Avec l'inflation, les Français vont-ils payer moins ou plus d'impôts et de taxes en 2023  ?

CHRONIQUE. Le Président de la République a affirmé : « Il n'y aura pas de hausse d'impôts ». Le ministre de l'Économie et des Finances a répété : « Nous n'augmenterons pas les impôts ». Aujourd'hui, les promesses se heurtent-elles à la réalité ? Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.
(Crédits : Reuters)

Lors de son rassemblement le 2 avril 2022 à la défense, le Président candidat a promis « il n'y aura pas de hausse d'impôt ». Depuis 2020, le ministre des Économies et des Finances ne cesse de répéter : « le gouvernement ne prévoyait pas de hausse d'impôt », « nous n'augmenterons pas les impôts des Français » et le 26/09/2022 sur BFM business : « Nous n'augmenterons pas les impôts ». Dans cette tribune, nous allons analyser l'impact de l'inflation sur les impôts et taxes qui sont ou seront payés en 2022-2023.

« L'inflation mondiale va diminuer, mais plus lentement qu'attendu », elle risque de s'enliser au-dessus de 2%. En mars 2023, le taux d'inflation en France a atteint 5,6% sur un an après un taux d'inflation de 1% en 2017. Les prix de l'alimentation ont, eux, progressé de 15,8% en mars 2023. Pour privilégier l'activité économique et la soutenabilité de la dette publique, la Banque centrale européenne BCE a trop attendu pour lutter contre cette inflation, une mauvaise analyse qui a permis un dérapage. Face à cette situation, le gouvernement français devait choisir entre lutter directement contre l'inflation ou accomplir des réformes structurelles (chômage, retraite, etc.). Il a choisi les réformes structurelles pour renforcer les finances publiques.

« L'inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches » François Mitterrand.

En France, l'Insee calcule le taux d'inflation sur des moyennes élaborées à partir de l'observation des prix d'un panier de consommation standard. Ce mode de calcul masque des disparités pouvant être fortes entre les ménages.

Sur quels impôts perçus par l'État l'inflation peut opérer ? Les trois formes des recettes fiscales sont : les impôts sur la consommation comme la TVA ou la taxe sur les produits énergétique ; suivent les prélèvements sur les revenus comme l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux ; restent les impôts sur la propriété et le capital. Quels sont les effets de l'inflation sur ces trois formes ?

L'inflation, un impôt déguisé

Lorsque les prix montent, les recettes de TVA augmentent plus vite que les dépenses de l'État fixées par budget adopté par une loi de finances qui est publiée dans le journal officiel avant la fin de l'année précédente. De même, la hausse des salaires élargit l'assiette des cotisations sociales perçues. Les salaires en général ne suivent pas l'inflation. La hausse des profits des entreprises conduit à des recettes supplémentaires d'impôt sur les bénéfices. D'après le Direction générale des finances publiques (DGFIP), les recettes de la TVA en France ont progressé de 8,9% en 2022 par rapport à 2021. Les recettes sur l'impôt société ont atteint 18,9% des recettes fiscales en 2022, un niveau jamais vu, alors même que son taux d'imposition a été réduit de 33% à 25%.

Même si certaines dépenses publiques sont aussi indexées sur les prix : retraites, allocations familiales, allocations logement, revenu minimum, etc., ces dépenses ne suivent pas l'inflation. L'augmentation des pensions des retraites n'est que de 4% à partir de juillet 2022, soit 2,33% sur un an. La revalorisation de plusieurs prestations sociales est de 5,6% depuis avril 2022 soit 4,2% sur l'année.

Certes, le gouvernement a décidé de dépenses exceptionnelles pour protéger le pouvoir d'achat des ménages : l'indemnité inflation, le renforcement exceptionnel du chèque énergie, les boucliers tarifaires sur le gaz et l'électricité, etc. D'après l'Insee, en l'absence de bouclier, l'inflation entre les deuxièmes trimestres de 2021 et 2022 aurait été 3,1 points plus élevée. Les dépenses exceptionnelles ont en réalité soutenu l'activité. Elles n'ont pas pesé sur le taux d'endettement, puisqu'elles ont généré de la croissance d'après l'Institut des politiques publiques IPP.

La taxe sur les produits énergétiques

La facture énergétique a connu, en 2021, une très forte hausse (+46%). D'après l'Insee : « entre janvier 2021 et juin 2022, la hausse des prix de l'énergie a entraîné une perte de pouvoir d'achat, malgré la mise en œuvre des mesures exceptionnelles ». Sur cette période, le revenu moyen disponible a baissé de 720€. La hausse des prix de vente de l'électricité devrait s'accélérer en 2023 toujours d'après l'Insee mais limitée à 15% par le « bouclier tarifaire ». Les plus modestes subiront une imposition supplémentaire . De plus, les offres aux tarifs réglementés de vente de gaz vont disparaître le 01/07/2023.

L'impôt sur le revenu

« Il est hors de question que des salariés paient plus d'impôt sur le revenu ou rentrent dans le barème de l'impôt sur le revenu à cause de l'inflation » a affirmé le ministre de l'Économie et des Finances. Le gouvernement a donc revalorisé les tranches du barème de l'impôt sur le revenu de 5,4% avec une inflation de 5,6%.

Certes, de nombreux Français ont vu leurs revenus augmenter pour suivre le renchérissement du coût de la vie. Payeront-ils plus d'impôts ? Dans les exemples suivants, analysons le cas d'un salarié célibataire travaillant dans le secteur privé, avec des revenus qui ont progressé moins vite que les prix.

D'après Dares, pour les cadres, les salaires moyens ont progressé de 2,9% entre 2021 et 2022. Pour un salaire moyen brut annuel de 68.794 euros en 2022, son revenu moyen net disponible a baissé de 2,7% soit 1.467 euros. Il verra son impôt augmenté de 97€ en 2023, par rapport à 2022.

Toujours d'après Dares, pour les ouvriers, les salaires moyens ont progressé de 4,6% entre 2021 et 2022. Pour un salaire moyen brut annuel de 28 932€ en 2022, son revenu moyen net disponible a baissé de 1% soit 228€. Il verra son impôt augmenté de 60€ en 2023, par rapport à 2022.

En France, dans la complexité des revenus et des impôts chaque cas est particulier.

Les impôts sur la propriété et le capital

La hausse de l'inflation induit une hausse cachée de la fiscalité.

Quelques exemples :

  • Pour les taxes foncière et d'habitation, la revalorisation des bases locatives sera de 7,1% en 2023. Cette hausse mécanique vient s'ajouter à l'augmentation de 3,4% de 2022 indépendamment des taux d'imposition votés par les communes. C'est une double hausse en perspective d'après QueChoisir.
  • Pour une assurance vie, lors d'une succession chaque bénéficiaire peut obtenir un abattement de 152 500 euros sur les cotisations versées avant les 70 ans de l'assuré. Cet abattement n'a jamais été revalorisé depuis 1998. Les plafonds pour les exonérations d'impôts sur les successions (promesse du candidat Président) ne seront pas relevés en 2023, faute de moyens budgétaires.
  • Pour les livrets règlementés, le taux du livret A est passé à 3% à partir du 01/02/2023. Historiquement aligné sur l'inflation, il en est désormais très éloigné depuis plusieurs années. Avec une inflation de 5,6% et un total des encours sur les livrets A et LDDS de 591.1 milliards d'euros, les Français vont perdre 15,37 milliards d'euros en 2023 (calcul à réajuster en fonction de l'inflation et d'un rendement supérieur prévu à partir du mois d'août 2023).

Toutes les hausses des impôts, des taxes et les pertes de revenus ont pour conséquence d'accroître mécaniquement les prélèvements obligatoires (PO) (l'ensemble des impôts et cotisations sociales prélevés par les administrations publiques et les institutions européennes).

Poids des prélèvements obligatoires

En 2017 les PO étaient à 45,2% du PIB. En 2018 ils passent à 45%, puis en 2021 à 44,3%. En 2022 les PO passent à 45,3% d'après l'Insee et Fipeco, soit +1 point par rapport à 2021, le plus élevé jamais atteint.

Les dépenses exceptionnelles pour protéger le pouvoir d'achat des ménages sont financées par la dette. Avec 270 milliards d'euros d'emprunt en 2023, des taux d'intérêt qui augmentent, une prévision pour l'inflation de 4,9% et un ratio d'endettement à 108,3% du PIB en 2027, la France a devant elle un risque majeur d'explosion de nouveaux impôts, sauf à mener encore d'autres réformes structurelles impopulaires. Mais le 49.3 permettra-t-il encore de faire de nouvelles réformes ?

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