Christian est comptable. Inscrit à Pôle emploi depuis maintenant près de 18 mois, il ne cesse de répondre à des offres, à solliciter son réseau. À 57 ans, il ne décroche que très rarement des entretiens.
« Personne ne le dit vertement, mais je sais très bien que mon âge est le principal frein à mon embauche. C'est la grande hypocrisie. Employeurs comme chasseurs de tête laissent entendre que je coûte cher et que je suis peu malléable. »
Lui, veut surtout mettre en avant son expertise, son autonomie, sa capacité à dénouer des situations managériales délicates...
Autant dire que les annonces du Premier ministre, ce 27 septembre, laissent Christian de marbre :
« Les formations, j'en ai fait une sur les outils digitaux par exemple, avec l'Apec (l'Association pour l'emploi des cadres). C'est toujours bien d'améliorer ses compétences, mais ça ne va pas changer grand-chose, je reste un senior... formé ou pas ! »
Dégradation de la situation des quinquagénaires
Les chiffres ont tendance à lui donner raison. Le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi et sans activité a, certes, baissé de 51.000 en août dernier, selon la dernière publication de la Dares de ce 27 septembre, et de près de 320.000 sur quatre mois, mais, par rapport à l'avant-crise sanitaire, la situation des quinquagénaires s'est dégradée.
Les seniors sont les premières victimes du chômage de longue et même de très longue durée, puisque les 55 ans ou plus restent en moyenne inscrits plus de deux ans à Pôle emploi, soit plus de fois plus que l'ensemble des chômeurs.
La plupart des PSE ciblent souvent les plus âgés
Preuve en est, dans les entreprises - les grands groupes notamment-, la plupart des plans dits "de sauvegarde de l'emploi", inscrivent souvent en tête de liste des candidats au départ, les employés les plus âgés: Orange, Airbus, Michelin, SNCF, etc... tous jouent sur les mesures de préretraite pour alléger leur masse salariale. Le sujet est d'autant plus complexe que patronat et syndicats reconnaissent que, lors de la négociation de ces plans, l'inclinaison à faire partir les plus âgés fait l'objet d'un certain consensus. Elle est socialement plus acceptable que pour les plus jeunes.
Sans compter que, quand ils ne sont pas poussés vers le chômage, en France, les salariés du privé prennent en moyenne leur retraite à 62,8 ans (en 2020), bien plus tôt qu'en Allemagne (63,8) ou bien encore en Suède (65,9 ans).
Enfin, quand elles les gardent dans les effectifs, les entreprises ont du mal à faire des propositions de carrière aux plus de 55 ans. Plus un salarié avance dans sa carrière, moins il se forme.
Un phénomène qui serait "culturel", fondé sur des stéréotypes
Une grande partie du phénomène serait culturel. C'est la conclusion d'une mission d'information relative à l'emploi des seniors, présidée par Valérie Six (UDI et Indépendants) et co-rapportée par Didier Martin (LREM) et Stéphane Viry (LR), qui, mercredi 15 septembre, a présenté ses préconisations :
« Il est urgent de changer les représentations et les stéréotypes associés aux travailleurs expérimentés », écrit la mission.
Parmi les 34 solutions avancées, trois axes :
- « maintenir des salariés expérimentés dans l'emploi »,
- « renforcer le retour à l'emploi » et
- « améliorer le passage de la vie professionnelle à la retraite ».
Personne ne pourra critiquer la volonté du gouvernement de mieux accompagner les seniors dans leurs carrières professionnelles. Avant lui, François Hollande et Nicolas Sarkozy avaient fait la même chose.
Sans grand résultat, puisque, pour le maintien en emploi des 55 ans et plus, la France fait partie des pires élèves de l'OCDE : avec un taux d'emploi des 60-64 ans d'environ 33% - même s'il s'est amélioré ces dernières années pour la tranche d'âge juste en dessous, celle des 55-60 ans.
Mais, alors que la nécessité d'une réforme des retraites allongeant la durée au travail va faire débat dans cette campagne présidentielle, la question de notre capacité à maintenir les seniors dans la vie va être cruciale. S'ils doivent travailler plus, ce n'est pas n'avoir pour seul horizon que le chômage !