![Le député (Renaissance) de l'Oise Eric Woerth vient de remettre son rapport sur la décentralisation au président de la République Emmanuel Macron.](https://static.latribune.fr/full_width/833022/les-deputes-lr-voteront-contre-le-budget-dit-woerth.jpg)
C'est l'aboutissement d'une mission de six mois. L'ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, vient de remettre son rapport sur la décentralisation au président de la République Emmanuel Macron. Le député Renaissance de l'Oise devait notamment plancher sur la consolidation des moyens à disposition des collectivités territoriales. En d'autres termes, définir les termes de l'autonomie financière et proposer des voies pour assurer aux édiles une forme de prévisibilité concernant les moyens qui leur sont dévolus. Force est de constater que la promesse est tenue.
En rupture complète avec les déclarations passées du chef de l'Etat qui avait fermé la porte à l'autonomie fiscale et financière, la qualifiant de « fétichisme français », Eric Woerth propose aujourd'hui un schéma financier fondé sur le partage de la fiscalité nationale à coût constant et d'attribuer à chaque collectivité territoriale un pouvoir de taux effectif. Une piste que l'ex-maire de Chantilly avait déjà dessinée, le 27 mars, devant la délégation à la décentralisation de l'Assemblée nationale.
Plutôt que de proposer de créer un nouvel impôt local qui ferait suite à la suppression de la taxe d'habitation - même si des maires défendent la création d'une contribution résidentielle -, Eric Woerth recommande de mettre en cohérence la nature des recettes avec les politiques publiques portées par chaque échelon. Cette « gouvernance rénovée » devrait renouer le lien entre le citoyen et la collectivité, et entre la collectivité et l'Etat en vue du redressement des finances publiques locales et nationales.
Qui récupérerait quoi ?
Les communes et intercommunalités percevraient ainsi la taxe foncière et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO, frais de notaire) et les départements une dotation de solidarité pour leurs dépenses sociales et une fraction territorialisée de CSG pour leurs dépenses sociales. De même que ces derniers pourraient par exemple avoir un pouvoir de taux sur la taxe Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) que reçoivent actuellement les intercommunalités. Les régions, elles, se verraient affectée une fraction localisée d'impôt sur les sociétés ainsi que la moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE).
« Le président est intéressé par ce schéma. Les collectivités ne découvriraient pas comment elles seraient traitées à la veille des projets de loi de finances. L'Etat ne peut plus, lui, continuer à donner de la TVA, dont il perçoit moins de 50% des recettes », assure Eric Woerth.
Le parlementaire isarien s'est également emparé de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la principale dotation de l'Etat aux collectivités territoriales. Et pour cause: alors que le gouvernement avait chargé, lors du dernier congrès des maires, le Comité des finances locales (CFL) de refondre cette dotation, le CFL a suspendu ses travaux le 23 avril.
Quelle réforme de la dotation globale de fonctionnement ?
En cause: l'exécutif a demandé au CFL d'inscrire ses travaux « dans le cadre de la trajectoire des dépenses de l'État telle que prévue par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 ». Autrement dit dans la continuité de la coupe de 10 milliards d'euros, dont une entaille dans le « Fonds vert », annoncée par Bruno Le Maire en février.
« Comment peut-on imaginer une réforme de la DGF dans le contexte actuel de rationnement drastique des moyens dédiés aux collectivités ? C'est inacceptable » s'est exclamé, le mois dernier, le président du Comité des Finances locales, André Laignel, premier vice-président délégué (PS) de l'association des maires de France.
La dotation globale de fonctionnement est « mal construite », répond Eric Woerth, rappelant qu'elle compte « 34 ingrédients ». Aussi l'ancien élu local défend une dotation unique d'investissement de l'Etat qui fusionnerait les aides existantes et une partie des fonds des agences nationales et ministérielles pour assurer un service minimal fondé sur la richesse des collectivités territoriales.
Quelles économies à la clé ?
A la main du préfet de département, cela permettrait, avance-t-il, de faciliter le montage des projets locaux. Toute demande de financement et d'ingénierie serait alors déposée sur une plateforme départementale hébergée par la préfecture avec un formulaire unique et une temporalité raccourcie.
« Fusionnons les dotations mais sous réserve d'une politique contractuelle. Avec les régions, nous arrivons à faire des politiques contractuelles et pluriannuelles. Pourquoi n'y arriverait-on pas avec l'Etat ? », réagit, pour La Tribune, Sébastien Martin, président (ex-LR) des Intercommunalités de France.
Dans le même temps, Eric Woerth ne dit aucun mot sur les possibilités d'économies alors que le maire (LR) de Charleville-Mézières (Ardennes) et inspecteur général des Finances deux jours par semaine, Boris Ravignon, vient de remettre au gouvernement un rapport sur le coût du millefeuille administrativo-politique local.
« Je n'ai pas voulu engager un débat sur la base du financier. Nous n'avons pas voulu refaire les contrats de Cahors [qui encadraient les hausses de dépenses de fonctionnement à 3%] unanimement rejetés et morts du Covid » rétorque Eric Woerth à La Tribune.
Quelle simplification ?
Mieux, le chiraco-sarkozyste-macroniste préconise une loi de simplification et d'orientation des finances locales dans le sillage d'une loi de programmation des finances publiques afin de donner une trajectoire aux recettes des collectivités territoriales. En parallèle, il plaide pour un encadrement « drastique » des appels à projet nationaux. Une suggestion qui va faire plaisir aux maires ruraux et de petites villes qui n'ont pas nécessairement les ressources humaines suffisantes pour y répondre.
La balle est désormais dans le camp du Premier ministre qui doit mener une concertation avec les associations d'élus. « Dans les prochaines semaines », souffle un proche de Gabriel Attal, puis « à un moment donné » avec les parlementaires. D'autant que le projet de loi de finances 2025 va être préparé cet été par Bercy, avant d'être présenté en Conseil des ministres en septembre...