« On ne reviendra pas sur la réforme des retraites » (Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale)

Dans « L’entretien du Jeudy » de cette semaine, la présidente de l’Assemblée nationale prend position sur la loi LIOT visant à abroger la retraite à 64 ans. Ce texte, qui sera examiné le 8 juin prochain, « contrevient très clairement à l'article 40 de notre Constitution qui interdit aux parlementaires d'aggraver les charges de l'Etat ». Il faut tourner la page et « avancer sur les sujets autour du travail ». Yaël Braun-Pivet estime que le texte du gouvernement sur l’immigration porte « une position équilibrée » et qu’il y a avec les propositions des LR des points d’accord et de réels points de divergence. La première femme à occuper le Perchoir, à qui on prête des ambitions élyséennes, ne se projette pas mais ne s’interdit rien : « j’aime que le destin me surprenne », dit-elle. Retrouvez en fin d'entretien son portrait croqué par Bruno Jeudy qui raconte qu'on la compare souvent à Eva Péron, la madone du peuple argentin... ou à Ségolène Royal !
Pour Yaël Braun-Pivet, la proposition de loi LIOT visant à abroger la retraite à 64 ans « contrevient très clairement à l'article 40 de notre Constitution qui interdit aux parlementaires d'aggraver les charges de l'Etat. »
Pour Yaël Braun-Pivet, la proposition de loi LIOT visant à abroger la retraite à 64 ans « contrevient très clairement à l'article 40 de notre Constitution qui interdit aux parlementaires d'aggraver les charges de l'Etat. » (Crédits : DR)

LA TRIBUNE- Le 8 juin doit être examinée la proposition de loi LIOT visant à abroger la retraite à 64 ans. Elisabeth Borne a qualifié ce texte d'inconstitutionnel, d'autres parlent d'arnaques. Y aura-t-il un vote ?

YAËL BRAUN-PIVET- Il est vrai que cette proposition de loi pose plusieurs difficultés. Elle contrevient très clairement à l'article 40 de notre Constitution qui interdit aux parlementaires d'aggraver les charges de l'Etat. La deuxième difficulté consiste pour des parlementaires à revenir immédiatement sur une loi qui vient d'être adoptée définitivement. Enfin, cette proposition de loi constitue un leurre pour les Français. Elle n'a aucune chance d'accomplir un chemin parlementaire complet et d'être adoptée par le Parlement. Certaines oppositions en instrumentalisant l'Assemblée nationale font croire à tort aux Français que l'on va revenir sur la réforme des retraites.

Laurent Berger dit que la contestation à la réforme ne s'arrêtera jamais. Que pensez-vous de son attitude ?

Je n'aime pas commenter les pensées et encore moins les arrière-pensées des uns et des autres. Pour autant, cette réforme, certes contestée par les organisations syndicales et par une partie de l'opinion publique, est maintenant adoptée et promulguée. Nous avons maintenant beaucoup de sujets autour du travail sur lesquels nous devons avancer ensemble.

Gérard Larcher a prévenu que la majorité sénatoriale ne voterait pas « en l'état » le projet de loi de programmation de finances publiques. Y a-t-il un risque que le projet de budget 2024 ne passe pas, y compris avec le 49.3 ?

Le vote du budget de l'État est toujours un moment très important et structurant pour les groupes politiques au Parlement. Dans le contexte de majorité relative, la Première ministre dispose de cet outil constitutionnel - le 49.3 - qui permet de sortir du blocage sur le vote du budget. Cela n'empêche pas de d'essayer de trouver les voies et moyens pour parvenir à un compromis, comme sur l'ensemble des autres textes.

Elisabeth Borne ne veut pas recourir au 49.3 hors textes financiers. Emmanuel Macron l'a désapprouvée. Faut-il bannir le recours au 49.3 ?

Le 49.3 est un outil constitutionnel. Il a été créé dès 1958 pour faire face à deux situations : la majorité relative et l'obstruction parlementaire. Je pense qu'il ne faut pas se priver d'un outil constitutionnel lorsque les circonstances de son emploi sont réunies.

Après les retraites, une nouvelle pomme de discorde avec la réforme de l'immigration. Les responsables des Républicains ont présenté leur plan pour réguler et durcir la répression contre les flux migratoires. Leurs deux textes peuvent-ils servir à élaborer un compromis ?

Le gouvernement a présenté un texte qui porte une position équilibrée. Il y a dans les deux propositions de loi des LR des points d'accord et de réels points de divergence. Il faut maintenant voir quels sont les points de convergence. Mais j'observe que chacun veut résolument avancer sur le sujet et si tel était profondément le cas, nous devrions pouvoir trouver la voie du compromis.

Mais les dirigeants de LR affirment que « ce n'est pas négociable »...

Rien n'est jamais à prendre ou à laisser. Penser cela, c'est nier le principe même du débat parlementaire et des avancées qu'il ne manque jamais d'apporter.

Eric Ciotti déclare qu'il y a trop d'immigrés en France. Etes-vous d'accord avec lui ?

L'immigration est un sujet complexe qui doit être abordé avec beaucoup de nuance. Elle a varié selon les époques et d'une certaine façon a participé de la construction de la France d'aujourd'hui. Il y a des difficultés à régler mais évitons les raccourcis !

L'image de l'Assemblée nationale s'est nettement dégradée dans l'opinion après les débats sur les retraites. Faites-vous le même constat ?

J'observe au contraire que l'Assemblée nationale retrouve petit à petit sa place dans l'espace public et dans le cœur des Français. Lorsque je vais sur le terrain, lorsque j'échange avec les Français, ils n'ont jamais autant suivi l'Assemblée nationale. Ils sont parfois en colère contre la tournure de certains débats. Ils déplorent le manque de tenue de certains parlementaires ou les scènes de chahut mais ils sont très attachés à l'institution. On ne peut pas résumer cette première année à quelques débats très agités.

Invectives, suspensions de séance, record de sanctions et de rappels à l'ordre. Votre première année de présidence est un enfer...

Non, le paradis (sourire) ! J'aime monter au « perchoir ». Bien sûr, ce n'est pas facile tous les jours, mais je suis heureuse de cette présidence à plusieurs titres. Elle est pleine de défis : l'Assemblée ne dispose pas de majorité absolue et sa diversité politique est une première dans notre histoire parlementaire. C'est une assemblée qui bouge, qui vit, qui débat et qui innove. Et c'est ce que je veux en retenir. Pour ce qui est du record de sanctions, c'est effectivement une problématique dont nous nous sommes saisis collègialement avec l'ensemble des groupes politiques. Nous avons décidé ensemble de ne plus tolérer les comportements qui enfreignent nos règles communes et dégradent l'image de l'institution.

Lors de votre élection, vous avez été présentée comme une femme de compromis. Pour l'instant, cette qualité n'est pas encore visible...

Au 30 avril, 49 textes ont été adoptés depuis le début de la législature. L'absence d'accord politique sur la réforme des retraites ne doit pas tout occulter. Les instances de l'Assemblée, la Conférence des présidents ainsi que le bureau de l'Assemblée nationale, que je préside, fonctionnent parfaitement. C'est là que se construisent les compromis qui permettent la bonne marche de notre institution. J'ajoute par ailleurs qu'à mon initiative, nous avons transformé une partie des semaines de l'Assemblée nationale en semaines pouvant accueillir des textes transpartisans, déposés par plusieurs groupes de la majorité et de l'opposition. Cette initiative, approuvée par l'ensemble des groupes politiques, a déjà été mise en œuvre à plusieurs reprises. Plusieurs textes ont été adoptés à l'unanimité dans ce cadre.

Il y a un an, vous aviez promis d'ouvrir plus largement le Palais Bourbon aux citoyens. Où en est-on ?

La promesse est tenue dans toutes ses dimensions. 110 000 personnes ont pu visiter l'institution depuis octobre 2022. Nous avons considérablement augmenté le nombre de visiteurs et créé des créneaux ouverts à tous et sans condition, sur inscription via le site web de l'Assemblée nationale. Événements culturels, badges artistes, débats d'idées : en tout 40 événements ont eu lieu à l'Assemblée depuis un an et ont permis à de nouveaux publics de découvrir l'institution.

Avez-vous des regrets pour cette première année de présidence ?

Peut-être un seul : que l'image de l'Assemblée soit parfois détériorée par l'action de quelques-uns.

Quel changement a apporté une première femme au « perchoir » ?

Cette politique d'ouverture est associée à cette première année à la présidence de l'Assemblée nationale : ouverture aux citoyens, aux artistes, aux experts qui animent des réunions publiques. Après, je suis toujours assez mal à l'aise avec l'idée d'un pouvoir au féminin. Ce qui est certain, je l'ai encore vu hier à Strasbourg lors d'une rencontre avec une classe dans un collège franco-allemand avec mon homologue du Bundestag, qui est une femme aussi, c'est qu'il est important pour les jeunes filles de pouvoir avoir des figures modèle à ces postes à responsabilités.

Sur l'agenda parlementaire, le programme paraît un peu « light ». Le signe du blocage de l'institution ?

Le programme est au contraire très chargé jusqu'à la fin de la session. Il y a des textes très importants qui vont être examinés : de la loi de programmation militaire à celle sur la justice, en passant par la transcription de l'accord entre organisations patronales et syndicales sur le partage de la valeur. Et le Parlement prend le temps de la délibération ! Par exemple, le projet de loi de programmation militaire fait l'objet de deux semaines de débats.

Assiste-t-on à la résurgence de l'ultra droite ou bien dites-vous comme Marion Maréchal que c'est « dérisoire » ?

Je trouve très inquiétante la violence qui s'exprime actuellement dans notre société d'où qu'elle vienne. Et les images que l'on voit de protestations violentes, d'agressions envers nos forces de l'ordre, de saccages, ou envers nos élus sont gravissimes.

Votre homologue, Gérard Larcher, estime, contrairement à vous, que ce n'est pas le moment de réformer les institutions. Le président de la République n'évoque plus le sujet. Finalement, personne à part vous pense qu'il faut lancer le chantier institutionnel ?

Quand on fait de la politique, c'est important d'être à l'écoute des attentes des Français. J'entends beaucoup aujourd'hui, et ce n'est d'ailleurs pas nouveau, qu'ils ne se sentent pas forcément pleinement représentés ni pleinement impliqués dans la prise de décision publique, que parfois elle ne semble pas être prise au bon niveau ou ne prendrait pas assez en compte les spécificités territoriales. Je crois qu'il faut adapter nos institutions à ces besoins exprimés. Nous devons collectivement l'aborder, parce qu'à défaut la fracture qui existe entre les citoyens et la classe politique ne cessera de grandir. Et la défiance et l'abstention continueront de suivre, malheureusement, la même courbe ascendante.

Mais le président du Sénat affirme que vous vous racontez des histoires car la majorité ne dispose pas des 3/5ème pour modifier la Constitution ...

Je ne veux pas préjuger de l'aboutissement de la réflexion que je lance aujourd'hui. J'ai commencé à réunir les groupes politiques de l'Assemblée nationale pour justement évaluer notre capacité à trouver une majorité sur des thématiques communes. Tout ne relève pas par ailleurs d'une réforme constitutionnelle. Certaines réformes passent par un projet de loi ordinaire.

Vous voulez faciliter le recours au référendum. Comment faire alors que deux demandes de « RIP retraites » viennent d'être rejetées par le Conseil constitutionnel ?

Je suis attachée à la participation citoyenne et je sens que les Français ont le souhait d'être davantage consultés. Le référendum d'initiative partagée qui combine l'action des citoyens et celle des parlementaires est un bon principe. Mais il faudrait sans doute revoir les modalités pratiques puisque de toute évidence, celles qui ont été prévues ne fonctionnent pas.

Laurent Berger estime que le patronat s'est planqué pendant la réforme des retraites et l'invite à sortir du bois sur les salaires. Qu'en pensez-vous ?

Le pouvoir d'achat est la préoccupation majeure des Français. Sur ce sujet, chacun doit prendre ses responsabilités. Le gouvernement a agi avec sa politique de boucliers et d'aides pour le protéger. Le Parlement examinera prochainement l'accord sur le partage de la valeur. Il y a encore beaucoup à faire. Chacun doit prendre sa part.

Le fossé s'est à nouveau creusé entre les Français et Emmanuel Macron alors qu'il engrange des succès économiques sur le chômage par exemple. Comment expliquez-vous le rejet de sa personnalité ?

La période est difficile pour les Français malgré les bons résultats économiques sur le chômage, la réindustrialisation, l'apprentissage... L'inquiétude l'emporte chez nos compatriotes à cause des difficultés sur le pouvoir d'achat, la guerre en Ukraine, la crise du logement entre autres. Tout cela contribue à la morosité ambiante que n'effacent pas d'un coup de gomme les succès de notre politique. Le président mène des réformes difficiles qui ne sont pas populaires, mais sont nécessaires. Je suis convaincue que le temps viendra où on lui saura gré d'avoir préparé l'avenir.

Vous avez quitté le gouvernement pour vous porter candidate à la présidence de l'Assemblée sans la permission du président de la République. Où en sont vos relations ?

Je suis une femme politique. J'ai pris mes responsabilités pour accéder à la présidence de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, mes relations avec l'exécutif sont très bonnes, que ce soit avec l'Elysée ou Matignon. Nous travaillons ensemble, nous appartenons à une même majorité.

Cela ne vous empêche pas d'exprimer parfois vos désaccords...

Je n'exprime pas de désaccords, j'exprime mes convictions. Et je pense que c'est ce que les Français attendent des hommes et des femmes politiques.

Les prochains bastions politiques masculins à faire tomber sont la présidence du Conseil constitutionnel en 2025, l'Elysée en 2027...

Mais vous en oubliez...(Rires) Il y a aussi : la présidence du Sénat, celle du Conseil d'Etat et de la Cour des Comptes. J'ai brisé un plafond de verre institutionnel en étant élue à la présidence de l'Assemblée nationale. J'espère que d'autres femmes suivront dans d'autres institutions.

Faut-il généraliser le Service national universel (SNU) sous la forme d'un stage de 12 jours, sur le temps scolaire, pour les élèves de seconde comme l'a promis Emmanuel Macron ?

J'aime beaucoup cette idée de SNU. Elle conjugue l'engagement, la construction de la citoyenneté et la mixité sociale et géographique. Il faut examiner les conditions de mise en œuvre sans inquiéter les premiers intéressés. Mais je trouve que les trois objectifs recherchés sont indispensables pour favoriser la cohésion et l'engagement.

Appelez-vous à une fusion des listes Renaissance et LR pour les Européennes ?

Il ne me revient pas « d'appeler » telle ou telle formation politique à fusionner ; je souhaite simplement que se réunissent tous ceux qui croient en l'Europe et ont compris son ardente nécessité dans le monde d'aujourd'hui et de demain.

Nicolas Sarkozy a été condamné en appel dans l'affaire des écoutes à 3 ans de prison avec sursis dont un an ferme. Il a dénoncé un « combat politique » de certains magistrats dont la présidente de la cour d'appel. Est-ce qu'un ancien Président peut ainsi s'en prendre à l'institution judiciaire ?

Un ancien président de la république peut comme tout citoyen se défendre et affirmer sa vérité, une présidente de l'Assemblée nationale ne peut commenter une décision du pouvoir judiciaire.

Quels seraient vos invités rêvés (morts ou vivants) pour un dîner parfait ?

Jean-Jacques Goldman parce que j'en suis fan. L'ancienne première ministre d'Israël Golda Meir, première femme à diriger un Etat démocratique. Enfin le navigateur Magellan car j'ai la passion des voyages et de la voile.

En quoi aimeriez-vous vous réincarner ?

En abeille. Les abeilles sont le symbole du travail et du collectif.

Si c'était à refaire, quel métier aimeriez-vous exercer ?

Le mien, avocate.

De quoi rêviez-vous enfant ?

De grandes aventures, de grands espaces, de grandes découvertes, de trucs en grand !

Qu'aimeriez-vous sur votre épitaphe ?

J'avoue ne pas être très inspirée par cette perspective !

Où aimeriez-vous être en 2027 ?

J'aime que le destin me surprenne. Imaginer quatre ans avant où je serai : c'est tout ce que je déteste.

Yaël Braun-Pivet ne s'interdit rien !

Ne demandez pas à Yaël Braun-Pivet où elle aimerait être en 2027. La première femme-présidente de l'Assemblée nationale aime que « le destin la surprenne », selon sa propre formule, lâchée devant nous avec son sourire de fausse naïve. A 52 ans, cette mère de cinq enfants, élue députée des Yvelines pour la première fois en 2017 dans le sillage de l'élection-surprise d'Emmanuel Macron, a monté les échelons de la politique à grande vitesse : présidence de la prestigieuse commission des lois, ministre de l'Outre-mer, poste qu'elle quitte au bout d'un mois pour s'emparer à la hussarde de la présidence de l'Assemblée nationale, devenant ainsi le quatrième personnage de l'Etat ! Le tout sans demander la permission au président de la République.

« Je n'ai pas été nommée, j'ai été élue », insiste-t-elle. Façon de dire qu'elle ne doit rien à personne. L'an passé, elle n'a pas caché s'être « engueulée » avec Elisabeth Borne et le puissant secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler quand elle a décidé de se lancer dans la conquête du « Perchoir ». Après sa triomphale élection, la Première ministre, très fair-play, félicitera sa cadette tandis qu'elle attend toujours le sms de félicitation du bras droit du président. Depuis, leurs relations se sont apaisées. « On a appris à se connaître. On se voit régulièrement en tête à tête », souligne-t-elle. Leurs échanges seraient désormais fluides.

« Je ne suis pas naïve »

« Jamais je n'aurais cru en rejoignant La République en marche en 2016 que je deviendrais la première femme à présider l'Assemblée alors ne me demandez pas où je serai en 2027 », confie-t-elle à La Tribune. Yaël Braun-Pivet est comme ça. Elle avance sans se poser de questions. Sans se retourner. Ni écouter ce que l'on dit d'elle. « Je ne suis pas naïve », répète cette femme déterminée au discours franc. Elle n'aime pas les « petits jeux politiques » surtout quand ils commencent à miner sa propre famille politique. Et s'inquiète déjà de la compétition entre les ambitieux - surtout des hommes - de la majorité dans la perspective de 2027.

Cette Lorraine de naissance, fille d'un cadre supérieur et d'une maman fonctionnaire à la DDASS, est avocate de formation. Un métier qu'elle a exercé notamment dans le cabinet d'Hervé Temime, ténor du barreau décédé récemment. Mais elle a eu plusieurs vies avant d'embrasser la politique : bénévole aux restos du cœur, expatriée au Japon et à Taïwan où elle a suivi son mari cadre chez L'Oréal. En 2017, son baptême du feu électoral est un coup de maître. Elle dégomme Jacques Myard, indéboulonnable figure de la droite dans la circonscription de Maisons-Laffitte/Sartrouville. Une victoire qui lui donne des ailes.

« C'est tendu entre Yaël et Aurore »

A l'Assemblée, ses débuts sont poussifs. Mais très vite, elle impose son style à la tête de la commission des lois au point de gagner le respect de ses pairs notamment à droite. Eric Ciotti est élogieux à son endroit. L'an passé, Olivier Marleix est parmi les premiers à lui adresser un bouquet de fleurs après l'élection à la présidence de l'Assemblée nationale. Avec ce mot : « Enfin une bonne décision de la majorité », écrit le patron des députés LR. « Je la trouve digne de confiance », juge plus sobrement son homologue du Sénat Gérard Larcher. Dans les couloirs du Palais-Bourbon, députés de la majorité et de l'opposition, saluent son impartialité malgré un climat de tension dans l'hémicycle jamais vu depuis des décennies. La réforme des retraites a, il est vrai, tendu les rapports entre groupes politiques mais aussi au sein des groupes. Avec Elisabeth Borne, le courant passe plutôt bien. Elle se méfie plus d'Aurore Bergé, la patronne des députés Renaissance. Très investie dans son rôle de présidente impartiale a fortiori dans une Assemblée privée de majorité absolue, Yaël Braun-Pivet s'évertue à incarner la « voix de la sagesse ».

Une « voix » aujourd'hui sous pression avec la controverse autour du projet de proposition de loi (PPL) déposée par le groupe Liot qui vise à abroger la retraite à 64 ans. Élisabeth Borne et Aurore Bergé font le siège de Lassay pour qu'elle déclenche l'article 40 de la Constitution au nom de l'irrecevabilité financière de la PPL. Ce que Yael Braun-Pivet ne veut pas faire pour éviter un blocage total de l'Assemblée (lire notre interview). Elle souhaite que le texte vienne en discussion dans l'hémicycle. Quitte à le combattre à coup d'amendements et le faire capoter compte tenu du délai de discussion limité à une journée. « Ce n'est pas difficile de déposer 300 amendements », estime un proche de la présidente. Le bras de fer est loin d'être terminé et provoque un malaise jusque dans la majorité. « C'est tendu entre Yaël et Aurore. Ce sont deux femmes aux tempéraments opposés », confirme un macroniste.

« C'est Eva Péron »

La trajectoire fulgurante de Yaël Braun Pivet nourrit donc quelques commentaires acides notamment dans son propre camp. On ne prête qu'aux riches. Certains ricanent des envies de candidature à la présidentielle qu'on lui prêterait. Vraie ou pas, la rumeur court en effet. « C'est Eva Peron », raille un conseiller dans une allusion à la madone du peuple argentin. Guère plus aimables, des proches du chef de l'Etat préfèrent la comparer à Ségolène Royal, laissant entendre qu'elle n'aurait pas le niveau pour être candidate à l'Elysée. Yaël Braun-Pivet se sent, elle, flattée et oppose le CV de la finaliste de la présidentielle de 2007.

Personnalité de premier plan de la Macronie, elle reste pourtant peu connue du grand public. 53% des Français déclarent la connaître selon un sondage Ifop. La même proportion que pour son prédécesseur Richard Ferrand. « Elle dispose d'atouts, estime Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop. C'est une femme dans un univers macédonien très masculin. Elle campe une figure d'autorité en attente avec la demande d'ordre de l'opinion. Sa popularité repose essentiellement sur son incarnation en rupture avec les stéréotypes associés au personnel politique mais très peu sur des actions et des prises de position visibles », conclut le sondeur sceptique sur sa présidentiabilité. Elle suscite néanmoins méfiance et raillerie. « Yaël porte son destin », lâche-t-on à Matignon. Ce que l'intéressée ne dément pas. Depuis qu'elle est entrée en politique, le destin n'en finit pas de la surprendre.

Commentaires 9
à écrit le 25/05/2023 à 22:48
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T inquiétes en 2027 yael tu vas dégager comme le reste des lrem vendus aux ubers et consorts … Macron Borné Dussopt … je voterai pour liot !! Ça sera moins pire que nupes ou le ou Rn !!

à écrit le 25/05/2023 à 19:24
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Je crois que du point de vue de l'intérêt général (je ne sais pas si du droit constuitutionnel) on ne pourrait voter l'abrogation des 64 ans que si dans le même vote on décidait quelles dépenses publiques baisser d'un niveau équivalent aux économies ...

à écrit le 25/05/2023 à 17:03
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Merci au groupe LIOT d'incarner ce qu'il reste d'opposition constructive à l'Assemblée. Recevoir des leçons de droit constitutionnel de la part de LREM est assez incroyable. Nous avons plutôt besoin d'un Robespierre que d'une Yaël, n'en déplaise à la...

à écrit le 25/05/2023 à 9:03
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"Eva Péron" Où une belle femme arriviste qui par ambition a mal tourné. Heu... vous êtes sûr que c'est un compliment ça ?!

à écrit le 25/05/2023 à 4:09
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Que les français patientent, aux prochaines présidentielles, on reviendra aux 62 ans . Le parti LR qui a permis de ne pas renverser le gouvernement va sans doute descendre encore dans les votes.

à écrit le 24/05/2023 à 21:05
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On la compare souvent à Éva Péron et elle aurait des ambitions elyséennes rien que ça ( dixit l'article) Cette dame que personne ne connaît et qui se prévaudra de l'héritage macronien n'a pas la moindre chance . D'ailleurs en 2027 le le challen...

à écrit le 24/05/2023 à 20:01
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Un syndicat tient encore la ligne d 'indépendance VS le pouvoir macronien, et ce syndicat s' appelle SUD, en MAJUSCULES. Nous en avons ici la confirmation. F Asselineau "UN SYNDICAT S'ATTAQUE ENFIN À LA RACINE DES PROBLÈMES ! ...

le 25/05/2023 à 10:41
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Vous faites de l'humour maintenant ?

à écrit le 24/05/2023 à 19:33
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Elle est consignée dans les GOPE - grande orientations de ^politiques européenne- de l' UE 2017 et elle conditionne le versement à la France du plan de ..relance post covide que nous avons payé, fois 2!. Pareil en Belgi...

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