CETA : le coup de pression de l'Assemblée nationale sur le gouvernement

L'Assemblée nationale a adopté ce jeudi une proposition communiste pour demander au gouvernement de lui soumettre le traité de libre-échange CETA. Sans valeur contraignante, cette résolution est une victoire, certes symbolique, mais hautement politique.
A dix jours des élections européennes, le sujet est « instrumentalisé » de façon « électoraliste », selon le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester, qui est intervenu ce jeudi à l'Assemblée nationale. (photo d'illustration)
A dix jours des élections européennes, le sujet est « instrumentalisé » de façon « électoraliste », selon le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester, qui est intervenu ce jeudi à l'Assemblée nationale. (photo d'illustration) (Crédits : Reuters)

La victoire n'est que symbolique, mais hautement politique : l'Assemblée nationale a adopté ce jeudi une proposition communiste pour demander au gouvernement de lui soumettre le traité de libre-échange CETA (pour « Comprehensive Economic and Trade Agreement », ndlr) entre l'Union européenne et le Canada, combattu par l'ensemble des oppositions.

Sans valeur contraignante, cette résolution a été adoptée par 151 voix contre quatre, grâce à une coalition de la gauche, de LR et du RN, pendant que le camp présidentiel s'abstenait. Elle vise à remettre la pression sur l'exécutif, après le rejet du projet de loi de ratification du CETA au Sénat en mars.

A la suite de ce revers, le gouvernement avait décidé de repousser l'examen du CETA à l'Assemblée nationale, d'ici la fin de cette année. Adopté en 2017 à l'échelle européenne, l'accord de libre-échange est déjà appliqué en France, mais le texte de ratification végète dans la navette parlementaire.

Un sujet « instrumentalisé », déplore le ministre délégué au Commerce extérieur

A dix jours des européennes, le sujet est « instrumentalisé » de façon « électoraliste », selon le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester, qui a électrisé l'hémicycle ce jeudi en dénonçant le « spectacle désolant de ceux qui mentent » sur les effets du CETA et « l'indécence » d'une « alliance de circonstance » entre « le rouge, le rose, le vert, le bleu et le bleu marine » des oppositions.

Lire aussiCETA : l'accord de libre-échange UE-Canada ne sera pas voté à l'Assemblée nationale avant « fin 2024 »

C'est un « bon accord », notamment pour les producteurs de lait, de fromages et les viticulteurs, a récemment insisté le gouvernement qui n'entend pas soumettre le CETA aux députés avant fin 2024 ou début 2025. Ce, après une mission parlementaire confiée au député macroniste Benoit Mournet et au sénateur de centre droit Daniel Fargeot.

Le report de l'examen du texte est un casus belli pour l'opposition : « c'est rarissime sous la Ve République », gronde le président du groupe communiste André Chassaigne auprès de l'AFP. Dans l'hémicycle, le député a pilonné la « totale opacité » des négociations autour du CETA, le « colza OGM » ou le « contingent de viande de bœuf » importée. Cet accord est un « hold-up démocratique », a embrayé l'écologiste Marie Pochon.

Concurrence des fermes usines canadiennes

Le RN Timothée Houssin a dénoncé la « concurrence des fermes usines canadiennes » et le LR Pierre-Henri Dumont un « contournement du Parlement ». Face à eux, c'est notamment le député Renaissance des Français d'Amérique du Nord (Canada, Etats-Unis) Christopher Weissberg qui a défendu l'accord et fustigé, lui aussi, une « tribune » de l'opposition avant les élections européennes.

« Les règles du CETA sont plus favorables pour nos agriculteurs et nos viticulteurs que les règles du commerce hors accord. Il va falloir expliquer pourquoi on veut sortir d'un accord qui aide nos agriculteurs plus que les Canadiens », plaide-t-il.

Anticipant un procès en obstruction démocratique, le groupe Renaissance a décidé de s'abstenir sur le texte des communistes. « Un accord bilatéral avec le Canada, c'est bien mieux que la loi de la jungle du commerce de droit commun », a aussi souligné le MoDem Jean-Louis Bourlanges.

Un « accord gagnant-gagnant », selon Attal

Pour mémoire, mi-avril, le Premier ministre français Gabriel Attal et son homologue canadien Justin Trudeau avaient défendu à Ottawa le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, un « accord gagnant-gagnant », notamment pour la filière agricole et agroalimentaire française, qui a vu son excédent commercial multiplié par trois entre 2017 et 2023.

Lire aussiCETA : Attal veut rassurer le Canada sur l'engagement de la France

« C'est un accord gagnant-gagnant, et on le voit aujourd'hui, les chiffres ne mentent pas, depuis qu'il a été signé, depuis qu'il est en vigueur, les échanges entre nos deux pays ont progressé de plus d'un tiers », avait déclaré à ce propos Gabriel Attal, parlant d'un « accord juste et équilibré ».

De son côté, le Premier ministre canadien avait déclaré : « Si un pays ne peut pas ou ne veut pas avoir du libre échange avec un pays progressiste, ouvert et responsable comme le Canada, avec quel pays voudriez-vous faire un accord de libre échange? », a-t-il ajouté.

Dix Etats européens n'ont pas encore ratifié le CETA

A ce jour, dix Etats européens doivent encore ratifier cet accord commercial, pour le moment entré en vigueur à titre provisoire à l'échelle européenne. En cas de rejet du CETA par les députés français, l'équation deviendrait alors très complexe pour le gouvernement : soit il notifie à Bruxelles qu'il ne peut ratifier le traité et cela entraînerait la fin de son application provisoire pour toute l'Europe ; soit il temporise, au risque de s'attirer les foudres des oppositions qui crieront au déni démocratique.

Outre l'agriculture, l'accord comprend un volet sur les minerais canadiens dits « critiques » pour la transition énergétique comme l'uranium ou le lithium, prisés par Paris. Et pour rappel, les échanges entre l'UE et le Canada ont pris une nouvelle tournure depuis la guerre en Ukraine. Grâce au CETA, l'Europe a pu substituer des produits canadiens - comme ces matériaux- aux produits russes qu'elle n'importe plus.

 (Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 31/05/2024 à 9:11
Signaler
Rappel: La négociation et la signature des traités de libre-échange entre l'UE et des pays tiers est une prérogative de la seule UE, les États membres n'ont d'autre choix que d'appliquer les traités une fois signés et se taire ou s'ils ne veulent pas...

à écrit le 30/05/2024 à 15:04
Signaler
C'est vrai on peut les croire, l’événement du "plombier polonais" aura été un succès économique majeur pour tous les travailleurs de notre pays ! Et ça aussi on le voulait pas mais heureusement qu'ils nous l'ont imposé pour notre bien ! Des ingrats, ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.