C'est un événement que les élus locaux, édiles, adjoints ou simples conseillers municipaux, ne ratent pour rien au monde : le congrès des maires. Le 105ème du nom se tiendra du 21 au 23 novembre prochain à la porte de Versailles de Paris, et plus de 10.000 écharpes tricolores devraient « monter à la capitale ». Au lendemain des réponses gouvernementales post-émeutes, le thème choisi cette année par l'association des maires de France (AMF) est éloquent: « Communes de France attaquées, République menacée ».
Une Convention nationale de la démocratie locale... à huis clos
Une République française indivisible, laïque, démocratique et sociale, qui se retrouve dès ce 7 novembre à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris-Île-de-France, sous le terme de Convention nationale de la démocratie locale. La ministre des Collectivités territoriales Dominique Faure convie à huis clos 350 élus locaux pour réfléchir à l'amélioration des conditions d'exercice de leur mandat, afin de leur redonner de l'attractivité et freiner l'actuelle vague de démissions, a expliqué son cabinet dans un brief presse organisé le 5 novembre.
« La discussion est très ouverte. Il y a un souci de la part de la ministre d'essayer de trouver des solutions à toutes les difficultés que les élus peuvent rencontrer au quotidien, a poursuivi l'entourage de Dominique Faure.
En réalité, sans le dire clairement, la représentante du gouvernement Borne rejoue la Conférence nationale des territoires de 2017 - très vite boycottée par les maires, les départements et les régions -, risque d'entendre les mêmes conclusions qu'après le « Grand débat national » post-crise des « Gilets jaunes » et reprend à son compte la promesse du président Macron d'octobre 2022 de relancer le chantier de la « vraie décentralisation ».
La décentralisation, un mot magique que doit s'approprier Eric Woerth
Car derrière ce mot magique qu'affectionnent les édiles depuis plus de quarante ans, le chef de l'Etat entend « efficacité pour notre action publique, simplification des procédures, nouvelles pistes d'organisation territoriale ». C'est en tout cas la définition qu'il en donne lorsqu'il écrit, en août, aux forces politiques représentées au Parlement, avant de les réunir à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis.
Des « Rencontres de Saint-Denis » qui se reproduiront le 17 novembre. Dans un courrier adressé aux leaders des partis politiques envoyée le 3 et reçue le 5, Emmanuel Macron leur annonce ainsi qu'il a confié une mission relative à la décentralisation à Eric Woerth.
Objectif: « formuler des pistes de réformes qui pourraient répondre aux objectifs partagés ensemble (simplifier, clarifier, rendre plus efficace et restaurer la confiance de nos concitoyens) », précise le chef de l'Etat à l'attention de la majorité et des oppositions.
Au même moment, il a adressé une lettre audit Eric Woerth, maire de Chantilly pendant vingt-deux ans, ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, et surtout député de l'Oise rallié à Renaissance depuis les élections législatives de 2022.
Confusion, dilution et défiance
Dans cette missive que La Tribune a pu consulter, Emmanuel Macron affirme que « les Français ne s'y retrouvent plus et de cet enchevêtrement naît une forme de confusion et de dilution des responsabilités et, malheureusement, de défiance à l'égard de l'action publique et de ceux qui l'incarnent ».
Aussi le questeur de l'Assemblée nationale a-t-il six mois pour traiter de cinq gros enjeux, à commencer par la simplification de l'organisation territoriale afin de « réduire le nombre de strates décentralisées aujourd'hui trop nombreuses et de mieux les articuler entre elles ».
Il s'agit de trouver des solutions différenciées selon les territoires en permettant aux acteurs de trouver les voies de simplification les plus en phase avec la réalité locale. Sauf que lors de son premier mandat, le président de la République a fait adopter un projet de loi dit "3DS" déjà porteur de davantage de différenciation...
La littérature sénatoriale sur ces sujets ne manque pas...
Deuxième priorité pour Emmanuel Macron: la clarification des compétences. « Il vous appartiendra de déterminer quels sont les bons niveaux pour exercer chaque type de compétence nécessaires que ce soit entre catégories de collectivités, de l'Etat vers les collectivités ou des collectivités vers l'Etat », expose-t-il à l'adresse d'Eric Woerth.
Là encore, le chef de l'Etat pourrait se rappeler que lors de la dernière élection présidentielle, les maires (AMF), les présidents de départements (ADF) et de régions (ARF) ambitionnaient de présenter un bouquet commun de propositions aux candidats, avant d'y renoncer, faute de consensus entre eux...
Troisième sujet pour Emmanuel Macron: la simplification et l'adaptation des normes, à savoir déterminer quelles sont les possibilités pour permettre aux acteurs locaux, en lien avec les préfets, d'appliquer les normes nationales en tenant compte des réalités locales. Sur ce sujet, la littérature sénatoriale ne manque pas...
Macron en rupture complète avec lui-même sur l'autonomie financière
Avant-dernier point sur lequel l'exécutif est très attendu par les élus locaux: la consolidation des moyens à disposition des collectivités territoriales. Eric Woerth doit définir les termes de l'autonomie financière et proposer des voies pour assurer aux édiles une forme de prévisibilité concernant les moyens qui leur sont dévolus.
C'est une rupture complète avec ses déclarations de ces dernières années. En clôture du congrès des maires 2019, le locataire de l'Elysée avait par exemple fermé la porte à l'autonomie fiscale et financière, la qualifiant de « fétichisme français ». Même après la Covid-19, qui a révélé au grand public leur rôle en première ligne, Emmanuel Macron n'a jamais dévié de cette ligne.
Ultime injonction: la valorisation des fonctions électives locales. La ministre des Collectivités Dominique Faure et l'association des maires de France travaillent déjà ensemble sur l'aspect matériel des conditions d'exercice du mandat local, sachant que l'immense majorité des édiles sont bénévoles ou perçoivent de maigres indemnités.
Plus surprenant, le député de la majorité doit également plancher sur le plan statutaire et juridique des élus locaux. Dès 2019 pourtant, le gouvernement Philippe a adopté un projet de loi dit Engagement et proximité pour avancer en ce sens... C'est à croire qu'Emmanuel Macron a oublié son propre bilan.