Philippe Laurent, un Centralien décentralisateur à la conquête de la présidence de l'AMF

PORTRAIT. Le maire (UDI) de Sceaux (Hauts-de-Seine) est officiellement candidat à la présidence de la puissante Association des maires de France. Il affrontera lors du scrutin prévu en novembre le maire (LR) de Cannes David Lisnard. Ex-chef d'entreprise, Philippe Laurent témoigne de son expérience professionnelle pour l'appliquer à la vie politique locale. Spécialiste reconnu des finances, il plaide pour une révolution fiscale qui ne devrait pas laisser indifférent.
César Armand
Dans son dernier livre Maires de toutes les batailles - En finir avec l'hypocrisie décentralisatrice (Editions de l'Aube), Philippe Laurent écrit que « chaque maire subit un effet ciseau entre des ressources qui se raréfient et des demandes des habitants qui se font toujours quantitativement plus importantes et qualitativement plus exigeantes ».
Dans son dernier livre "Maires de toutes les batailles - En finir avec l'hypocrisie décentralisatrice" (Editions de l'Aube), Philippe Laurent écrit que « chaque maire subit un effet ciseau entre des ressources qui se raréfient et des demandes des habitants qui se font toujours quantitativement plus importantes et qualitativement plus exigeantes ». (Crédits : Laurent Julliand — Mairie de Sceaux)

Il n'est pas tombé dans la marmite de la politique quand il était petit. Philippe Laurent a grandi entre un père ouvrier syndiqué devenu « quasi-ingénieur » et une mère dont les frères étaient arboriculteurs, principaux producteurs de kiwis d'Europe et parmi les premiers producteurs de pomme en France. « Autant dire que le monde de l'usine et les problématiques économiques m'ont attiré bien plus précocement que les affaires publiques », écrit le candidat à la présidence de la puissante Association des maires de France, dans son dernier livre Maires de toutes les batailles - En finir avec l'hypocrisie décentralisatrice (Editions de l'Aube).

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Ce n'est qu'en 1977 à sa sortie de Sciences-Po Paris, après être passé par l'école Centrale, que le jeune ingénieur est recommandé au maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) qui cherche un jeune pour compléter ses listes. Résultat : à 22 ans, il est élu conseiller municipal dans la ville, avant de devenir adjoint au maire en 1983 et maire en 2001. Deuxième vice-président de la métropole du Grand Paris délégué aux finances et à l'information citoyenne depuis juillet 2020, il a été réélu conseiller régional d'Île-de-France en juin 2021, délégué spécial chargé du suivi du Grand Paris Express.

Travailler davantage avec le monde économique

En parallèle de cet engagement, Philippe Laurent a rejoint Bossard Consultants comme consultant spécialisé dans les finances publiques avant d'y diriger une équipe d'une trentaine de collaborateurs. Appliqué à la vie locale, il se définit comme un « manager de politiques publiques » à la manière de l'ex-maire (PS) de Paris Bertrand Delanoë. Pour lui, la mairie est une « entreprise de prestation de services » dont la qualité est mesurable au travers de baromètres locaux.

S'il est élu président de l'Association des maires de France face au maire (LR) de Cannes David Lisnard, l'actuel secrétaire général souhaite en outre travailler davantage avec les autres associations d'élus, les syndicats et le monde économique. Il maintiendra des rendez-vous réguliers avec les grandes organisations de la fabrique de la ville type Fédération française du bâtiment ou Fédération nationale des travaux publics, et développera des outils communs comme des observatoires. « Plutôt qu'avec l'administration, nous le ferons avec les professionnels, et notamment avec les branches qui nous intéressent », explique-t-il.

« Le chef de l'Etat porte une entreprise appelée Etat »

Pour cela, Philippe Laurent rêve « d'une République décentralisée » plutôt qu'une simple « République dont l'organisation est décentralisée » telle qu'inscrite dans la Constitution. « La dérive de la Ve République a commencé en 1962 [avec l'élection du locataire de l'Elysée au suffrage universel direct, Ndlr] et continué avec le quinquennat. Comme son nom l'indique, le chef de l'Etat porte une entreprise appelée Etat, ce qui le conditionne à entrer des détails qui relèvent du Premier ministre et du gouvernement », précise-t-il.

Face à une « domination dommageable de la vie politique par la figure du président de la République », celui qui n'a jamais été parlementaire appelle à renforcer davantage le rôle du Parlement en initiant une vraie réforme du travail législatif pour accentuer l'évaluation. « Il n'y a pas assez d'évaluation ex-ante et-post », estime-t-il. Il existe en revanche des études d'impact. « Quand le gouvernement dépose des amendements en discussion générale, il n'y a plus d'étude d'impact. Le droit d'amendement devrait être réservé aux parlementaires », ajoute-t-il.

Un impôt sur le revenu additionnel ?

L'autre rêve de Philippe Laurent est un peu plus fou : un partage des grands impôts actuels entre pouvoir central et pouvoirs locaux sur lequel le Sénat pourrait opposer son veto sur les clés de répartition. « Aujourd'hui, la fiscalité locale se réduit à la taxe foncière. Réfléchissons à un système fiscal dans lequel les collectivités peuvent bénéficier des grands impôts nationaux comme la TVA », suggère-t-il. Les conseils régionaux se voient déjà attribuer une fraction du produit de la TVA... « C'est une partie de la TVA nationale alors que cela devait être calculé par rapport aux résultats de la TVA locale », rétorque celui qui préside déjà... la commission des finances de l'association des maires de France.

Ce fin connaisseur de la fiscalité locale désire même donner le pouvoir aux intercommunalités, agglomérations et métropoles de lever un impôt sur le revenu additionnel avec un taux assez faible et fixé par la collectivité. « L'Etat lève tout et redistribue. Cela déresponsabilise les élus locaux », pointe-t-il. De la même manière qu'il ne digère toujours pas la suppression de la taxe d'habitation, quoique compensée par la taxe foncière dont s'acquittent seulement les propriétaires. « L'impôt, c'est le lien direct entre le contribuable et la collectivité. Si celle-ci développe l'activité de son territoire, la base fiscale augmente, et les recettes associées », poursuit-il.

Vote au congrès de novembre prochain

Encore faudra-t-il « casser la citadelle de Bercy », comme Philippe Laurent l'appelle de ses vœux. « C'est un Etat dans l'Etat qui peut même gêner l'action gouvernementale », lâche-t-il à propos des directions du Budget et de la Fonction publique - qu'il connaît bien pour présider le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale - et qui, selon lui, devraient être rattachées au Premier ministre. « Le ministre des Collectivités n'est qu'un appui auprès de Matignon. Pour les élus locaux, c'est le Premier ministre l'interlocuteur, d'autant que les collectivités sont impliquées sur à peu près tous les sujets », estime-t-il.

Reste donc désormais à attendre le vote des maires au congrès de novembre prochain. Parrainé par douze président(e)s d'associations départementales de maires, dont Marie-Claude Jarrot (Saône-et-Loire), Dominique Peduzzi (Vosges), Alain Sanz (Pyrénées-Atlantiques), Francisque Vigouroux (Essonne) ou encore Olivier Paz (Calvados), Philippe Laurent a placé la maire (ex-PS) de Bourg-en-Bresse Nathalie Nieson et celui (LR) de Saint-Etienne Gaël Perdriau en tête de sa liste pour le bureau. Pour le comité directeur, l'édile de Sceaux a choisi son homologue (ex-LR) d'Angoulême Xavier Bonnefont.

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Ce que les maires pensent de lui

« Porte-parole du terrain, Philippe Laurent peut être un bon président de l'AMF au service des maires. Son expertise sur les finances locales et la fonction publique en font quelqu'un de sérieux. Il est le mieux placé et le plus légitime. »

Caroline Cayeux, maire (DVD et macron-compatible) de Beauvais (Oise), présidente du Grand Beauvaisis, présidente de l'association d'élus Ville de France et présidente de l'Agence nationale de cohésion des territoires.

« Je peux témoigner de son implication à l'Association des maires de France. C'est un bosseur à l'écoute des problématiques des maires, qu'on soit d'une commune rurale, de la mer ou de la montagne. »

Cécile Gallien, maire (LREM) de Vorey-sur-Arzon, vice-présidente sortante de l'AMF, candidate sur la liste de Philippe Laurent.

César Armand
Commentaire 1
à écrit le 11/09/2021 à 8:07
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Un candidat de qualité mais pour faire bouger les collectivités locales Lienard c’est encore mieux

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