Cinq grandes villes attaquent l'Etat pour qu'il réforme l'hébergement d'urgence

Les maires de Strasbourg, Rennes, Lyon, Bordeaux et Grenoble, cinq villes dirigées par les écologistes et la gauche, ont déposé des recours contentieux auprès de leurs tribunaux administratifs respectifs. Ils demandent la prise en charge par l'Etat des coûts d'hébergement d'urgence en forte augmentation. Mais leur démarche vise d'abord à obtenir une refonte des règles, jugées indignes, qui régissent la mise à l'abri des familles sans domicile fixe.
A Strasbourg, l'association L'Etage gère un dispositif d'hébergement d'urgence en caravane pour des jeunes sans domicile fixe.
A Strasbourg, l'association L'Etage gère un dispositif d'hébergement d'urgence en caravane pour des jeunes sans domicile fixe. (Crédits : Olivier Mirguet)

Leurs couleurs politiques ne laissent planer aucun doute quant à leur positionnement dans l'opposition. Mais c'est un cri du cœur contre une forme extrême de la précarité qu'ont lancé Jeanne Barseghian, maire (EELV) de Strasbourg, Nathalie Appéré, maire (PS) de Rennes, Grégory Doucet, maire (EELV) de Lyon, Pierre Hurmic, maire (EELV) de Bordeaux, et Eric Piolle, maire (EELV) de Grenoble. Ce 15 février, ils ont décidé d'attaquer l'Etat en justice pour son manquement à l'obligation de mise à l'abri des personnes contraintes de dormir à la rue.

« L'hébergement d'urgence repose sur un système inadapté, insuffisant, inefficace et surtout absolument indigne », a déclaré Jeanne Barseghian. « Notre pays compte 330.000 personnes sans abri et 3.000 enfants dorment à la rue », a rappelé la maire de Strasbourg, reprenant les chiffres de la Fondation Abbé Pierre.

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Des factures élevées, mais symboliques

Après les recours gracieux déposés en octobre 2023 auprès de leurs préfectures respectives, « auxquels l'Etat n'a fourni aucune réponse » selon Jeanne Barseghian, les cinq mairies attaquent cette fois en contentieux au tribunal administratif. « Nos recours traduisent les dépenses mises en œuvre pour faire face aux besoins, qui explosent. A Strasbourg, au-delà des 600 places d'hébergement pérennes gérées par la mairie, nous avons ouvert un gymnase pour accueillir 335 personnes dont la moitié d'enfants. La dépense pour la ville et le centre communal d'action sociale s'élève à 917.807 euros », a détaillé Jeanne Barseghian. A Rennes, la maire Nathalie Appéré a évalué la facture à 3,07 millions d'euros. « Nous n'y arrivons plus aujourd'hui. 28 enfants dorment encore dans la rue à Rennes, et 20 autres dans les écoles, dans des conditions non acceptables. La crise est systémique et structurelle », a fustigé l'élue bretonne.

A Grenoble, Eric Piolle n'a pas voulu calculer en détail la charge de l'hébergement d'urgence sur les finances publiques. « On dépense plus de deux millions d'euros mais ce qu'on demande, pour l'exemple, c'est le remboursement pour une famille », a indiqué l'élu. Soit 50.940 euros pour les frais hôteliers et de structure. « Nous voyons poindre une hiérarchisation des demandes d'hébergement d'urgence, ce qui est insupportable. Si vous êtes un homme seul, vous n'avez aucune chance au 115 », a observé Eric Piolle. « Ce que nous défendons, c'est l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence, la dignité et la justice sociale », a résumé Pierre Hurmic.

Les maires face à l'incompréhension des habitants

Pour étayer leur action en justice, les élus citent le code de l'action sociale et des familles. « L'hébergement d'urgence est une responsabilité de l'Etat. C'est une obligation de résultat qui est inscrite dans la loi », insiste Grégory Doucet. L'élu lyonnais reconnaît qu'il doit régulièrement faire face à l'incompréhension des habitants. « Régulièrement, on nous demande d'agir, en tant que maire », rapporte Grégory Doucet, qui jure que cette action concertée en justice par cinq maires écologistes et de gauche « ne constitue pas une démarche partisane » contre le gouvernement.

La démarche vise aussi, selon Jeanne Barseghian, à définir un autre mode d'entente avec l'Etat, dans une « gouvernance collégiale de hébergement d'urgence » qui associerait d'une autre manière les collectivités territoriales. Anne Hidalgo, maire (PS) de Paris, s'était jointe en octobre 2023 à ce même groupe d'élus en co-signant une tribune, publiée par le quotidien Libération. Elle fustigeait le sous-dimensionnement de l'action de l'Etat en faveur des personnes qui dorment dans la rue. L'élue parisienne est restée, cette fois, à l'écart.

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Commentaires 5
à écrit le 16/02/2024 à 11:15
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On ne voit pas très bien sur quel fondement les instances administratives pourraient dicter à l'Etat ce que celui ci DOIT faire. S'appuyer sur le buzz des réseaux (a-) sociaux ??? "Le monde a bien changé, M'ame Michu..."

à écrit le 16/02/2024 à 9:32
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Pays qui dépense le plus d'argent en protection sociale au monde et qui continu a s'endetter avec 3000 milliards de dettes, et on demande encore de dépenser de l'argent sans se poser la question de la viabilité de notre modèle qui ne fait que fabriqu...

le 16/02/2024 à 9:46
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Des centaines de milliards déversés à l'économie privée chaque année, ta sémantique est obsolète en néolibéralisme, on est sur un site économique là et pas sur un site officiel de la Russie.

à écrit le 16/02/2024 à 8:36
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Pourquoi ? Notre système se repose sur une pseudo sécurité dont il génère lui-même l'insécurité, pourquoi changer ce modèle qui fonctionne si bien ? Ils ont besoin de la misère, ils ont besoin de pousser les gens, à bout ce qui est de plus en plus fa...

à écrit le 16/02/2024 à 6:30
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Et bien bravo et merci aux maires de ces villes.chez moi on met des fleurs mais on laisse ces pauvres gens à la rue. Pas assez de places et des bátiments vides.

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