Le Premier ministre n'en démord pas. Quinze jours après son discours de politique générale au cours duquel il a annoncé un « choc d'offres » pour résoudre la crise immobilière, Gabriel Attal a annoncé, ce 14 février, vouloir aller « chercher tous les logements possibles avec les dents ».
Il ne croit pas si bien dire. Selon les dernières données du ministère de la Transition écologique publiées le 30 janvier, seuls 287.100 habitats collectifs et individuels ont été mis en chantier l'an dernier. Demain, le bilan annuel et les chiffres du quatrième trimestre 2023 de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) seront regardés avec attention.
22 « Territoires engagés pour le logement »
Dans l'intervalle, le chef du gouvernement tient sa promesse de « faciliter la densification ». En déplacement ce matin à Villejuif (Val-de-Marne), Gabriel Attal a dévoilé la liste des vingt-deux « Territoires engagés pour le logement ». Moyennant plusieurs dizaines de millions d'euros, l'Etat espère la sortie de 30.000 nouveaux logements d'ici à 2027. Soit environ 1.500 habitats pour chacun des vingt-deux territoires.
De Ferney-Voltaire en Auvergne-Rhône-Alpes à Dembeni à Mayotte en passant par Nantes, les préfets devront s'inspirer de la méthode des Jeux olympiques, c'est-à-dire celle qui a permis de faire sortir le Village des athlètes en un temps record, en négociant avec les heureux élus des obligations de résultats et des financements dédiés.
À Bordeaux, par exemple, ce sera La Jallère, au nord de la ville près du Stade Matmut Atlantique. Érigé en « projet urbain phare de la mandature » par le maire (EELV) Pierre Hurmic, le quartier se déploiera sur 35 hectares déjà artificialisés pour 50.000 mètres carrés à réhabiliter et 100.000 m² de surfaces à construire dont 1.500 logements. La concertation est en cours et la première tranche de travaux pourrait démarrer en 2025.
En région Sud, un sujet majeur pour Marseille...
En région Sud, Marseille et Nice s'affirment comme les deux grandes villes lauréates. Dans la cité phocéenne, la production de logements, dont de logements sociaux, prend tout son sens alors que le projet d'aménagement Euroméditerranée entame sa phase II, phase que la crise sanitaire avait freinée.
Une phase par ailleurs majeure puisqu'elle va relier une partie du cœur vivant de la Cité phocéenne avec les quartiers nord. À l'automne, chargée par le président de la République de prendre en main le pilotage du Plan Marseille en Grand, Sabrina Agresti-Roubache, ministre de la Ville, avait annoncé l'extension du périmètre d'Euroméditerranée avec un objectif, celui précisément de renforcer la production de logements sociaux.
Reste désormais à définir concrètement comment cette extension va s'articuler. Et le sujet logement - outre le fait qu'il est particulièrement sensible à Marseille - est conforté par la multitude de projets structurants annoncés et la création d'emplois qui va avec. De Carbon, la gigafactory solaire (3.000 emplois directs annoncés) à DEOS, le projet de soutien au développement de l'éolien flottant (1.700 emplois), sans omettre l'arrivée de la Cité judiciaire et de la Cité du cinéma, c'est un appel d'air conséquent qui va conduire les besoins vers cette partie de la ville.
...Et Nice
La tension sur le logement que connaît Nice est un sujet récurrent qui peut rapidement plomber l'attractivité du territoire et l'activité économique des entreprises, bien au-delà d'ailleurs du seul périmètre de la cinquième ville de France. La création, à l'entrée ouest de la ville, de Nice Eco-Vallée, voulu comme vrai quartier à part entière, avec des programmes mixtes pour répondre aux nouvelles attentes des citoyens, apporte un oxygène très attendu et donc nécessaire.
À Nice d'ailleurs - où le potentiel est de 7.550 logements soit 4 à 6 ans de production neuve - comme dans le reste de la France, Gabriel Attal s'est fait également l'avocat de la surélévation. « Je souhaite que dès 2025 on construise à la verticale dans toutes les grandes villes de France », a-t-il martelé. L'Etat vient donc de lancer une étude structurelle avec la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) en Île-de-France.
« L'idée consiste à identifier le foncier aérien afin de construire un voire deux étages en bois sur des immeubles existants », confirme à La Tribune le directeur régional de la Banque des territoires, Richard Curnier, qui y travaille en partenariat avec l'association des bailleurs sociaux franciliens (AORIF).
Densification autour des maisons individuelles
Le Premier ministre ne s'est pas arrêté là et a défendu la densification douce, maîtrisée et acceptable autour des maisons individuelles, et notamment en Île-de-France, là même où le tissu pavillonnaire représente 30 à 40% du parc de logements.
« Sans changer la typologie urbaine, il peut être densifiable de 30 à 40%, en travaillant sur un vide entre deux habitats, un fond de jardin, un rehaussement de garage ou un agrandissement à un étage... Cela se fait déjà, mais de manière anarchique, sans cohérence architecturale et sans amener les financements pour payer les équipements publics », explique à La Tribune Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président (UDI) du conseil régional et président de Grand Paris Aménagement.
Cet opérateur commun à l'Etat et au conseil régional vient donc de proposer à deux communes-test une étude de faisabilité. Une fois les résultats connus, soit les maires n'iront pas plus loin, soit ils pourront créer une zone d'aménagement concerté (ZAC) avec tous les avantages que cela comporte : création d'un règlement, contrôle de l'intégralité de l'urbanisme, avancée de trésorerie...
Doublement des logements locatifs intermédiaires
Autre engagement du locataire de Matignon : la réquisition et la transformation de bâtiments vides. L'exécutif actuel soutiendra ainsi la proposition de loi du député Romain Daubié qui sera examinée le 6 mars à l'Assemblée nationale. Rien qu'en Île-de-France, il existe en effet près de 4,4 millions de mètres carrés de bureaux vacants...
Gabriel Attal a, enfin, confirmé le doublement de la production de logements locatifs intermédiaires (LLI), ces habitats pour les classes moyennes, trop riches pour le parc social et trop pauvres pour le parc privé. Dans la foulée, Matignon a fait savoir à la presse que le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, recevrait « très prochainement » les investisseurs institutionnels... sans préciser ni la date du rendez-vous, ni les invités.
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