Sortir du déni, vite. Bruno Le Maire s'apprête à annoncer une substantielle mise à jour de la prévision de croissance pour 2024. Pour le ministre de l'Économie, il y a urgence à remettre les pendules à l'heure. Il en va non seulement des comptes du pays mais aussi de la campagne de la majorité pour les élections européennes. Hier, les ministres réunis en séminaire ont pu l'entendre, ainsi que son ministre délégué au budget, Thomas Cazenave, exposer la situation dégradée des finances publiques.
De quoi s'agit-il ? L'objectif officiel d'une hausse du PIB de 1,4 % cette année, adopté dans la loi de finances à la fin de l'an dernier, a perdu toute crédibilité. La conjoncture est plus mauvaise que prévu. Jeudi, la Banque de France a confirmé que l'économie française tournait au ralenti, le premier trimestre oscillant entre +0,1 % et +0,2 %. Les experts de Bercy tableraient désormais, officieusement, sur 0,9 % pour l'ensemble de l'année.
L'écart avec la prévision initiale peut sembler minime, mais il signifie un « trou » d'une petite dizaine de milliards d'euros dans les caisses, par manque de recettes fiscales et sociales. Sans compter les 400 millions d'euros lâchés aux agriculteurs. En conséquence, le déficit ne pourra pas être contenu à 4,4 % du PIB, chiffre inscrit dans la loi de finances et promis aux partenaires de la zone euro. Un dérapage qui place Gabriel Attal devant un dilemme.
L'impact sur les européennes
D'un côté, pour éviter que la dette ne s'enfonce davantage dans le rouge, l'exécutif devrait freiner les dépenses, au plus tôt. Il s'agit de prendre des mesures « justes, ciblées et temporaires », a plaidé un participant au séminaire ministériel hier. Une telle option rassurerait sans doute les agences de notation financière, qui vont publier leur évaluation des comptes tricolores en pleine campagne des européennes. Moody's doit se prononcer le 26 avril, et Standard & Poor's, fin mai. Une baisse de la note fournirait un carburant supplémentaire aux droites radicales, qui auraient beau jeu de fustiger une forme de laxisme. Impensable pour les ministres de Bercy.
D'un autre côté, des mesures de redressement rapide donneraient, elles, des munitions à gauche, où l'on parlera d'austérité. Par ailleurs, en période de faible croissance, couper dans les dépenses peut aussi aggraver la situation.
Comment sortir du double piège, économique et politique ? Un premier élément de réponse passe par la méthode. D'ordinaire, une révision du budget nécessite un projet de loi de finances rectificatives. Un tel texte aurait le mérite de mettre en valeur les arbitrages du gouvernement. Certains, à Bercy, y sont favorables. Mais une telle opération constituerait aussi une aubaine pour les oppositions à l'Assemblée. Sachant que, en l'absence de majorité, ce scénario obligerait Gabriel Attal à utiliser son premier 49.3 - de quoi écorner sa popularité au mauvais moment. Plus prudemment, Matignon pourrait donc se contenter de geler des crédits par décret.
Le Premier ministre a annoncé jeudi sur France 2 qu'il exposerait ses pistes d'économies au mois de mars, avec Bruno Le Maire. Lancé sous Élisabeth Borne, un travail appelé « revues de dépenses » est en cours à l'Inspection des finances. Il est destiné à identifier 12 milliards d'euros à effacer des crédits en 2025, une moitié dans ceux de l'État, l'autre dans ceux de la Sécurité sociale. Plusieurs domaines sont étudiés : les dispositifs médicaux, les aides aux entreprises, la fiscalité des successions...
Cette mission inspirera-t-elle le gouvernement dans l'urgence actuelle, sans attendre l'an prochain ? Une chose est sûre, cette cible de 12 milliards d'euros est déjà sujette à caution pour 2025. Le ralentissement de la croissance obligera à augmenter le volume des économies, pour respecter la trajectoire de réduction du déficit. Ce n'est pas un plan d'économies que doit élaborer Bercy, mais deux.