Maladie de Lyme : enquête sur une maladie mystérieuse

Alors que le laboratoire biotech français Valneva entre en essais cliniques de phase 3 pour un vaccin contre la maladie de Lyme, que sait-on aujourd’hui de cette infection bactérienne à l'origine mystérieuse ? Comment la soigne-t-on ? Pourquoi suscite-t-elle autant d'errance médicale et de polémiques ? Enquête..
(Crédits : Reuters)

Le laboratoire nantais Valneva vient de lancer avec l'Américain Pfizer les essais cliniques de phase 3 de ce qui pourrait devenir un vaccin efficace contre la borréliose de Lyme. Les essais de ce VLA15 pourraient déboucher sur une demande d'autorisation de mise sur les marchés américain et européen en 2025. Après l'échec d'un premier vaccin ancien trop cher et nécessitant trop d'injections, les médecins attendent avec retenue une formule qui pourrait protéger les personnes les plus exposées à la maladie, les forestiers et les agriculteurs notamment.

L'association France Lyme reste cependant prudente car cette annonce risque de laisser penser que cette maladie n'est plus un problème, tout comme ChroniLyme, une association qui plaide pour sensibiliser les politiques à cette maladie. « Nous avons contacté les équipes de Valneva, affirme son président Bertrand Pasquet. Nous nous demandons avec quelles souches de la bactérie ils élaborent leur vaccin. Mais ils ne nous ont pas répondu. Par contre, ils sont diserts pour faire du lobbying auprès des parlementaires en affirmant que la problématique Lyme aura bientôt trouvé ses solutions. »

40 ans d'études sur Lyme

Depuis sa découverte officielle, la maladie de Lyme intéresse autant la recherche scientifique qu'elle provoque polémiques et frustrations. Cette infection a été mise à jour en 1975 à l'occasion d'une épidémie d'arthrite touchant les enfants de la ville de Lyme (Connecticut). Elle est provoquée par Borrelia, une bactérie déjà identifiée par la science au XIXème siècle, responsable de phénomènes inflammatoires et peu résistante aux antibiotiques.

Mais même après cette identification, la médecine a mis du temps à comprendre ce que la maladie provoque exactement. Car non seulement le Lyme a longtemps été difficile à diagnostiquer - les premiers tests s'étant montrés défaillants avec beaucoup de faux négatifs - mais il existe différentes formes cliniques suivant la "sous-catégorie" de Borrelia : maladie de type cutané, articulaire ou neurologique. Aujourd'hui, les médecins peuvent mieux diagnostiquer la maladie de Lyme, mais on est encore loin d'avoir tout compris sur cette infection. Certains patients semblent ne jamais s'en sortir malgré les traitements...

Comment est-on infecté ?

La borréliose de Lyme est provoquée par une piqûre de tique infectée par Borrelia. Maladie de l'hémisphère Nord, elle s'est répandue notamment aux États-Unis et au Canada, ainsi que dans toute l'Europe, à l'exception du pourtour méditerranéen. Elle sévit surtout en zone rurale, en forêt ou dans les clairières où vivent les tiques. Or le réchauffement climatique invitant plus souvent à se balader dans la nature, les risques augmentent.

Lorsqu'une personne est piquée, elle ne s'en aperçoit pas forcément car la piqûre est indolore et la tique étant à jeun, elle est minuscule. Au bout de cinq jours, elle a bien grossi et se détache d'elle-même. Quelques jours plus tard, un érythème rosé peut alors se former sur la peau au niveau du point de piqûre, une cocarde qui se repère plus ou moins suivant où elle se situe. On l'appelle érythème migrant. Même en l'absence d'antibiotique, la cocarde disparaît en plusieurs semaines et peuvent alors apparaître d'autres symptômes de la maladie (douleurs musculaires et articulaires, maux de tête, douleurs ressemblant à une sciatique etc.).

Diagnostics complexes

Si la maladie a été mal connue pendant longtemps, les généralistes y ont été sensibilisés. Depuis 2019, la France compte 50 centres de compétence pour les aider à orienter les patients et cinq centres de référence pour les diagnostics complexes. Car malgré l'existence de tests sérologiques performants, l'interprétation de leurs résultats reste complexe. Le Dr Alice Raffetin est coordonnatrice du Centre de Référence Régional des Maladies Vectorielles à Tiques, Paris et région Nord. « En l'absence d'érythème migrant, la question est de savoir si le patient a été exposé à un lieu d'habitat des tiques. Quand il présente des signes évocateurs, quelques jours après la piqûre, on peut diagnostiquer la maladie même en cas de test sérologique négatif. En effet, les anticorps n'ont pas eu le temps d'être synthétisés par le corps. Certains labos développent actuellement des tests prometteurs notamment pour les phases très précoces. Ils pourraient arriver bientôt sur le marché. »

Sur les rangs, le Finlandais Reagena avec son ReaScan mais aussi BioMérieux et le Centre national de référence Borrelia à Strasbourg, avec un diagnostic protéomique. Avec ou sans ces anticorps en phase précoce, un patient diagnostiqué Lyme sera traité avec deux ou trois semaines d'antibiotique par oral ou en injection pour des infections complexes. Après une période de rétablissement, le patient est normalement guéri. Sauf que...

Les Lyme au long cours

Sauf que certains patients gardent des symptômes des années après leur premier traitement. Si plus de 80 % des cas de borréliose de Lyme sont guéris au bout d'un an, d'autres souffrent d'une grande fatigue, de migraines, de névralgies très douloureuses et de paralysies. De quoi relèvent donc ces symptômes persistants ? Sont-ils dus à une persistance de l'infection, à des séquelles, au réveil d'autres maladies sous l'effet de l'inflammation causée par la borréliose ou à d'autres infections transmises par la piqûre de tique ?

Pendant longtemps, ces patients passés à côté de la cocarde n'ont pas été reconnus Lyme. Avant 2010, le patriarcat médical leur affirmait encore trop souvent que la maladie était "dans leur tête". Depuis, les nouvelles générations de médecins ont compris que la médecine avait encore beaucoup à apprendre. Aujourd'hui, ces patients au long cours sont reçus dans les centres de référence par une équipe médicale pluridisciplinaire pour essayer de poser un vrai diagnostic. « Parmi les patients reçus, 15 % ont bien la borréliose, mais 85 % souffrent d'autres problèmes principalement rhumatologiques et neurologiques », observe Alice Raffetin.

Infection persistante ou séquelle ?

L'association France Lyme accueille les patients dont la cause des symptômes longs n'a pas été découverte. C'est le cas de sa secrétaire générale, Christèle Dumas, qui souffre de symptômes neurologiques au long cours. « On estime entre 200 000 et 300 000 le nombre de patients sévèrement atteints en France et nous aidons ces personnes à mieux comprendre la maladie et les différentes façons de se soigner. La médecine est divisée en deux chapelles encore irréconciliables. La première utilise seulement les pratiques conventionnelles avec le traitement antibiotique qui n'a pas fonctionné sur moi. La seconde réunit des médecins qui prescrivent des combinaisons de plusieurs traitements pour tenter de soulager les patients. » Christèle Dumas en est persuadée, son infection Lyme n'a pas été guérie ou bien la piqûre de tique lui a transmis d'autres infections. Elle suit des traitements alternatifs en dehors du parcours de soin défini comme d'autres patients. Et elle a observé de nettes améliorations.

Dans certains traitements non labellisés Sécu, certains se proclament "rééducation immunitaire" pour réveiller les globules blancs, d'autres mettent les patients sous antibiotique longue durée. Selon Alice Raffetin, des ordonnances de ce type peuvent compter jusqu'à 15 molécules différentes. « Ces traitements parfois peu scrupuleux reposent sur l'idée de crypto infections, d'autres infections cachées qui subsisteraient derrière la borréliose. » Une hypothèse possible mais que rien ne permet d'étayer aujourd'hui alors que la science a mis en évidence d'autres pistes, notamment inflammatoires, pour expliquer ces symptômes persistants.

Diagnostic, traitement, vaccin : quelles solutions ?

La borréliose de Lyme n'est pas une maladie rare, on recense en France 60 000 cas par an, 130 000 en Europe et 476 000 aux États-Unis. Au total, plus de 14 % de la population mondiale l'aurait déjà attrapée, selon une méta-analyse qui compile les études sur le sujet. Les Lyme longs sont bien moins nombreux, mais on en entend souvent parler tant ils sont douloureux pour les patients et gardent des mystères pour les médecins. Heureusement, la recherche devrait s'y intéresser davantage. Après la crise sanitaire et l'apparition des cas de Covid longs, les études sur les symptômes post infectieux sont bien mieux financées.

Des études très attendues pour endiguer la multiplication des drames, des polémiques et des médicaments de charlatans, des phénomènes qui se développent souvent autour des maladies qu'on ne sait pas soigner. A l'instar de ces deux récents épisodes outre-Atlantique : au Québec, la fille du PDG d'un groupe de pharmacies franchisées s'est donné la mort alors qu'elle aurait été atteinte de borréliose mal diagnostiquée.

 Aux États-Unis, c'est l'origine de l'épidémie de Lyme qui pose question. Elle pourrait venir d'expérimentations menées par l'Armée autour des armes biologiques avec des puces et autres moustiques porteurs de maladies. Des expériences militaires qui auraient pu mal tourner, entraînant le rejet accidentel d'insectes de laboratoire infectés dans la nature du Connecticut. La Chambre des représentants a demandé une enquête pour savoir si le Pentagone aurait essayé d'utiliser des tiques comme armes biologiques entre 1950 et 1975...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 7
à écrit le 19/12/2022 à 14:42
Signaler
Total soutien avec les LR !

à écrit le 19/12/2022 à 10:50
Signaler
On pourrait tout aussi bien défendre l'idée que l'écoresponsabilité est u masque pour une pensée néo-marxiste qui voudrait à nouveau pouvoir imposer une "transformation profonde de nos habitudes", comme dans l'URSS de 1917, cette fois en se saisissan...

à écrit le 19/12/2022 à 10:42
Signaler
Les patrons peu compétents n'avaient pas prévu que le covid entraînerait une pénurie de moutarde, de papier Q, de farine, de beurre, de foie gras, de pellets, de buches de chauffage, d'huile de tournesol et surtout que le gas oil deviendrait plus coû...

le 19/12/2022 à 11:37
Signaler
C'est comme un gros éléphant, lourd mais d'un autre côté si gracile... il en est de même pour Babar bien que j'ai toujours préféré Guignol que j'allais voir au Théâtre de marionnettes du Jardin du Luxembour. Et vous y alliez-vous ?

le 19/12/2022 à 11:50
Signaler
matins calmes @ matins calmes. Sans doute un manque d'imagination de votre part. Prendre le pseudo existant depuis des annees d'un autre contributeur ne vous gene pas ? Pour l'instant je reste courtois, faudrait songer a y reflechir. Cordialement.

le 19/12/2022 à 18:23
Signaler
Madame, la maladie de la Lyme est plus fréquente que la probabilité d'une attaque d'ours ou de loup surtout en région parisienne... mais je vous rejoins quant au fait que nous sommes truffés de trace de piqures. Pour ma part mon corps ressemble à une...

à écrit le 19/12/2022 à 8:19
Signaler
Mon médecin me dit qu’il y aurait 38 souches différentes de borrélioses.. je suis personnellement positif. Ces décomptes sont toujours difficiles car évidemment se pose la question des distances génétiques. Très certainement, c’est un mauvais signe p...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.