"L'économie ne doit ni s'arrêter, ni s'effondrer". Dans son allocution mercredi 28 octobre, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé la mise en oeuvre d'un reconfinement de la population française pour au moins quatre semaines. Si l'ensemble des mesures annoncées sont moins sévères qu'au printemps, la fermeture de nombreuses activités jugées comme non-essentielles pourrait avoir un impact macroéconomique significatif au cours du dernier trimestre. Dans un contexte sanitaire très dégradé, le chef de l'Etat doit jouer les funambules entre la préservation du tissu productif et la santé de la population. Pour Emmanuel Macron, "il n'y a pas d'économie prospère dans une situation sanitaire dégradée avec un virus qui circule activement. Et, je vous le dis très clairement, il n'y a pas non plus, de système de santé qui tient s'il n'y a pas une économie forte pour le financer. C'est donc un juste équilibre qu'il nous faut sans cesse rechercher."
Un impact moindre qu'au printemps
La mise sous cloche de l'économie tricolore au printemps a provoqué une plongée brutale et violente de l'activité. En quelques jours, des pans entiers ont dû stopper leur activité sur l'ensemble du territoire et des millions de travailleurs ont dû se mettre au travail à distance sans toujours avoir le matériel adapté (connexion, ordinateur..) tout en s'occupant de leur famille (garde d'enfants). Selon une évaluation de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) menée au printemps, la période de confinement de huit semaines a entraîné une perte d'activité de 32%, soit environ 5 points de Produit intérieur brut (PIB) pour deux mois et 2,5 points pour un mois. C'est un chiffre qu'a rappelé récemment le ministre des comptes publics Olivier Dussopt. Ce qui représente environ 60 milliards d'euros par mois. Au final, le PIB s'était replié de 13,8% au cours du second trimestre.
Pour le dernier trimestre, le choc devrait être moindre qu'au printemps. S'il est encore un peu tôt pour avoir une idée précise des répercussions du nouveau confinement sur l'économie tricolore, les économistes qui ont travaillé sur le sujet s'attendent à une nouveau trimestre en récession. Dans une note publiée ce matin, l'économiste de Oddo Securities, Bruno Cavalier estime que "l'impact sur le PIB réel sera une contraction d'environ 4.5% au T4, un choc certes très fort, mais environ trois fois moindre que durant le confinement de mars à mai [...] Le stop-and-go est rarement une politique efficace, que ce soit dans le champ économique ou sanitaire. C'est le plus souvent la marque d'une erreur de jugement, d'anticipation ou de décision, ou les trois à la fois".
De son côté, le chef économiste de Ostrum Asset Management Philippe Waechter est guère optimiste. "L'impact du confinement de novembre peut être fait en référence à la rupture du 2ème trimestre lorsque le PIB s'était contracté de -13.8%. Une hypothèse conservatrice est de prendre -6% sur le dernier trimestre 2020. Dans ce cas, le PIB se contracterait de -10.8% en 2020 et avec rebond au premier trimestre 2021, la croissance serait de l'ordre de 3.5% en 2021 et le retour au niveau de 2019 ne se ferait pas avant 2026". Une autre économiste spécialiste de la France également interrogée par La Tribune s'attend à une récession supérieure à 10% pour 2020 avec tous les clignotants qui se détériorent pour la fin de l'année.
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Les secteurs les plus exposés
L'annonce de la fermeture des commerces par le locataire de l'Elysée a suscité de nombreuses réactions chez le patronat. Pour le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, cette décision est "une erreur" qui risque d'entraîner beaucoup de faillites et de pertes d'emplois. Selon le président de l'organisation patronale, "le fait de fermer les commerces qui ne sont en aucun cas responsables de la contamination puisqu'ils ont tous mis en place les mesures barrière, les masques, le gel à l'entrée est une erreur" a-t-il indiqué au micro d'Europe 1 ce jeudi matin.
De son côté, l'Union des entreprises de proximité (U2P) a réagi dans un communiqué à la suite de l'allocution du chef de l'Etat. "Comment accepter que les très nombreux commerces et activités de proximité jugés non essentiels (cafés, restaurants, coiffeurs, fleuristes, opticiens, libraires...), qui se battent depuis des mois pour sauver leur entreprise, soient à nouveau arbitrairement plongés dans l'inactivité et promis de plus en plus sûrement à une fermeture définitive ? N'oublions pas en outre que de très nombreuses activités connexes (brasseurs, pressing, pépiniéristes...), subiront par ricochet les mêmes effets délétères".
Des dérogations pour certains commerces
En dépit de ces nouvelles restrictions, de nombreuses activités ont droit à des dérogations comme au printemps. D'après une liste non définitive communiquée par l'entourage du ministre de l'Economie mercredi soir, les garages, commerces alimentaires, supermarchés, hypermarchés, magasins d'informatique, les hôtels, les blanchisseries et teinturiers, ainsi que les activités de banque et d'assurance pourront rester ouverts. A cela s'ajoutent les services publics qui devront maintenir leur activité. Lors de son discours à l'Assemblée nationale ce jeudi matin, le Premier ministre, Jean Castex a indiqué que le télétravail devait être généralisé quand cela était possible alors que l'administration est longtemps restée en retrait sur ces pratiques. "Dans les administrations publiques, pour tous les agents dont les missions peuvent être totalement ou principalement exercées à distance, le télétravail se fera 5 jours sur 5".
20 milliards d'euros pour de nouvelles mesures d'urgence
Face à l'urgence, le chef du gouvernement a annoncé une panoplie d'aides et de mesures à destination des entreprises et des salariés au palais du Bourbon ce jeudi matin.
"L'État a déployé au cours de la première phase des mesures de soutien exceptionnelles. Ces mesures, nous les reconduisons et nous allons les amplifier. Tous les secteurs faisant l'objet d'une fermeture administrative bénéficieront ainsi d'aides pouvant aller jusqu'à 10.000 euros par mois via le fonds de solidarité. Pour tous les secteurs faisant l'objet d'une fermeture administrative, nous mettons en place l'activité partielle avec zéro reste à charge pour l'employeur. Pour les autres secteurs, le
dispositif d'activité partielle en vigueur, qui devait se réduire au 1er novembre, sera maintenu et prolongé pour les salariés aux conditions actuelles. Les PME qui connaissent des difficultés pourront bénéficier d'un renforcement des exonérations de charge, et nous prolongeons de six mois les prêts garantis par l'État.
Après plusieurs lois de finances rectificatives, le gouvernement s'apprête à adopter un prochain PLFR en conseil des ministres mercredi prochain. L'exécutif a prévu une enveloppe de 20 milliards d'euros supplémentaires pour financer ces mesures de soutien et d'accompagnement.
Le spectre d'un chômage de masse plane à nouveau
La fermeture de nombreuses activités dans le tourisme, la culture, le transport, l'hébergement et la restauration alimente les craintes d'une hausse soudaine du chômage dans les semaines à venir. Dans leur dernière note de conjoncture du mois d'octobre, les économistes de l'Insee anticipaient un chômage proche de 10%. De leur côté les statisticiens de l'Unedic projetaient un chômage à 10,5% de la population active. Avec l'instauration d'un couvre-feu dans plus de 54 départements depuis plusieurs semaines et ce reconfinement, les prévisions économiques devraient sérieusement s'assombrir pour le dernier trimestre. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a déjà annoncé que l'activité allait reculer entre octobre et décembre. Pour les personnes en CDD, intérim et saisonniers, c'est la double peine. Après un printemps catastrophique, beaucoup de travailleurs risquent encore de se retrouver dans l'impossibilité de retrouver un emploi dans les semaines à venir alors que les fêtes de fin d'année sont souvent propices à l'embauche de ce type de contrat.