Gabriel Attal, le ministre des comptes publics, l'assure : il y aura des baisses d'impôts pour les Français qui travaillent. Un plan conséquent qu'il n'hésite pas à qualifier de « plan Marshall ».
Cibler la France qui travaille
Seront surtout visées les classes moyennes, c'est-à-dire la France qui travaille. Difficile de la définir, mais il s'agit de faire un geste pour ces ménages qui ne sont pas assez pauvres pour percevoir des aides sociales, pas assez riches pour avoir le sentiment de vivre bien, surtout en ce moment où l'inflation est très élevée. Ces Français qui ont le sentiment d'être déclassés, et qui se détournent de la macronie, parfois au profit de l'abstention, ou bien des extrêmes.
Aussi, ces baisses d'impôts promises ont-elles pour objectif autant de leur redonner du pouvoir d'achat, que de leur montrer que le politique a entendu leur ressentiment, leurs difficultés au quotidien. « Ces baisses d'impôts sont un engagement du Président », rappelle encore, formel, Gabriel Attal.
Alors que la popularité du gouvernement est en baisse suite au long conflit contre la réforme des retraites, l'exécutif souhaiterait mettre en place rapidement, dès l'an prochain, ces allègements de prélèvements obligatoires.
Histoire de redorer sa cote dans l'opinion. Et c'est Emmanuel Macron qui en annoncera le détail, probablement le 14 juillet prochain, lors de son allocution.
Toutes les options sont sur la table
Pour l'instant, rien n'est arbitré. Mais « plusieurs options sont sur la table », assure un conseiller ministériel. Il y a d'abord le classique remaniement du barème de l'impôt sur le revenu. Après la crise des Gilets jaunes, le gouvernement avait baissé la première tranche de 14% à 11%, allégeant ainsi la facture des Français les plus modestes assujettis à l'impôt sur le revenu. « Problème, concède un membre du gouvernement, c'est qu'avec le prélèvement à la source, les gens ne s'en rendront pas compte ».
Autre idée étudiée actuellement au ministère des Finances, la réforme des droits de succession. Elle présente l'avantage d'être populaire, et figurait dans le programme d'Emmanuel Macron en 2022. Son coût était évalué autour de 2 milliards d'euros. « Mais, il y a un souci : cette réforme ne va en réalité pas toucher les classes les plus modestes, qui ne paient pas de droits sur les successions... en réalité, ce sera surtout profitable aux plus aisés », confie encore cette source à Bercy.
Une réflexion a aussi été lancée autour de la fiscalité concernant les enfants, notamment pour alléger la facture des familles, qui souvent font partie des plus modestes. Une des pistes serait alors de considérer le premier enfant comme une part - et non plus comme une demi-part, comme c'est le cas aujourd'hui, dans la déclaration d'impôts. Bercy fait actuellement tourner les calculettes, pour estimer le coût pour l'Etat mais aussi le gain pour les foyers.
Enfin, pour bien cibler les Français qui travaillent, il y a aussi la possibilité d'aller un cran plus loin pour les heures supplémentaires défiscalisées. Mais celles-ci sont déjà en place et le plafond a déjà été rehaussé.
Une promesse sous forte contrainte budgétaire
En attendant que les arbitrages soient rendus, la contrainte se fait de plus en plus forte sur les finances publiques. Dans un contexte où la réserve fédérale américaine mais aussi la Banque centrale européenne (BCE) devraient augmenter, cette première semaine de mai, leur taux pour lutter contre l'inflation, la France doit composer avec un surenchérissement du coût du crédit. Avec une dette publique estimée à plus de 3.000 milliards d'euros, soit 112 % de notre PIB, les marges de manœuvres sont donc extrêmement réduites, pour ne pas dire nulles.
C'est sans compter, en plus, sur la dégradation de la note de la France en AA - par l'agence Fitch, vendredi dernier. L'organisme a souligné des déficits français trop importants, et jugé « que les tensions autour de la réforme des retraites présentent un risque pour le programme des réformes à venir ». Autant dire un signal d'alerte envoyé à l'exécutif.
Certes, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, a immédiatement réagi, estimant que l'économie tricolore est solide, que la France est engagée dans un processus de réformes structurelles, qu'elle entend baisser son déficit, selon une trajectoire allant jusqu'à 2,7 % du PIB en 2027... Et le gouvernement de tabler sur 5% d'économies dans les dépenses publiques. Pour ce faire, Bercy a d'ailleurs lancé un vaste programme de passage en revue des dépenses publiques, afin de trouver des gisements d'économie.
Le gouvernement compte aussi beaucoup sur la croissance, alors même qu'elle est faible. Mais, cette prévision est jugée un peu trop « optimiste », si on en croit le haut Conseil des finances publiques.
Enfin, l'exécutif croit au rendement de ses réformes, au premier rang desquelles la douloureuse réforme des retraites. « Seul hic, dans le programme de stabilité, pour la période de 2023-2027, les économies prévisibles sur les retraites mais aussi sur l'assurance chômage, sont inférieures à l'augmentation de notre charge d'intérêts de la dette publique », relève François Ecalle, à la tête du site d'informations Fipeco, spécialisée sur les finances publiques.
Des promesses de baisses d'impôts qui font débat
Il n'empêche, aujourd'hui, les économistes se posent la question : la France a-t-elle seulement les moyens de faire des baisses d'impôts dans le contexte ?
Surtout que François Villeray de Galhau, le gouverneur de la banque de France, lui même, dans sa lettre adressée le 24 avril au président de la République demande « d'arrêter les baisses d'impôt non financées ». Là encore, le message donne un élément de réponse, et sonne comme un avertissement.
Au sein même du gouvernement, personne n'ose mettre en cause la parole présidentielle. En revanche, le périmètre des baisses d'impôts fait débat. « Ne vous attendez pas à des miracles, on ne peut pas se le permettre... ce sera cosmétique », ironise déjà un ministre. De quoi alors aller au-devant de nombre de déceptions...
Surtout que selon François Ecalle, le programme de stabilité adressé la semaine dernière à Bruxelles évoque plutôt... des hausses d'impôts ! Certes, essentiellement, sous la forme de suppressions de niches fiscales, notamment pour les entreprises. L'ancien magistrat à la Cour des comptes explique : « Le détail n'est pas donné, mais cela pourrait concerner la fin de niches dévolues aux énergies fossiles, aux exceptions sur les carburants pour le transport de marchandises qui devraient être inscrites dans la loi industries vertes, etc. ». Coût total de la fin de ces niches fiscales, qui reviennent à une augmentation de la fiscalité : 8 milliards d'euros !