Crise du logement en France : le constat alarmant de la Fondation Abbé Pierre

Augmentation du nombre de sans-abris, chute du logement social, hausse de l'habitat indigne... Dans un rapport publié mercredi, la Fondation Abbé Pierre dresse un bilan inquiétant de la situation du logement en France, touchée de plein fouet par la crise de l'immobilier.
Au total, 330.000 personnes sont sans domicile en France.
Au total, 330.000 personnes sont sans domicile en France. (Crédits : Philippe Wojazer)

70 ans après l'appel de son fondateur à la solidarité envers les sans-abris, la Fondation Abbé Pierre dénonce une situation préoccupante face à la crise du logement en France. Saturation de l'hébergement d'urgence, difficultés d'accès au logement social et privé : la crise s'aggrave en France et touche désormais de nouveaux publics, alerte ce mercredi la Fondation, qui dénonce l'absence de réponse du gouvernement.

« La crise du logement s'accélère à un rythme extrêmement inquiétant, face à cela, le gouvernement continue une politique d'austérité, ce qui est pour nous une erreur fondamentale », a commenté lors d'une conférence de presse, Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Augmentation dramatique des mal logés

La crise touche d'une part les populations les plus fragiles à savoir les sans-abris. Au total, 330.000 personnes sont sans domicile. Un chiffre qui a plus que doublé en dix ans. De même, le nombre d'enfants à la rue augmente. Plus de 8.300 personnes, dont 2.800 mineurs ont été refusés chaque soir par le 115 à l'automne dernier, contre 6.300 un an plus tôt.

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La saturation de l'hébergement d'urgence n'est plus un problème hivernal mais persiste désormais toute l'année, déplore la fondation, malgré l'augmentation du nombre de places. La Fondation Abbé Pierre s'inquiète ainsi d'une hausse des expulsions locatives, qui ont atteint un niveau record en 2022 (17.500), selon son rapport annuel sur le mal-logement publié mercredi.

Outre l'hébergement d'urgence, l'hébergement social a également de son côté « connu une chute brutale », relève le rapport. En effet, les demandes de logement social sont au plus haut : 2,6 millions de ménages figurent sur liste d'attente aujourd'hui, alors qu'elles étaient 2 millions en 2017.

Habitat indigne

En parallèle, l'habitat « indigne », dont les logements portent atteinte à la santé, la sécurité ou à la dignité humaine, pèse plus que jamais sur le quotidien des ménages les plus modestes. Au total, près de 600.000 logements seraient concernés (dont 150.000 en Outre-mer), souligne le rapport. Un million de personnes vivrait alors dans un habitat que l'on considère « indigne ».

« L'habitat indigne n'est pas simplement une vétusté, une ancienneté, des problèmes techniques dans le logement », mais « c'est la rencontre entre la dégradation dans le bâti et le parcours de ménages en difficulté », analyse Manuel Domergue, directeur des études de la FAP, rappelant que les mal-logés sont prêts à « tout accepter plutôt que la rue ».

Une crise « inédite »

Pour la Fondation Abbé Pierre, cette crise est « inédite » car « elle grippe toutes les sphères du logement en même temps, avec une force et une rapidité inouïes ». En outre, les problématiques liées au logement touchent désormais « bien d'autres publics », s'inquiète la Fondation.

Les étudiants et les ménages sont confrontés au « rétrécissement de l'offre locative » et à une hausse des loyers. En effet, l'offre locative a baissé de 36% en deux, et de 50% à Paris en un an, a indiqué mardi le site SeLoger, spécialisé dans les transactions immobilières. Plusieurs raisons viennent expliquer ce phénomène.

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La baisse de l'offre locative découle du développement des locations touristiques de courte durée via des plateformes comme Airbnb. Les députés ont alors adopté ce lundi à l'Assemblée nationale, en première lecture, un texte s'attaquant à la niche fiscale des meublés touristiques comme Airbnb. Une adoption qualifiée de « première victoire », par Guillaume Martinaud, président du réseau d'agences Orpi.

Autre cause : la hausse des taux d'intérêts qui fait qu'un certain nombre de ménages ne parviennent plus à emprunter pour accéder à la propriété. Le nombre de permis de construire a alors chuté de 23,7% en 2023 par rapport à l'année précédente, selon des données de mardi du ministère de la Transition écologique. Et la construction de nouveaux logements, notamment de logements sociaux, chute.

Réponse poussive du gouvernement

De son côté, Gabriel Attal a annoncé mardi « un choc d'offre » pour « déverrouiller » le secteur du logement en crise, en simplifiant l'accès à MaPrimeRénov' et en revoyant le calcul du quota de logements sociaux imposé par la loi SRU dans les communes en zone urbaine pour favoriser la mixité sociale.

« Nous allons simplifier massivement les normes: revoir les DPE (diagnostics de performance énergétique), simplifier l'accès à MaPrimeRénov', faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage, accélérer les procédures », a déclaré le Premier ministre lors de son discours de politique générale devant les députés.

Pour inciter les maires à développer du logement social, « nous allons [leur] donner la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune », a-t-il poursuivi. Actuellement, ces attributions sont décidées par des commissions regroupant des représentants du bailleur, du maire, de l'Etat et de l'intercommunalité.

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Gabriel Attal a dit aussi vouloir soutenir le secteur du logement social via un prêt de « très long terme de 2 milliards d'euros ». Mais le Premier ministre entend également « faire évoluer » ce secteur pour « soutenir les classes moyennes ». Il souhaite revoir le décompte des logements sociaux au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). Pour rappel, adoptée en 2000, cette loi emblématique de la politique de la ville oblige les communes en zone urbaine à avoir un taux minimal de logements sociaux.

Le gouvernement continue de traiter la question de l'habitat « à travers le prisme budgétaire », dénonce, quant à elle, la Fondation Abbé Pierre. Eriger en priorité nationale la lutte contre le sans-abrisme, généraliser l'encadrement des loyers, revaloriser les aides personnalisées au logement (APL), relancer le financement du logement social... La Fondation émet une série de propositions pour faire reculer le mal-logement dans le pays.

Mise en place d'une deuxième chance pour les crédits immobiliers

Fortement encouragées par la Banque de France et Bercy, les banques françaises vont mettre en place un dispositif de « revue » des demandes de crédits immobiliers refusées, a annoncé mercredi leur fédération professionnelle, dans un contexte de crise de l'immobilier.

« Nous mettons en place un nouveau dispositif temporaire d'accompagnement destiné aux clients ayant éprouvé des difficultés à concrétiser leurs projets immobiliers », a commenté dans un communiqué Nicolas Namias, président de la Fédération bancaire française (FBF), aussi président du directoire de BPCE. « L'objectif est qu'ils comprennent les raisons de la décision de leur banque et, si les conditions sont remplies, bénéficient d'un réexamen de leur dossier de crédit », a-t-il continué.

Ce second examen des crédits immobiliers non accordés sera réalisé à la demande des clients. Il concernera à la fois les dossiers de financement de résidence principale, secondaire ou d'investissement locatif. Le dispositif sera mis en place par les banques progressivement courant février 2024, et s'appliquera jusqu'à fin décembre 2024, précise la FBF. Les candidats à l'emprunt inscrits sur les fichiers d'incidents de paiements gérés par la Banque de France (FICP, FCC) en seront exclus.

(Avec AFP)

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Commentaires 7
à écrit le 01/02/2024 à 16:09
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Il faudrait peut-être penser à motiver les investisseurs potentiels en sécurisant leur investissement... perso, dans la situation actuelle, dès que je peux, je revend ce que je loue dès que possible : j'y ai laissé trop de plumes !!! Quand un locatai...

à écrit le 01/02/2024 à 16:09
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Il faudrait peut-être penser à motiver les investisseurs potentiels en sécurisant leur investissement... perso, dans la situation actuelle, dès que je peux, je revend ce que je loue dès que possible : j'y ai laissé trop de plumes !!! Quand un locatai...

à écrit le 01/02/2024 à 12:47
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La France est un pays attractif, donc de nombreuses personnes viennent s'y installer. Toutes ces personnes, il faut bien les loger, donc pas étonnant que les soucis de logement augmentent en France. Il faut savoir ce qu'on veut

à écrit le 01/02/2024 à 11:28
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Entre une finance internationale liée à l'activité criminelle et des petits propriétaires qui ne osnt pas capables de prendre la responsabilité de loger les français ça ne peut définitivement pas fonctionner. Ces acteurs ont le pouvoir de conserver l...

le 01/02/2024 à 15:16
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Vive le collectivisme qui a fait ses preuves partout dans le monde : Union soviétique et tous les états satellites, Corée du Nord, Vénézuela, Cuba... Chine sous Mao, de merveilleux exemples qu'on a hâte de vivre, On a une pensée émue pour ceux regret...

le 01/02/2024 à 17:36
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"affreux régime libéral capitaliste" LOL ! Donne moi déjà un seul pays libéral stp. :-)

à écrit le 01/02/2024 à 11:23
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Que dire ? Une accumulation de mauvaises décisions depuis plus de 40 ans. Trop de normes, trop d'obligations, trop de taxes, un manque d'anticipation, un marché à plusieurs vitesses, des interdictions de construire alors que dans le même temps il y a...

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