Remaniement : statu quo à Bercy, l'équation budgétaire tourne au casse-tête

La stabilité règne au ministère des Finances. Thomas Cazenave (Comptes publics), Olivia Grégoire (Entreprises et tourisme) ont été confirmés à leurs postes de ministres délégués. Roland Lescure (Industrie) récupère un portefeuille élargi à l'énergie. Et ce alors que, dans un contexte de ralentissement économique, Bercy va devoir sabrer dans la dépense publique pour parvenir au 4,4% de déficit en 2024. Une gageure à quelques mois des élections européennes.
Grégoire Normand
Le ministre des Comptes Publics Thomas Cazenave et le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Le ministre des Comptes Publics Thomas Cazenave et le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. (Crédits : Reuters)

Tout change pour que rien ne change. Dans les couloirs du ministère des Finances, c'est un soulagement pour les cabinets en place. Après un long mois d'attente, le gouvernement a enfin dévoilé les noms des ministres du paquebot Bercy jeudi soir. Sans surprise, Thomas Cazenave (Comptes publics), Olivia Grégoire (Entreprises, artisanat, tourisme), et Roland Lescure (Industrie et énergie) ont été confirmés à leurs postes. Sur le numérique, la discrète Marina Ferrari venant du MoDem vient prendre la place de Jean-Noël Barrot parti pour s'occuper des Affaires européennes.

Lors de ses voeux aux acteurs de l'économie début janvier, Bruno Le Maire avait défendu la stabilité à l'œuvre à son ministère en s'affichant sur scène avec son équipe dans une salle bondée. L'Elysée avait autorisé à maintenir cette cérémonie juste avant la nomination de Gabriel Attal à Matignon le 9 janvier. Confirmé à son poste depuis 2017, Bruno Le Maire a vu ses attributions élargies depuis le début de l'année en récupérant le portefeuille de l'énergie. Ce qui a suscité de vives inquiétudes dans les milieux écologiques.

Lire aussiRemaniement : pourquoi Bercy a récupéré l'énergie dans son portefeuille

10 milliards en 2024 et 12 milliards d'euros à trouver en 2025

Sur le front budgétaire, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave aura la lourde tâche de trouver 10 milliards d'euros d'économies en 2024 et 12 milliards d'euros en 2025. « Je reprends le fil de mon action au service de la maîtrise de nos dépenses publiques, du soutien au travail et aux classes moyennes, du financement de notre transition écologique et de la lutte contre toutes les fraudes et tous les trafics », a réagi sur X ce spécialiste des collectivités locales et élu député à Bordeaux en juin 2022.

Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a répété le mantra du gouvernement de rétablir la trajectoire des finances publiques. « Nous tiendrons le même cap : repasser sous les 3% de déficit public d'ici 2027, grâce à plus de croissance, plus d'activité et à la maîtrise de nos dépenses; pas grâce à trop d'impôts », a affirmé le trentenaire. Pour rappel, l'exécutif compte revenir à un déficit de 4,4% du PIB en 2024 contre 4,9% en 2023. Du côté des recettes, « il y a un vrai ralentissement. On le voit sur la taxe sur la valeur ajoutée », confie une source à Bercy.

Une croissance en berne

Confronté à une dette vertigineuse, le gouvernement compte sur la croissance et l'emploi pour tenir ses promesses. Mais les dernières prévisions macroéconomiques ne laissent pas présager de rebond dans les mois à venir. Jeudi, la Banque de France a estimé que la croissance du PIB augmenterait entre 0,1% et 0,2% au premier trimestre. L'Insee est également sur le même ordre de grandeur pour le premier semestre.

Lire aussiCroissance : l'Insee table sur une reprise poussive de l'économie au premier semestre

Quant à l'OCDE, elle a révisé sa projection pour l'Hexagone à 0,6% contre 0,8% auparavant pour la croissance du PIB 2024. Le gouvernement projette toujours une croissance à 1,4% cette année, mais il devrait réviser prochainement ce chiffre peu crédible aux yeux d'un grand nombre d'économistes.

Les élections européennes compliquent l'équation budgétaire

Dans ce ralentissement généralisé, le pari du gouvernement de parvenir à faire baisser le déficit et stabiliser la dette d'ici 2027 pourrait virer au casse-tête. La récente crise agricole a poussé l'exécutif à mettre 400 millions d'euros sur la table pour faire redescendre la gronde des agriculteurs confrontés à une hausse des taxes sur le gazole non routier (GNR) et des revenus en berne. À quelques mois des élections européennes, le gouvernement est sous pression. Le Rassemblement national (RN) espère bien profiter de la campagne aux européennes pour engranger des voix au Parlement européen.

Après cette échéance électorale cruciale, Bercy va devoir plancher sur une trajectoire budgétaire particulièrement délicate pour le budget 2025. « Dans les prochains jours, je travaillerai à une nouvelle méthode pour construire avec les parlementaires le budget 2025 et de nouveaux moyens de lutte contre la fraude, je réunirai prochainement le Conseil d'évaluation des fraudes et j'irai à la rencontre des agents des douanes et des finances publiques », a indiqué Thomas Cazenave.

Des pistes encore floues

Déjà en novembre dernier, le gouvernement s'était attaqué à une revue de dépenses. À l'époque, Matignon avait mis sur la table les aides aux entreprises, le crédit d'impôt recherche (CIR), les dispositifs médicaux ou la taxation sur les plus grandes successions.

Ces pistes pourraient « sans doute changer » selon une source parlementaire spécialisée sur les questions budgétaires. L'arrivée de Gabriel Attal rue de Varenne pourrait changer la donne. De son côté, Bercy pourrait mettre la pression sur plusieurs ministères pour obtenir des économies. « Le plus dur est devant nous », avait prévenu Bruno Le Maire sur un ton martial début janvier. « Nous serons intraitables sur les annonces ministérielles non financées. Toute annonce doit respecter rigoureusement et strictement les crédits qui ont été approuvés par le Parlement ». Ces économies seront d'autant plus importantes que le gouvernement compte poursuivre sa baisse d'impôt sur les classes moyennes de deux milliards d'euros.

Une loi Macron 2 et une loi industrie verte

Le programme est donc chargé pour les ministres de Bercy. D'autant que, lors de sa conférence de presse en janvier, Emmanuel Macron a annoncé une loi pour « la croissance, l'activité et les opportunités économiques ». Elle aura pour objectif de « mettre fin aux normes inutiles, réduire les délais, faciliter les embauches, augmenter les seuils de déclenchement d'obligation»À ce stade, beaucoup de flous persistent sur ce dossier. Mais le projet de loi pourrait bien ressembler à la loi pour la croissance votée sous François Hollande lorsque Emmanuel Macron était ministre de l'Economie.

Lire aussiÀ quoi pourrait ressembler la loi Macron 2 ?

 À cela s'ajoute, une seconde loi industrie verte annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale la semaine dernière. «Il proposera notamment de concentrer les travaux de la Commission nationale du débat public, uniquement sur les projets d'envergure nationale. C'est 6 mois de gagnés dans les procédures sur les autres projets », a annoncé Gabriel Attal. Les équipes de Bercy sont prévenues.

Grégoire Normand
Commentaires 22
à écrit le 11/02/2024 à 7:04
Signaler
Stabilité à Bercy donc pas d'inquiétude pour un bouleversement . Donc pas ou peu d'économie cette année les européennes en 2025 on rentre dans la préparation des présidentielles de 2027 le début de la fin de l'ére Macron le début du combat pour les p...

à écrit le 10/02/2024 à 21:38
Signaler
Ca c'est certain que de payer autant de ministres alors que c'est uniquement le président qui décide à un coup phénoménal pour nos impôts... ils ne servent à rien dans la macronie et ils touche pas juste un smic ou rsa pour ceux qui ne font jamais ri...

à écrit le 10/02/2024 à 15:55
Signaler
Tout est à réformer en France. Nous vivons dans un système dont le modèle social date de l'après guerre où l'on a fait simplement (au moins dans les esprits) une extrapolation de la croissance qui grimpait aux arbres et deviendrait éternelle. Or le m...

le 10/02/2024 à 18:32
Signaler
@tototiti se poserait la question sur la reconversion des sureffectifs car le reengineering, c'est rationaliser et refiler une partie des effectifs au voisin, mais à ce petit jeu et de proche en proche, c'est l'Etat qui est l'acteur en bout de chaîne...

à écrit le 10/02/2024 à 11:45
Signaler
"" l'équation budgétaire"" ? euh, quelle equation? le budget est equilibre par de la dette quoi qu'il en coute aux enfants et aux allemands, pour financer le systeme social tolerant donc juste donc bienveillant, pour plus de profs pour descendre au P...

à écrit le 10/02/2024 à 10:41
Signaler
Sans baisse des dépenses sociales et du nombre de fonctionnaires et élus nous ne pourrons jamais eviter d'avancer lentement vers la trojka

le 10/02/2024 à 11:22
Signaler
Comment baisser le nombre de fonctionnaire ils sont en poste .. et qu en faire après puisqu il n y a pas autant de postes disponibles et équivalent en compétences dans le privé.. y a qu à faut qu on travers bien français ….si vous comptes sur les ...

le 10/02/2024 à 11:46
Signaler
Le mal ou le pire. LOL ! Tu prêches.

le 10/02/2024 à 11:55
Signaler
Vous oubliez que l'Etat rémunère également tout ou partie des salarié du privé et des chefs d'entreprise... Bref, à part commencer à euthanasier la population, je vois mal comment réduire les dépenses publiques (d'ailleurs, la fameuse "solution final...

le 10/02/2024 à 14:53
Signaler
@o Le populations assistés ont tendance à se victimiser au moindre effort. L'Espagne a moins de dépenses sociales et pourtant ils ne sont pas en train d'euthanasier la population. Adaptons nos depenses à celles d'un pays comme l'Espagne en % sur le ...

le 11/02/2024 à 6:53
Signaler
@AdieuBCE : les dépenses sociales sont certes moindres en Espagne, mais ce n'est pas tant le fait d'une gestion rigoureuse que de la démographie, les retraités actuels en Espagne étant des classes d'âge creuses ayant de surcroît généralement galéré a...

le 11/02/2024 à 7:54
Signaler
" Le populations assistés ont tendance à se victimiser au moindre effort" Amen. RV à la messe à 10h ! ^^

à écrit le 10/02/2024 à 10:25
Signaler
espérons que le vote de juin entraine une dissolution de l'assemblee sinon en 2027 la France sera dans un triste état financier

à écrit le 10/02/2024 à 7:01
Signaler
L'argent public c'est des centaines de milliards de subvention à l'économie privée, vu le nombre croissants d'incompétents que cet argent alimente, sabrer dans les dépenses serait facile mais non comme nos dirigeants sont nuls, sont faibles, sont sou...

le 10/02/2024 à 15:14
Signaler
"Non mais sans rire même si on utilisait cette argent public pour subventionne de jeunes entrepreneurs cela serait beaucoup beaucoup beaucoup plus productif." Absolument, mais le pouvoir actuel n'est plus guère que la voix d'inactifs retraités s'étan...

à écrit le 10/02/2024 à 3:16
Signaler
Le mur approche, soyez humbles, ca va saigner.

le 10/02/2024 à 16:23
Signaler
Pas sûr car les prêteurs détestent l'incertitude et à tout prendre, ils préfèrent continuer à financer un Etat dispendieux, mais pro-Europe qu'imposer une rigueur budgétaire qu'ils savent tout à fait incompatible avec le maintien de la France dans l'...

à écrit le 09/02/2024 à 21:26
Signaler
L'austérité que dit combattre la gauche est une plaisanterie face à ce qui va certainement se passer : Taillage à la hache dans les dépenses publiques. On va y être contraint par soit le Fmi, les marchés ou l'UE au choix. On emprunte 285 milliards po...

à écrit le 09/02/2024 à 20:04
Signaler
Bruno Le Maire déclare que nous serons intraitables sur les annonces ministérielles non financées. Foutaises. La France détient le triple record européen du nombre de collectivités, du nombre d’habitants par communes (le plus bas avec 1.892) ainsi qu...

à écrit le 09/02/2024 à 19:04
Signaler
Macron est en effet devant un choix cornélien : soit procéder à des coupes budgétaires vraiment courageuses, mais électoralement suicidaires, soit à des coupes faussement courageuses conduisant de plus en plus systématiquement au conflit...

le 10/02/2024 à 9:37
Signaler
@o. Je partage cette vue.

à écrit le 09/02/2024 à 18:41
Signaler
Comme d’habitude on a toujours compter sur la croissance pour ne pas faire des réformes importantes pour s’attaquer à la dépense publique, le temps est venu d’avoir une vraie politique de réduction des dépenses avec des objectifs clairs

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.