Cliniques : "Le secteur va continuer à animer le marché des fusions et acquisitions"

Si la phase de concentration des cliniques continue en France, les fonds d'investissements s'appuient sur le développement de leur portefeuille dans l'Hexagone pour potentiellement se développer dans le reste de l'Europe, selon Laurent Schoenstein, spécialiste fusions-acquisitions associé chez Clifford Chance, un cabinet d'avocats.
Jean-Yves Paillé
"Le seul fait que nombre d'actifs soient encore détenus par des fonds est signe que le secteur va continuer à animer le marché des fusions et acquisition et offrir des opportunités de concentrationé, estime Laurent Schoenstein.

LA TRIBUNE - Malgré les difficultés des cliniques (plus d'un tiers des établissements subissent des pertes), les fonds d'investissements s'y intéresseraient toujours autant...

LAURENT SCHOENSTEIN - Oui, car le secteur des cliniques est dans une certaine mesure résilient et, bien que tributaire des politiques de santé publique, continue de présenter une résistance certaine aux risques.

Ces établissements bénéficient (mais sont aussi dépendants) des tarifs de remboursements mis en place par la sécurité sociale, ce qui représente à la fois une exposition aux changements, particulièrement compte tenu du déficit de la branche maladie, et une protection.

La réduction des tarifs de remboursement a eu un impact certain en terme d'érosion des marges. Mais des possibilités d'économies d'échelles, à l'occasion d'opérations de consolidation notamment, et des perspectives de croissance au-delà des seules frontières hexagonales restent pour pouvoir animer un secteur où les fonds d'investissement ont investi de longue date. Ces derniers sont encore des acteurs majeurs cependant  très attentifs aux changements réglementaires et à l'orientation des politiques publiques.

L'investissement d'un fonds dans un groupe de cliniques s'accompagne souvent d'une ambition de croissance par acquisition d'établissements supplémentaires et ce afin de valoriser et développer le périmètre initialement acquis, avec pour perspective de céder l'ensemble à un niveau de valorisation permettant un retour sur investissement attractif.

Un fonds d'investissement reste en moyenne actionnaire quatre à cinq ans dans le secteur des cliniques, parfois même beaucoup plus longtemps. Le turnover est plutôt de deux-trois ans en moyenne dans les autres secteurs.

Se dirige-t-on vers un changement de stratégie des fonds ?

Jusque-là, les fonds d'investissement investissaient dans des cliniques puis revendaient leurs actifs à d'autres fonds (LBO secondaires, LBO tertiaires). Mais le secteur s'oriente peut-être vers d'autres tendances.

Ces fonds commencent à revendre leurs actifs à des "acteurs industriels", ce qu'a pu illustrer il y a quelques années la cession de groupe Proclif au groupe Ramsay. En s'alliant avec Predica en 2014, ce groupe australien gestionnaire de cliniques a racheté des établissements de santé gérés par Duke Street, un fonds d'investissement. C'est ainsi que le groupe de cliniques Groupe Proclif est passé d'un actionnariat "fonds" à un actionnariat "industriel". Et ce groupe, devenu par la suite Ramsay Santé, s'est porté quelques années plus tard acquéreur du groupe Générale de Santé, constituant ainsi que plus grand groupe d'établissements de santé privés en France, toujours détenu par Predica et Ramsay Healthcare.

Les fonds d'investissement qui injectent de l'argent dans des groupes de cliniques, influencent-ils directement la gestion de celles-ci ?

Pas directement. Le management des cliniques reste un management de médecins qui souvent ont créé ces établissements, les ont développés, en assurent la gestion, mais restent des médecins avant tout. Ils doivent néanmoins concilier ces positions avec les exigences de performances et de reporting attendues par les fonds d'investissement qui sont dans un dialogue permanent avec ces équipes managériales .

Ces équipes dirigeantes sont d'ailleurs impliquées fortement en amont au moment du lancement d'un processus de cession portant sur leurs cliniques, notamment pour étayer et valider avec leur direction financière les hypothèses de business plan qui sont présentées aux acquéreurs potentiels et qui constitueront le socle des perspectives de valorisation. Ces business plan peuvent prendre des hypothèses de croissance par acquisitions, ou encore des hypothèses en terme de réalisation d'économies d'échelle. Parfois même des cibles éventuelles (des établissements isolés par exemple) permettant de satisfaire les ambitions de croissance externes sont identifiées avant même que le groupe qui sera utilisé pour les racheter ne change de contrôle.

Peut-on voir aujourd'hui une phase de concentration des cliniques ?

Oui, et cela est logique. Il y a une érosion des marges des établissements de santé. Ils cherchent à réaliser des économies d'échelle, trouver des synergies pour conserver ces marges dans la mesure du possible. Il faut également pour les groupes les plus importants pouvoir rester compétitifs par rapport à leurs concurrents, ce qui suppose une taille critique.

Ces trois dernières années, le secteur a ainsi fait l'objet de consolidations majeures. L'acquisition par Ramsay Santé (Predica et Ramsay Healthcare) du groupe Générale de Santé, la cession de Medi partenaire (pour partie par le fonds LBO France) à Medipole Sud Santé (dont le fonds Bridgepoint est actionnaire) ou encore la cession par les fonds Blackstone du groupe Vitalia à Vedici, accompagné par le fonds CVC Capital Partners (CVC avait acheté Vedici en 2014, NDLR).

Le seul fait que nombre d'actifs soient encore détenus par des fonds est signe que le secteur va continuer à animer le marché des fusions et acquisitions et offrir des opportunités de concentration.

Le secteur pourra encore se concentrer avec l'agrégation de petites cliniques aux grands groupes constitués ces dernières années. Et, pourquoi pas, ces consolidations françaises pourraient servir des stratégies d'expansion dans le secteur en Europe, au-delà du seul hexagonal (par exemple, CVC fait partie des fond d'investissement intéressé par les cliniques allemandes Schön, rapportait Reuters le 8 juin, NDLR)

Jean-Yves Paillé
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