur ajoutée tricolore est spectaculaire (18,9 points).

Le commerce extérieur dans le vert au T3

La réouverture des frontières, des ports et des aéroports a permis au commerce extérieur de retrouver des couleurs. Selon les chiffres communiqués par l'organisme de statistiques français, les exportations (+23,3%) ont augmenté plus fortement que les importations (+16%). Résultat, le commerce extérieur a contribué de manière positive au PIB ce trimestre (+1,2 point).

Malgré ces signaux positifs, le commerce extérieur reste empêtré dans une situation très délicate. L'appareil exportateur français très spécialisé dans l'aéronautique notamment traverse une grave crise alors que le transport aérien est exsangue. "En effet, les secteurs porteurs pour les exportations françaises (aéronautique, tourisme international, etc.) sont particulièrement atteints par la crise sanitaire ajoutent les statisticiens. En outre, le renforcement des mesures de confinement à l'échelle de l'Europe et la concrétisation du Brexit dans quelques semaines risquent une nouvelle fois de peser sur les exportations tricolores.

La France tire la croissance en Europe

Sur le Vieux continent, la France enregistre le rebond le plus important entre le second et le troisième trimestre selon les données communiquées par Eurostat ce vendredi 30 octobre (sur les pays pour lesquels les données sont disponibles). L'Espagne (16,7%) et l'Italie (16,1%) arrivent sur la seconde et la troisième marche du podium. Malgré ce redémarrage meilleur que prévu, la perspective d'une trajectoire de croissance en W se renforce. Pour l'économiste d'ING Bert Colijn, "le rebond très fort de la zone euro est porté par la France, l'Espagne et l'Italie, ces pays qui ont pratiqué les confinements les plus stricts au printemps. Clairement, la croissance du T3 reflète un rebond mécanique [...] Avec les nouvelles mesures de restriction et de confinement, cela rend la double récession inévitable".

Une fin d'année dans le rouge

Après avoir espéré une reprise en V, le gouvernement a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour la fin de l'année. Le reconfinement va provoquer une chute de l'activité économique de près de 15%, a estimé jeudi soir le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. "Ce confinement est un coup dur pour toutes les entreprises qui vont être fermées. Je pense en particulier aux 200.000 commerces qui vont être obligés de fermer" a-t-il rappelé lors d'un point presse avec le Premier ministre Jean Castex jeudi soir.

Lire aussi : Le reconfinement va faire chuter l'activité économique de 15% d'après Bruno Le Maire

Pour l'économiste Eric Dor, en fonction de l'intensité de l'impact du second confinement au 4ème trimestre, la croissance annuelle du PIB réel de la France entre 2019 et 2020 serait selon un scénario haut de -9,74% et selon un scénario bas de 10,99%. Dans une note publiée ce matin, les économistes d'Euler Hermes estiment de leur côté que "la croissance française se contractera entre -6% et -10% au T4 2020, selon l'évolution de la situation sanitaire et des mesures de confinement [...] la croissance française reculera ainsi de -10,5% en 2020. Un prolongement du confinement en décembre pourrait pousser la croissance française à reculer jusqu'à -11% en 2020". Enfin, pour Emmanuel Jessua :

"Le reconfinement change à nouveau la donne et va entraîner une nouvelle chute d'activité au quatrième trimestre. Il apparaît toutefois moins sévère qu'au printemps, notamment pour la construction et de nombreux secteurs industriels qui pourront travailler en présentiel. Plus généralement, des effets d'apprentissage font que les entreprises sont sans doute mieux préparées à un nouveau confinement. En revanche, beaucoup de secteurs dans les services reposant sur les interactions sociales et la mobilité (tourisme, transports, spectacles) devraient enregistrer une chute brutale d'activité proche de celle du printemps. Dans ces hypothèses, nous anticipons une chute de PIB de plus de 4% au quatrième trimestre et, sur l'année 2020, la récession serait proche de 9,5%".

Grégoire Normand
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