
L'examen par les quelque 70 députés de la commission des Affaires sociales ce mercredi du texte qui vise à abroger la réforme des retraites porté par le groupe indépendant Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires), avant son arrivée le 8 juin dans l'hémicycle, promet son lot de polémiques.
D'un côté, les parlementaires de la majorité présidentielle qui vont tout faire pour que le texte ne puisse pas être présenté au vote. De l'autre, des oppositions qui dénoncent une obstruction. « Nous ferons bloc » pour contrer cette proposition de loi, a promis la cheffe de file des députés macronistes du groupe Renaissance, Aurore Bergé. Avec ses alliés Horizons et Modem, elle a qualifié « d'atteinte grave » aux institutions la décision du président de la Commission des Finances, Eric Coquerel (La France insoumise), de déclarer la proposition de loi de Liot « recevable ».
Une abrogation qui n'est pas financée
Selon l'exécutif, abroger la réforme des retraites coûterait plus de 15 milliards d'euros. Or, l'article 40 de la Constitution dispose qu'une proposition de loi ne doit pas créer de charge publique. Eric Coquerel a invoqué quant à lui « les droits des oppositions » et une « pratique communément admise » de ne pas faire barrage à ce titre à des textes parlementaires.
Si le camp présidentiel parvient à supprimer l'article d'abrogation des 64 ans, le groupe Liot se verrait contraint de réintroduire sa mesure par un amendement avant le 8 juin. Un scénario qui autoriserait la présidente de l'Assemblée à brandir elle-même le couperet de la recevabilité financière, et d'empêcher ainsi un vote dans l'hémicycle. « Je prendrai mes responsabilités », a dit mardi Yaël Braun-Pivet, membre de Renaissance, après avoir été critiquée dans son propre camp pour ne pas avoir fait barrage plus tôt. Mardi, la Première ministre Elisabeth Borne a, de son côté, une nouvelle fois attaqué les oppositions, les accusant de mentir aux Français « en portant, avec la plus grande démagogie, un texte dont chacun sait ici, pertinemment, qu'il serait censuré par le Conseil constitutionnel ».
Les Républicains courtisés par les deux camps
Pour que ce coup de billard à plusieurs bandes aboutisse, la majorité compte sur la promesse des dirigeants Les Républicains de lui prêter main forte. « Je pense que la majorité des députés LR n'ont pas envie de participer à cette facétie qu'est cette proposition de loi », a déclaré le chef de file du groupe de droite, Olivier Marleix, tandis que la gauche et Liot espèrent que certains LR leur prêteront main forte.
« Nous ne laisserons pas l'exécutif museler la représentation nationale », ont prévenu les quatre groupes de la coalition de gauche Nupes, promettant d'utiliser « tous les moyens possibles » pour riposter au camp présidentiel. Ils organisent un rassemblement près du Palais Bourbon à 13H00. Pour la cheffe de file des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, « les soutiens du gouvernement ont deux options : soit faire de l'obstruction soit perdre ». « Je leur dis « ayez le courage de perdre et d'affronter le vote de l'Assemblée nationale ».
Le groupe RN de Marine Le Pen a prévu pour sa part de soutenir le texte d'abrogation « face aux tentatives de sabordage de la macronie ». Bertrand Pancher, chef de file de Liot, en a appelé mardi à Emmanuel Macron, dans un courrier où il dénonce les « manœuvres » du camp présidentiel. « Nous vous demandons, en responsabilité, de laisser les députés voter et de respecter le fait démocratique », écrit-il au chef de l'Etat.
Les syndicats retrouvent la flamme
Malgré les faibles chances qu'a l'initiative du groupe Llot d'aboutir sur le plan législatif, elle maintient la flamme des opposants à la réforme, avant une nouvelle journée de mobilisation le 6 juin. Les syndicats ont invité mardi les salariés à y participer massivement, dénonçant une nouvelle fois la volonté de l'exécutif d'empêcher un vote sur le sujet au Parlement.
« Nous ne tournerons pas la page : ensemble, unis et déterminés pour gagner le retrait de la réforme et pour le progrès social, construisons partout les grèves et les manifestations le 6 juin », écrit l'intersyndicale regroupant huit syndicats et cinq organisations de jeunesse, dans un communiqué lu au cours d'une conférence de presse au siège de la CFDT à Paris. « Si encore une fois, le gouvernement s'obstinait à passer en force, en utilisant des artifices constitutionnels, la colère n'en serait que renforcée », mettent-ils en garde. « Une fois pour toutes, nous le redisons solennellement : comment pourrait-on empêcher la participation de la représentation nationale sur un sujet aussi important, qui vole deux années de vie ? », a déclaré à la presse Thomas Vacheron, secrétaire confédéral CGT. Également membre de la direction de la CGT, Sébastien Menesplier n'a pas exclu une 15e journée de mobilisation, si le vote sur la proposition de loi Liot était empêché le 8 juin.