Après de longues semaines d'attente et moult reports, le gouvernement a enfin présenté les détails de son projet de loi pouvoir d'achat et un projet de loi de finances rectificative (PLFR) en conseil des ministres ce jeudi 7 juillet. Au lendemain du discours de politique générale de la Première ministre Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale, le gouvernement veut montrer qu'il veut "protéger les Français" face à la hausse du coût de la vie.
Le mécontentement et la grogne sociale pour réclamer des hausses de salaires se propagent sur l'ensemble du territoire à mesure que l'inflation grignote le reste à vivre des Français. L'examen des deux textes par les parlementaires devrait débuter dès la semaine prochaine assure Matignon dans une Assemblée nationale particulièrement fragmentée. Les députés de la Nupes ont déjà déposé une motion de défiance à l'encontre de l'exécutif.
20 milliards d'euros de mesures sans compter le bouclier tarifaire
Le coût du catalogue de mesures présenté par l'exécutif ce jeudi 7 juillet devrait s'élever à environ 20 milliards d'euros d'après Matignon. Sur cette enveloppe, tous les dispositifs carburants, avec la prolongation de la ristourne de 18 centimes jusqu'en septembre puis sa diminution et la mise en place d'une prime carburant pour les travailleurs pour la fin de l'année, devraient représenter le premier poste budgétaire, soit 4,6 milliards d'euros. Dans le dossier de presse, le tableau de l'ensemble des dépenses ne prend pas en compte le bouclier tarifaire. Or le prolongement de ce dispositif jusqu'à la fin de l'année devrait coûter environ 4,7 milliards d'euros.
A cela s'ajoutent la revalorisation des retraites, des prestations sociales, des bourses scolaires et étudiantes et la prolongation des tickets U à un euro pour les étudiants. Toutes ces mesures devraient représenter l'autre somme la plus importante (6,4 milliards d'euros) à laquelle il faut ajouter l'aide exceptionnelle de rentrée estimée à 1 milliard d'euros. Parmi les autres mesures importantes figurent le dégel du point d'indice des fonctionnaires (3,7 milliards d'euros) et la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (3,2 milliards d'euros).
Une prévision de déficit à 5%, la Cour des comptes sceptique
Les nouvelles prévisions macroéconomiques présentes dans le projet de loi de finances rectificative font état d'un déficit de 5% rapporté au produit intérieur brut (PIB) pour 2022, inchangé par rapport à la loi de finances initiale présentée à l'automne 2021. "Les recettes et les dépenses s'équilibrent par rapport à la loi de finances initiale (LFI)", assure l'entourage de la Première ministre.
Or, ces chiffres ont fait tiquer les magistrats de la Cour des comptes. Dans leur dernier audit sur les finances publiques dévoilé à la presse ce jeudi 7 juillet, les juristes ont exprimé de sérieux doutes sur ces prévisions. La croissance et l'inflation prévues respectivement à 2,5% et 5% pour 2022 par le gouvernement sont basées sur "des hypothèses très favorables" aux yeux du président de la juridiction financière Pierre Moscovici.
Une loi pouvoir d'achat susceptible d'être modifiée
Le texte dévoilé ce jeudi 7 juillet pourrait être largement débattu dans les jours à venir au sein de l'hémicycle. Contrairement au précédent quinquennat, le gouvernement va devoir affronter une Assemblée nationale bien plus hostile. Même si le pouvoir d'achat est un sujet en apparence consensuel, les oppositions risquent de mettre des bâtons dans les roues de la majorité présidentielle largement affaiblie après les résultats des élections législatives.
En début de semaine, les députés membres de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) ont déjà fait leurs propositions sur le pouvoir d'achat avec un SMIC à 1.500 euros, un blocage des prix sur un panier de produits ou encore une taxation des profits de grandes entreprises comme Total, CMA CGM ou encore Engie. Les élus ont fait savoir qu'ils allaient déposer des amendements dans les jours à venir.
Dans le camp de la droite, l'une des principales propositions concerne le carburant à 1,5 euro mais cette mesure a été jugée coûteuse par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. "Il faudra évidemment que le gouvernement accepte d'envisager la question du financement de ces mesures" alors que "la situation de la dette française, aujourd'hui, est très grave", avait averti en début de semaine Olivier Marleix, patron des députés LR à l'Assemblée nationale.
Des revalorisations sous indexées
Derrière la montagne de milliards annoncés par le gouvernement, se cache en réalité une sous indexation par rapport à l'inflation des revalorisations des prestations sociales et des minima sociaux. Il se pourrait que cette apparente générosité ne suffise pas à compenser les hausses de prix subies par la population française et en particulier chez les plus modestes. Les pourcentages de revalorisations présentés dans le dossier de presse remis par les services de Matignon sont pour la plupart du temps inférieurs aux prévisions d'inflation des économistes bien souvent supérieures à 5% pour 2022.
D'après le cabinet d'Elisabeth Borne, "le pouvoir d'achat des Français sera ainsi en légère hausse en 2022, en dépit d'un contexte fortement inflationniste, et à rebours des baisses de pouvoir d'achat connues dans les autres pays européens". Or, les économistes de l'Insee dans leur dernière note de conjoncture présentée il y a près de deux semaines tablent désormais sur un recul du pouvoir d'achat de 1% en 2022. Ce qui serait une première depuis de nombreuses années.
Enfin, même si les salariés au SMIC doivent bénéficier d'une indexation de leurs salaires sur l'inflation, de nombreux minima dans certaines branches sont inférieurs au salaire minimum en France. Ce qui signifie qu'une partie de la population active en France a vu son revenu réel, c'est-à-dire en tenant de compte de l'inflation, dégringolé depuis le début de l'année.