CFDT : ce que le départ de Laurent Berger va changer

Laurent Berger a annoncé son intention de passer la main, le 21 juin prochain, à sa numéro deux, Marylise Léon. Âgé de 54 ans, le leader du syndicat réformiste a passé plus de 10 ans à la tête de la centrale, menant plusieurs combats, en matière de réforme de l'assurance-chômage, des retraites, etc. Ces derniers mois, il s'est imposé comme le chef de file de la contestation contre cette dernière. Si le passage de témoin va se faire en douceur, c'est une page qui se tourne dans le monde syndical et au-delà.
Fanny Guinochet
Laurent Berger a fait part de son intention de quitter la CFDT à compter du 21 juin prochain.
Laurent Berger a fait part de son intention de quitter la CFDT à compter du 21 juin prochain. (Crédits : Reuters)

Le passage de témoin était acté de longue date. Laurent Berger avait expliqué en juin dernier, à l'occasion du congrès de la CFDT à Lyon, qu'il n'irait pas au bout de son mandat. Ne serait-ce que par tradition dans le syndicat réformiste. Mais aussi, parce qu'il était hors de question de prendre le moindre risque d'affaiblir la centrale par une guerre de succession.

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Âgé de 54 ans, Laurent Berger manifeste également son envie de changer d'air, après dix années à ce poste. « Je ne pars pas en ayant ras-le-bol de la CFDT, assure-t-il dans un entretien au Monde. Et d'ajouter : « Cette décision n'est pas dictée par l'actualité... Je ne suis pas indispensable à la CFDT. »

La CFDT restera-t-elle en première ligne ?

Même anticipé, préparé et mûri, ce départ n'en demeure pas moins un choc. Pour les adhérents CFDT, d'abord, auprès desquels il s'est imposé sans difficultés après le départ de François Chérèque.

 « Il faut que les militants comprennent que l'on est de passage et qu'il vaut mieux transmettre le témoin quand on est bien lancés », explique-t-il dans l'entretien accordé au quotidien du soir.

Laurent Berger choisit donc le moment où sa notoriété est la plus haute, pour laisser la place à Marylise Léon. Le bilan est positif : il part alors que le syndicat est uni, homogène, reconnu. La bataille des retraites a permis de resserrer encore un peu plus les rangs, et d'engranger plus de 30.000 adhérents supplémentaires en quelques semaines. De quoi conforter le rôle de premier syndicat de France que la CFDT a acquis en décembre 2018.

Et ce, alors que les centrales étaient en perte de vitesse, affaiblis, après le Covid et l'épisode des Gilets jaunes. Au contraire, ces dernières semaines, ils ont su retrouver une place de premier plan. Omniprésent durant le conflit, Laurent Berger y est pour beaucoup. Le leader s'est beaucoup exprimé, et a pris la tête de cette contestation. Sa parole nuancée a souvent été saluée par les leaders politiques et intellectuels.

Une influence syndicale conservée ?

Forcément, Marylise Léon, son bras droit, est moins connue, et moins médiatique. A 46 ans, elle est présente dans les instances de la CFDT depuis une dizaine d'années. A ce titre, elle apparaît donc légitime. En outre, Marylise Léon a souvent négocié avec le patronat. Elle connaît bien les sujets relatifs au travail, à l'assurance-chômage. Son expérience lui sera donc utile, alors que le gouvernement appelle à construire un nouveau pacte au travail.

Il lui faudra toutefois parvenir à se faire une place dans la lumière et le puzzle syndical. Un défi d'autant plus difficile que Marylise Léon arrive au moment où la CGT vient de nommer Sophie Binet comme numéro un.

Des femmes à la tête des deux premiers syndicats français, c'est une première dans l'histoire sociale de notre pays et le signe d'un véritable renouveau. Ces deux femmes ont à peine quelques années d'écart, et elles sont cadres toutes les deux. En outre, elles ont à leur actif de longues années de militantisme syndical, et de travail des dossiers. Elles peuvent donc aussi se retrouver en concurrence. Feront-elles pour autant alliance dans les prochaines négociations à venir ?

Le départ de Laurent Berger, un cadeau au macronisme ?

Le timing de cette annonce interroge. Le combat contre la réforme des retraites n'est, certes, pas terminé, si on en croit Laurent Berger. En revanche, la promulgation de la loi marque un échec de l'intersyndicale. De fait, alors qu'il s'est imposé comme le principal opposant à Emmanuel Macron sur cette réforme, ce départ, moins d'une semaine après l'adoption de la loi, peut être pris comme une défaite.

Le principal intéressé dément : « C'est horrible de constater que dans notre pays, passer la main, peut être vu comme un abandon ou un renoncement ».

Il n'en demeure pas moins que la prochaine grande manifestation de l'intersyndicale, le 1er mai prochain, sera certainement la dernière avec Laurent Berger dans le carré de tête.

Ce départ peut être aussi vu comme la volonté de redonner du souffle au processus. Laurent Berger assure que la lassitude n'a pas guidé son choix, mais ceux qui le connaissent ont pu sentir ces dernières semaines, des signes d'agacement et de nervosité, surtout quand il était pointé du doigt par le chef de l'Etat.

Être désigné comme le premier adversaire d'Emmanuel Macron pouvait être valorisant. En réalité, cette situation l'a affecté. « Je ne me sens pas à l'aise avec l'hyperpersonnalisation, car je suis un produit de l'éducation populaire : on y apprend à exercer le militantisme avec les autres », souligne-t-il.

Dans ce combat autour de la réforme des retraites, cette position a aussi pu desservir la cause. Au-delà du fond du dossier, l'animosité entre les deux hommes a parfois compliqué les possibilités de dialogue. Quelques heures après l'annonce du départ de Laurent Berger, Emmanuel Macron, en déplacement en Alsace, a assuré avoir de l'estime, du respect, de l'amitié pour le syndicaliste. Reste à voir si l'arrivée de Marylise Léon réchauffera les relations avec le pouvoir. Une chose est sûre : il devrait y avoir moins d'affect.

Bientôt un nouvel opposant politique ?

Interrogé sur d'éventuelles ambitions politiques, Laurent Berger a toujours balayé d'un revers de main cette option. Faire de la politique ne le tente pas. A gauche, ils sont pourtant nombreux à voir dans ce porte-parole du monde du travail et des associations caritatives, un candidat potentiel pour incarner les idées sociales-démocrates aux prochaines présidentielles.

Jusqu'à espérer que, si l'extrême droite qu'il a toujours combattue gagne du terrain et menace de prendre le pouvoir, il se lance. Laurent Berger le redit dans l'entretien accordé au Monde, de façon très claire : « Non, je ne serai pas candidat en 2027... Je ne sais plus comment il faut le dire. Je ne m'engagerai pas en politique ».

Il n'entend pas, toutefois, sortir totalement de la vie publique : « Je vais rester un militant, pour la justice sociale, la transition écologique ». Alors qu'il a beaucoup œuvré dans le collectif « pour le pouvoir de vivre », il pourrait y prendre plus de responsabilités. A moins que ce ne soit au niveau européen, où il est déjà président de la Confédération européenne des syndicats depuis 2019, et où il a, à chaque fois, plaisir à se mobiliser. D'autres pistes sont sur la table, comme la création de sa propre structure associative ou de son fonds de solidarité.

 Alors que la réforme des retraites va le conduire à travailler jusqu'à 64 ans, il a encore une décennie devant lui. Quelle que soit sa reconversion, il devrait être une voix qui compte encore dans le débat public.

Fanny Guinochet
Commentaires 14
à écrit le 20/04/2023 à 10:11
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Holà! La CFDT reste solide au poste; Berger n'était que l'un de ses maréchaux.

à écrit le 20/04/2023 à 9:53
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Berger a 54 ans. Il lui reste 10 ans à travailler efficacement pour espérer une retraite correcte.

à écrit le 20/04/2023 à 8:45
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Le moins pire n’est pas une option.. M.Bergé sort en ayant détruit la possibilité de discuter sereinement de problématiques sérieuses évidentes. Il ne sera pas regretté par ceux qui estiment ne pas devoir dépendre de personnalités non élues sans vist...

le 20/04/2023 à 9:37
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Vous avez une lecture erronée du mot discussion car il était partant lors de la première offre sur les retraites mais M.Macron et M.Philippe ont voulu faire main basse sur ma bonne gestion des complémentaires et bloquer cette réforme innovante pour l...

à écrit le 19/04/2023 à 20:31
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Le frère la truelle Berger s' en va, un autre frère la truelle va t-il le remplacer pour le plus grand bien de monsieur Global ? J' ai ma petite idée.

à écrit le 19/04/2023 à 19:32
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On sort comme on peut de la voie sans issue dans laquelle on a fourvoyé les Français...

à écrit le 19/04/2023 à 18:57
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Il va surement finir comme l'ancienne secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat ( 1992 à 2002) à un poste tranquille désignée par exemple "le Conseil européen membre du groupe de réflexion sur l'avenir de l'Europe" ,ce groupe a pour mission de prop...

le 20/04/2023 à 8:45
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Vu les relations et le mépris que Macron témoigne aux français et aux sunyndicats il finira pas conseille de l'elysee...

à écrit le 19/04/2023 à 18:20
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Après avoir travaillé à la CFDT quel sera le nouvel emploi de Laurent Berger

le 19/04/2023 à 19:57
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Il aura probablement un emploi fictif à la NUPES et ses filiales associatives...

le 20/04/2023 à 13:04
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Berger à la Nupes cela m'étonnerait ,non, il aura sûrement un poste proposé dans un groupe de réflexion ou membre d'un conseil d'administration quelconque.On peut rappeler que Nicole Notat l'ex-patronne de la CFDT est en lice pour être nommée à Matig...

à écrit le 19/04/2023 à 16:31
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Il sera sans doute remplacé par quelqu'un d'aussi sectariste que lui

le 19/04/2023 à 16:49
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Sectaire ou sectarisme mais certainement pas "sectariste " qui n'existe pas !!!

le 20/04/2023 à 14:43
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Vous parlez du Président bien-sûr un homme dont l'ego vaut bien celui de M.Poutine, M.Erdogan ou son ami M.Trump.

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