Dette publique française : pourquoi le fardeau s’alourdit

La question des intérêts, et plus seulement celle du volume de la dette publique, s'invite dans le débat public. Les économistes et les institutions financières comme la Cour des comptes ou la Banque de France tirent la sonnette d'alarme. Alors, pourquoi la charge de la dette enfle-t-elle ? En quoi cela bouleverse-t-il la situation des finances publiques françaises ? Comment y remédier ? La Tribune fait le point en trois questions.
A Bercy, Bruno Le Maire est pris en tenaille entre les dépenses de protection du pouvoir d'achat et le poids croissant de la dette et de ses intérêts.
A Bercy, Bruno Le Maire est pris en tenaille entre les dépenses de protection du pouvoir d'achat et le poids croissant de la dette et de ses intérêts. (Crédits : Reuters)

Le phénomène n'est pas nouveau : l'état des finances publiques préoccupe en haut lieu. Ces derniers mois la dégradation des comptes publics a fait l'objet de nombreuses mises en garde des grands argentiers de l'Etat, de la Banque de France à la Cour des comptes. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lui-même, pourtant comptable de la situation budgétaire du pays après avoir ouvert en grand les cordons de la bourse lors de la crise sanitaire (sans les avoir vraiment refermés jusqu'ici), a affirmé fin juin que « la cote d'alerte » (était) « atteinte ».

Les voyants virent au rouge vif aux yeux des économistes, et plus seulement sur le montant de la dette qui frôle les 3.000 milliards d'euros, après un bond de 97,6% du PIB fin 2019 à 114,1% aujourd'hui. Le dernier avertissement est venu jeudi du président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui a asséné que « nous ne pouvons pas vivre dans l'illusion d'une dette gratuite ». Et fait de la charge de la dette son « principal point de préoccupation ». Qu'est-ce que cette charge de la dette ? Pourquoi devient-elle problématique pour la France ? Faut-il s'inquiéter de ses conséquences à l'avenir ? La Tribune fait le point.

  • Qu'est-ce que la charge de la dette ?

La charge de la dette correspond à l'ensemble des intérêts que l'Etat s'engage à payer lorsqu'il emprunte de l'argent sur les marchés financiers, en plus du remboursement à une échéance précise du montant emprunté qu'on appelle le « principal ». En France, ces intérêts sur la dette ont coûté à la puissance publique autour de « 35 milliards d'euros en 2021, et environ 50 milliards d'euros en 2022 », estime François Ecalle, ancien haut-fonctionnaire à la Cour des comptes, spécialiste des finances publiques qu'il décrypte sur son site de référence Fipeco. La charge d'intérêt va ainsi s'alourdir de 17 milliards d'euros supplémentaires cette année d'après Bruno Le Maire. « Et la hausse va continuer », prévient François Ecalle.

  • Pourquoi la charge de la dette s'alourdit-elle ?

Le paysage financier a radicalement changé fin 2021 et début 2022. La décennie 2010 fut celle de l' « argent gratuit », c'est-à-dire de taux d'intérêt très faibles, parfois nuls. Voire négatifs comme sur les obligations de l'Etat français à 10 ans en 2019 et 2020. Une période paradoxale en ce sens que les Etats européens pouvaient emprunter davantage sans que leur charge de la dette n'augmente proportionnellement. Des facilités budgétaires permises par les politiques monétaires très accommodantes de la Banque centrale européenne et de la Réserve fédérale, dont les taux directeurs étaient maintenus très bas afin de soutenir le crédit et l'activité économique à la sortie de la crise Covid.

Cette ère est révolue. La hausse généralisée des prix, censée être passagère du fait de la reprise post-pandémie, s'est installée depuis la guerre en Ukraine qui a précipité la flambée du coût de l'énergie. Or, 12% de la dette française est indexée sur l'inflation, ce qui signifie que les taux d'intérêts grimpent mécaniquement en même temps que l'inflation. D'où les 17 milliards d'euros supplémentaires de charge de la dette à court terme.

L'inflation pèse également sur la dette française à long terme. Les banques centrales n'ont d'autre choix que de relever leur taux directeur, seul levier monétaire pour endiguer l'inflation. Cela signifie que les taux d'emprunts des États sont déjà en train de se renchérir. Les prêts contractés par l'Etat auprès d'investisseurs sous forme d'obligations ont une maturité moyenne (échéance de remboursement) de huit ans. L'obligation de référence des Etats arrive à maturité à 10 ans. C'est à ces échéances que la charge de la dette va significativement enfler. Le cercle de réflexion libéral iFRAP avance le chiffre de 100 milliards d'euros de charges de la dette en 2027, contre 35 milliards aujourd'hui. « Une estimation plausible. Une hausse d'un point du taux d'intérêt des obligations françaises, signifie 40 milliards d'euros de dépenses supplémentaires dans 10 ans » d'après François Ecalle... Soit l'équivalent du budget annuel de la Défense. L'expert rappelle par ailleurs que la charge de la dette croît aussi à cause d'un « effet volume de la dette » qui continue de s'envoler. Car plus l'Etat contracte d'emprunts, plus il a d'intérêts à rembourser.

  • Quels risques pour la France ?

Le spectre d'un défaut de paiement plane-t-il pour autant sur la France, du jamais-vu depuis 1797 ? Evidemment pas pour l'instant, mais la problématique de la dette reste entière. « La situation de la dette publique n'a pas radicalement changé avec la remontée des taux et conjointement celle de la charge de la dette. Rappelons que, comme un particulier, l'Etat doit rembourser les intérêts sur ses crédits mais surtout le principal. Certes, les taux d'intérêts ont un coût mais il reste bien inférieur à celui du principal. Aujourd'hui, la France rend le principal à ses créanciers... en se réendettant. Il faudrait être en mesure de rembourser le principal aussi », juge François Ecalle.

Ce dernier rappelle l'importance de reprendre le contrôle de la trajectoire de la dette afin d'éviter qu'elle ne s'emballe. Tant que l'inflation est supérieure aux taux d'intérêt, un tel scénario ne se profile pas, selon l'ancien collaborateur de la Cour des comptes.

Le gouvernement fait pour l'instant de l'onéreuse protection du pouvoir d'achat sa priorité devant le désendettement. La loi pouvoir d'achat, qui doit être votée cet été, devrait coûter autour de 20 milliards d'euros à l'Etat. S'agissant du retour à un déficit budgétaire en dessous de 3%, Elisabeth Borne le prévoit pour... 2027.

Commentaires 25
à écrit le 02/04/2023 à 9:17
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POUR PLUS DE TRANSPARENCE : L'engagement financier de notre pays ne doit être pris par un commité restrain , mais avec l''aval de sommité indépendant du Président et gouvernement en place .

à écrit le 19/03/2023 à 0:06
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Donc toi quand tu fais un emprunt tu ne le rembourse pas ? Il faudrait me donner le nom de ta banque

à écrit le 27/08/2022 à 8:13
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Bonjour Je ne comprends pas comment les intérêts de la dette peuvent augmenter de 17 mrds € en un an, même avec 12% indexés sur l’inflation ( ce qui est absurde comme gestion, trop jeunes les gestionnaires de aft !!!) alors que le gros de la dette é...

à écrit le 10/07/2022 à 11:47
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article pédagogique très intéressant

à écrit le 09/07/2022 à 22:25
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Cela ne représente pas du tout un fardeau. L'endettement de l'état ne représente en rien une charge. Au contraire, c'est un fonctionnement normal. Arrêtez d'effrayer les gens avec ça. C'est une très mauvaise excuse. La dette ne représente rien pour,...

le 10/07/2022 à 17:10
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Ce qui est critiqué, ce n'est pas l'endettement mais le résultat obtenue pour cet endettement sinon... on en parlerait pas!,-)

à écrit le 09/07/2022 à 22:24
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Cela ne représente pas du tout un fardeau. L'endettement de l'état ne représente en rien une charge. Au contraire, c'est un fonctionnement normal. Arrêtez d'effrayer les gens avec ça. C'est une très mauvaise excuse. La dette ne représente rien pour,...

à écrit le 09/07/2022 à 9:48
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Tant que le gouvernement s'obstine avec des baisses d'impôts non ciblés et à crédit, avec cette idéologie du ruissellement qui n'a jamais fonctionné, ces niches illisibles qui fait qu'on ne sait plus très bien qui paye quoi, ses doublons dans les adm...

le 09/07/2022 à 14:53
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Puis je vous signaler que ni la droite , ni Mélenchon ne veulent diminuer le nombre de députés; C'est pour cela que cela a échoué au passage au sénat.

à écrit le 09/07/2022 à 8:43
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Pourquoi le fardeau s’alourdit? Parce que nous comptons et copions sur les autres et leur solution!

le 09/07/2022 à 14:58
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Ce que vous affirmez est faux. Nous continuons à distribuer au grand vent et à nous endetter. Ce n'est pas le cas de nos voisins au moins dans de telles proportions. Rien que pour cette année, nous aurons pour alléger les conséquences de l'inflation ...

le 09/07/2022 à 17:36
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Donc! Vous confirmez ce qui est dit: "Nous comptons sur les autres et les copions"! ;-)

à écrit le 08/07/2022 à 22:25
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Très intéressant article , réaliste sans être trop alarmiste . Je pense que le gouvernement doit gérer deux priorités : - sauvegarder court terme le pouvoir d'achat des plus fragiles ou tenter de limiter au maximum les dégâts - ensuite, pour le ...

le 09/07/2022 à 15:02
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L'expérience de ces 40 dernières années devrait vous rendre plus pessimiste. Raymond Barre avait dit que les Français n'accepteraient le changement seulement quand ils auraient les 2 pieds dans le précipice. On n'en est, probablement pas très loin.

à écrit le 08/07/2022 à 21:04
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La tribune dénonce la hausse de la dette mais roule a fond pour le gouvernement Macron, digne héritier du PS, qui distribue a foison. Qui sont les responsables ? Tant qu'il y aura cette complaisance des journalistes pour les politiques au pouvoir, ri...

le 09/07/2022 à 15:05
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Sans Euros, nous serions à notre énième dévaluation du Franc et probablement sous la tutelle du FMI.

le 10/07/2022 à 23:45
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La Suisse, le Danemark, la Suède et d'autres encore, n'ont jamais adopté l'euro. Ce chantage europeiste ne marche plus. On a bien vu à quel point les catastrophes annoncées par nos médias "experts" sur le brexit se sont avérées complètement fausses!!

à écrit le 08/07/2022 à 20:51
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wow, on decouvre ce que je dis depuis 10 ans, c'est a dire qu'en bon socialiste, hollande a depense plus que prevu, grace aux economies; lesquelles? celles de la banque centrale qui finance gratuit et amene les taux a zero; et en bon socialiste il a ...

le 09/07/2022 à 0:30
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Quand vous parlez du fiston vous parlez de ministre des finances et du budget de Hollande et qui était le 1er conseiller stratégique économique avant dans ce même gouvernement ? Alias le président actuel, donc il est bien dans le bain puisque cela fa...

à écrit le 08/07/2022 à 20:44
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12% de notre dette indexée sur l'inflation ??? Tous les individus de la chaîne de décision et de responsabilité de ces dettes devraient être en prison ou condamnés à des travaux d'intérêt général et interdits d'exercer dans la fonction publique ou à ...

le 09/07/2022 à 15:11
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Quand vous êtes emprunteur, vous l'êtes toujours aux conditions du créancier. Dans le cas contraire, vous n'avez soit pas besoin d'emprunter soit vous ne pouvez pas emprunter. Aller voir votre banquier et imposez lui vos conditions d'emprunt, je croi...

à écrit le 08/07/2022 à 20:02
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C'était tellement simple, comme solution, de la part du gouvernement, de distribuer des chèques aux pauvres. Fatalement, il y avait un truc ?

à écrit le 08/07/2022 à 19:01
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Nécessairement la BCE devra intervenir... la France fait partie des " too big to fail" et la dette française devra être pudiquement rééchelonnée avant d'être "restructurée". La BCE sera alors hors de son champs de mission en devenant la banque de der...

le 09/07/2022 à 15:13
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Une banque centrale est toujours par définition la banque en dernier ressort.

le 10/07/2022 à 0:16
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A @ Tototiti : Non Monsieur, la BCE n'a pas ce rôle dans le traité européen...

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