Tarifs des consultations médicales : le projet du gouvernement en passe de tomber à l'eau

Les deux principaux syndicats de médecins libéraux, chez les généralistes et les spécialistes, ont annoncé dimanche soir leur rejet « à l'unanimité » des nouveaux tarifs de consultation proposés par l'Assurance maladie, en contrepartie d'un engagement à augmenter leur activité. Une situation que déplore le ministre de la Santé, regrettant l’absence de « responsabilité » des médecins et disant ne pas comprendre « une position aussi fermée ». Faute d'accord, les nouveaux tarifs devraient être fixés par un arbitre et les médecins pourraient donc avoir lâché la proie pour l'ombre.
Les médecins jugent « humiliant et infantilisant » de devoir prendre les différents engagements réclamés par la Cnam.
Les médecins jugent « humiliant et infantilisant » de devoir prendre les différents engagements réclamés par la Cnam. (Crédits : Reuters)

[Article mis à jour lundi 27 février à 10h15]

« Une consultation qui coûte moins cher qu'une simple séance de manucure ». Les six syndicats de médecins représentatifs, qui ont jusqu'à mardi soir pour accepter ou rejeter la nouvelle grille de tarifs et autres forfaits proposée par l'Assurance maladie pour cinq ans, ne devraient pas signer la nouvelle convention tant ils ne se sentent pas valorisés, d'après leurs dernières déclarations.

Pour rappel, la proposition de la Cnam (Caisse nationale d'assurance maladie) prévoit que toutes les consultations médicales seraient revalorisées de 1,50 euro. Pour les généralistes, cette revalorisation sans condition porterait la consultation de base à 26,50 euros, contre 25 euros depuis 2017. Les praticiens acceptant de prendre des « engagements territoriaux » (prendre davantage de patients, participer aux gardes, exercer dans un désert médical...) obtiendraient un tarif de consultation supérieur, à 30 euros par exemple pour les généralistes.

Dans un dernier effort pour convaincre, Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, a rappelé vendredi que le projet d'accord signifiait 1,5 milliard d'euros de dépenses supplémentaires pour le budget de la Sécurité sociale, dont 600 millions pour les mesures non conditionnelles et 900 millions pour les mesures liées à des engagements sur l'offre de soin.

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« Un vote négatif, à l'unanimité » tant pour les généralistes que les spécialistes

Les deux principales organisations chez les généralistes et les spécialistes ont fait part ce dimanche de leur hostilité aux propositions, par l'intermédiaire d'un vote. « Il y a eu 98% de participation et 100% ont dit non à la signature », a déclaré lors d'une conférence de presse Agnès Giannotti, la présidente de MG France, le plus important syndicat de généralistes. Un vote négatif à l'unanimité qui « doit être de nature à faire réfléchir les politiques », selon elle.

Même résultat chez les spécialistes de l'union Avenir Spé-Le Bloc, réunis en assemblée générale dimanche. « Pas de signature, à l'unanimité », a indiqué à l'AFP Patrick Gasser, le président. « On a fait ce qu'on a pu, c'est un échec », a-t-il ajouté, mais « la responsabilité en incombe à d'autres, au gouvernement et au-dessus ».

Outre le tarif, les médecins dénoncent un « manque de reconnaissance »

Chez les généralistes, la question du tarif a été « marginale » dans l'issue du vote, a assuré Agnès Giannotti, expliquant que les praticiens souffrent surtout d'un « manque de reconnaissance ». « Dire qu'il faut qu'on s'engage, ça veut dire qu'on ne le fait pas et ça, c'est absolument inaudible pour la profession », a-t-elle ajouté. « Les négociations de mercredi et jeudi ont permis des « améliorations sur des détails, mais l'essentiel est inchangé », avait-elle déjà pu regretter.

Les médecins jugent « humiliant et infantilisant » de devoir prendre les différents engagements réclamés par la Cnam, avait déjà expliqué jeudi matin à l'AFP le docteur Luc Duquesnel, qui représente les généralistes au sein du syndicat CSMF. « Les quelque 40% de médecins généralistes qui remplissent déjà les critères refuseront de signer ce contrat » pour cette raison.

Pour les spécialistes, les contreparties exigées n'étaient tout simplement « pas admissibles », a argumenté Patrick Gasser, comparant l'enveloppe globale de 1,5 milliard d'euros avancées par la Cnam aux « milliards injectés dans les établissements de santé, publics et privés » depuis le Covid et le « Ségur de la santé ».

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Une absence de « responsabilité » selon le ministre de la Santé

François Braun a réagi ce lundi 27 février au vote des syndicats de médecins. « On passe à côté d'une occasion d'améliorer la prise en charge de nos concitoyens, je trouve que les syndicats de médecins ne sont pas responsables », a jugé François Braun sur France Inter, disant ne pas comprendre « une position aussi fermée ».

Il est notamment revenu sur le tarif de la consultation. « 26,50 euros, ce n'est pas du tout la valeur de la consultation. Un médecin a plus de 20% de son revenu qui est fait de forfait, payé par l'assurance maladie, ce qui fait une consultation de base à 36,50 euros », a-t-il indiqué.

Quant aux contreparties de la convention, il a expliqué que les médecins ne devaient pas toutes les cumuler. « Il faut que les médecins cochent deux cases. Et quand on dit faire une garde, c'est une garde par mois, donc arrêtons de dire que c'est une pression intolérable », a estimé le ministre. « Ce n'est pas travailler plus, c'est travailler différemment ».

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Un arbitrage pour sortir de l'impasse

Avec ce rejet des deux organisations pesant plus de 30% chacune parmi les généralistes et les spécialistes, le projet d'accord soutenu par le gouvernement est en passe de tomber à l'eau. Le ministre de la Santé a d'ailleurs peu d'espoir sur l'issue des discussions : « Il n'y aura pas d'accord d'ici demain soir, c'est à peu près certain, même si je veux toujours croire au bon sens », a-t-il déclaré.

À défaut d'une improbable alliance entre au moins deux des quatre syndicats restants, les nouveaux tarifs seront fixés par un « arbitre », Annick Morel, une ancienne inspectrice générale des affaires sociales. Elle aura « trois mois pour proposer un texte qui s'imposera pendant au moins deux ans », a précisé François Braun. « On va perdre du temps », a-t-il déploré.

Cet arbitre ne sera par ailleurs pas tenue de s'appuyer sur l'état actuel des négociations pour préparer sa copie. Au risque donc pour les médecins d'avoir lâché la proie pour l'ombre en refusant de signer la proposition de la Cnam.

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ZOOM - Le Sénat a voté l'accès direct à certains infirmiers, kinésithérapeutes et orthophonistes

Malgré les protestations des médecins, le Sénat a adopté mi-février en première lecture un texte macroniste pour l'accès direct à certains infirmiers, kinésithérapeutes et orthophonistes, après y avoir intégré le principe d'une pénalisation controversée des rendez-vous médicaux non honorés. Le vote a été acquis par 199 voix pour et 14 contre. Députés et sénateurs vont maintenant tenter de s'accorder sur un texte commun en commission mixte paritaire.

Dans la lutte au long cours contre les déserts médicaux, la proposition de loi de la députée Renaissance Stéphanie Rist vise notamment à élargir les missions des infirmiers en pratique avancée (IPA) qui seraient désormais autorisés à faire certaines prescriptions de soins et médicaments.

Les patients pourraient se rendre chez ces soignants sans passer par un médecin, mais toujours dans le cadre d'un « exercice coordonné » avec ce dernier. La proposition de loi permet également un « accès direct » aux kinésithérapeutes et orthophonistes exerçant dans des établissements de santé.

« L'objectif n'est en aucun cas de mettre de côté le médecin généraliste », a assuré la ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo, alors que les médecins libéraux manifestaient contre ce texte et pour réclamer de meilleurs tarifs. Il s'agit pour le gouvernement « de libérer du temps médical et de faciliter l'accès à la santé ».

« Ne nous berçons pas de chimères, ce texte oppose à un problème structurel des réponses parcellaires et ne permettra pas de résoudre les graves difficultés auxquelles certains de nos concitoyens sont confrontés », a mis en garde de son côté la rapporteure Corinne Imbert (LR).

(Avec AFP)

Commentaires 14
à écrit le 01/03/2023 à 20:24
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L indice à la consommation est de 6% depuis 2017. Légalement les honoraires médicaux sont inaliénables n y l impôt ni l administration ne peut s'en saisir. En cela tant l adaptation à peu est possible pour les gens démunis. Le secret médical gardé...

à écrit le 28/02/2023 à 6:56
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La principale préoccupation des médecins est l’amélioration de la qualité de travail qui est effroyable. Ils sont tous épuisé au bout du rouleau avec une moyenne d’âge au-dessus de 55 ans. Tapez-vous des gardes de nuit profonde sans repos, compensate...

à écrit le 28/02/2023 à 6:53
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La principale préoccupation des médecins est l’amélioration de la qualité de travail qui est effroyable. Ils sont tous épuisé au bout du rouleau avec une moyenne d’âge au-dessus de 55 ans. Tapez-vous des gardes de nuit profonde sans repos, compensate...

à écrit le 27/02/2023 à 15:40
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Mon médecin généraliste 4 jours de consultations et pas plus de 8h par jour de travail dans une ville de 49000 habitants avec une insuffisance de médecins. IL faut être autoritaire contre cette caste avec implantation obligatoire dans les déserts mé...

le 27/02/2023 à 16:48
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Mais les médecins paient leurs études en travaillant à l'hôpital gratuitement ou presque en tant qu'externes et internes , sans les étudiants il n'y aurait ni hôpitaux ni cliniques . Quant à la rémunération à niveau d'études et de responsabilités...

le 27/02/2023 à 20:02
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A 26 euro le 1/4 d heure soit 100 euro de l heure et sans equioement particulier sauf un bureau in generaliste ne me semble pas des plusb al remunere comme fonctionnaire

le 28/02/2023 à 6:55
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L'ARCHIVE. Fin décembre 2001, les médecins généralistes étaient en grève pour le pont du Nouvel an. Ils exigeaient une revalorisation de leurs tarifs et dénonçaient aussi des conditions de travail parfois difficiles. Le journal de 20 heures de Franc...

à écrit le 27/02/2023 à 15:22
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On se delande bien de quel côté est l'IRRESPONSABILITE entre un Mister BRAUN, ancien fonctionnaire urgentiste et des médecins libéraux C'est bien évidemment 2 mondes qui s'ignorent .

à écrit le 27/02/2023 à 15:19
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Fixons le prix de la consultation médicale inversement au taux national de malades en souffrance...! (automatique : asservissement)

à écrit le 27/02/2023 à 12:18
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Ayant entendu certains médecins dire que dans ces conditions ils allaient se « déconventionner » je les invite fortement à le faire car je suis sûr que les mutuelles ne rentreront pas dans leur jeu et donc que le public, puisqu’il sera mal remboursé,...

le 27/02/2023 à 13:31
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Et vous irez où, vu la pénurie de médecins généralistes dans de nombreuses régions ?

le 27/02/2023 à 14:13
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Nous n'irons nulle part, nous mourrons et les médecins dont la principale préoccupation est l’argent seront responsables de notre mort.

à écrit le 27/02/2023 à 11:55
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Ce matin le ministre de la santé était l'invité d'une station de la radio publique. A l'évidence il avait très bien préparé son intervention avec ses conseillers et communicants en assénant quelques chiffres bien choisis qui pouvaient laisser penser...

à écrit le 27/02/2023 à 8:53
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ils n'ont qu'a se mettre en greve illimitee, comme la cgt sncf, en hurlant qu'ils veulent la consultation a 300 euros, et la retraite a 40 ans, comme a la cgt......et bloquer les acces aux hopitaux comme la cgt bloque les acces aux depots petroliers,...

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