Crise des "gilets jaunes", frein ou accélérateur pour les réformes ?

ANALYSE. Fortement contesté par les « gilets jaunes », très impopulaire, Emmanuel Macron a sorti son carnet de chèques pour tenter de stopper le mouvement et la violence qui l'accompagne. Les mesures annoncées lundi répondent en partie à ces objectifs, au prix d'un creusement du déficit public. Suffisant pour calmer la colère ? Et surtout, pour reprendre les réformes ?
Robert Jules
Le président français a pris enfin conscience de l'ampleur du malaise. Et les décisions annoncées lundi ont fourni des réponses aux attentes.
Le président français a pris enfin conscience de l'ampleur du malaise. Et les décisions annoncées lundi ont fourni des réponses aux attentes. (Crédits : Reuters)

Depuis quatre semaines, le mouvement des « gilets jaunes » impose un redoutable défi à Emmanuel Macron. Comment répondre à ces dizaines de milliers de Françaises et de Français qui se sont spontanément rassemblés à travers le pays pour rejeter la taxe carbone et exiger une amélioration du pouvoir d'achat et davantage de considération ? Le président français a pris enfin conscience de l'ampleur du malaise. Et les décisions annoncées lundi ont fourni des réponses aux attentes.

Car l'équation à résoudre relevait du casse-tête. Comment augmenter le pouvoir d'achat, en particulier pour les plus modestes, mettre un terme à la violence qui franchit chaque samedi un seuil inquiétant dans le pays, tout en ne se déjugeant pas sur les réformes initiées depuis dix-huit mois et celles à venir, en contenant le déficit public dans des proportions acceptables pour Bruxelles et en évitant que certains de ses ministres, en particulier le premier d'entre eux, Édouard Philippe, ne claquent la porte du gouvernement si le cap de la politique fixé en début de mandat était modifié ?

Un dispositif adopté par Nicolas Sarkozy

Pour cela, le président français a ciblé d'abord les différentes composantes du mouvement : employés payés au smic, travailleurs à temps partiel et retraités.

Car en matière de pouvoir d'achat, les efforts sont réels. Le chef de l'État a annoncé une accélération de la revalorisation de la prime d'activité et une baisse des cotisations pour les salariés au Smic (il s'élève à 1. 185 euros net aujourd'hui) à partir du 1er janvier, avec un effet immédiat pour la consommation, dont une partie (20 %) est récupérée par l'État sous forme de TVA.

Une autre mesure s'adresse aux retraités, particulièrement actifs chez les « gilets jaunes ». Le président a fixé à 2. 000 euros mensuels (33. 000 euros annuels pour un couple) le plafond en deçà duquel les retraités ne paieront pas les 1,7 % de hausse de CSG prévue. Selon le gouvernement, la part de retraités exemptés passerait de 40 % à 70 %.

Par ailleurs, Emmanuel Macron ressuscite un dispositif phare adopté par Nicolas Sarkozy, celui des heures supplémentaires défiscalisées. Le gouvernement estime à neuf millions le nombre de personnes qui en profiterait. Enfin, le président a demandé qu'une prime « défiscalisée » de fin d'année soit versée dans les entreprises, qui semblaient prêtes à répondre à l'appel, même si nombre de PME ne pourront le faire en raison de leurs difficultés financières.

Inquiétudes à Bruxelles et à Berlin

Évidemment, ces mesures, auxquelles il faut ajouter la suppression de la taxe carbone, ont un coût élevé. Selon Olivier Dussopt, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, leur montant estimé est compris entre 8 et 10 milliards d'euros. L'ensemble de ces décisions porterait le déficit public autour de 3,5 % du PIB.

De son côté, le ministre chargé du Budget, Gérald Darmanin, a chiffré ce déficit à 2,5 %, hors bascule du CICE (0,9 %). Or l'Elysée s'était engagé auprès de l'Union européenne à respecter dans un premier temps un objectif de 2,8 %. Le gouvernement va donc devoir réduire les dépenses publiques. En la matière, tant le président que le gouvernement restent muets, tout au plus sont évoquées des économies dans les ministères. Et le gouvernement ne peut guère compter sur la croissance économique, qui devrait ralentir en 2019, notamment en raison de la conjoncture internationale.

Bruxelles et l'Allemagne ont déjà fait savoir qu'ils s'inquiétaient de cette dérive. Mais à situation exceptionnelle, décision exceptionnelle. Le contexte européen est déjà tendu, avec le Brexit et l'Italie qui laisse filer le déficit public. Mettre Paris sous pression ne ferait qu'accentuer la montée du populisme partout. On voit mal Bruxelles fragiliser le programme de réformes lancé en France, que la Commission a applaudi.

Au-delà du court terme, Emmanuel Macron a évoqué son mode de gouvernance. Fini Jupiter, place à l'humilité, même si le mea culpa est a minima. Il a reconnu que les petites phrases condescendantes et inutiles à l'égard des Français avaient pu blesser. Le « président des riches » doit prouver que cette image est caricaturale. Il a certes refusé de corriger la réforme de l'ISF, transformé en IFI, mais promis un effort accru de lutte contre l'évasion fiscale et annoncé que tous les dirigeants d'entreprises françaises devront payer leurs impôts en France. Pour renouer le dialogue et apporter une réponse à la demande de plus de démocratie dans la prise de décision politique, il a annoncé une grande concertation en 2019 dont les principaux maîtres d'œuvre seront les maires, élus qui se sentent incompris, alors même qu'ils sont sur le terrain. C'est une décision politiquement habile, même s'il reste à voir comment vont être menées ces consultations.

Il souhaite également réformer la loi électorale pour favoriser la diversité de la représentation, notamment de citoyens qui ne sont pas membres de partis.

Il entend aussi poser sans tabou la question de l'immigration, pour en faire une réelle politique et non plus un chiffon électoral qu'agitent à bon compte certains partis. Les citoyens vont donc pouvoir s'exprimer durant trois mois notamment sur l'organisation de l'État et des services publics. L'objectif étant de bâtir « le socle de notre nouveau contrat pour la nation ».

Tous les échelons de l'État placés devant leurs responsabilités

Ce changement de méthode répond ainsi aux demandes des « gilets jaunes », tout en plaçant tous les échelons de l'État devant leurs responsabilités. Emmanuel Macron compte utiliser la puissance de cette crise comme un levier qui l'aide à accélérer l'évolution d'un pays sclérosé depuis des décennies. Il avait déjà fustigé les « cyniques » qui bloquent toute évolution interne du système. Et le thème était présent dans son discours qui essayait il y a deux semaines de conjuguer maladroitement malaise des « gilets jaunes » et future politique de l'énergie. Il y pointait « beaucoup de démagogie », et mettait en garde : « Si les responsables politiques, syndicaux, sociaux, patronaux ne font pas de la pédagogie, plus personne ne la fera, parce que beaucoup de relais d'opinion intellectuelle ont renoncé à le faire. » Surtout, il y prônait la nécessité d'« un changement profond de notre organisation collective, de l'État au premier chef, mais de toutes nos structures ».

Baptême du feu

Car paradoxalement, non seulement le cap fixé au début du quinquennat n'est pas remis en cause, mais les réformes vont être poursuivies, affirme Emmanuel Macron, même si leur calendrier pourrait être modifié, notamment celles de l'assurance-chômage et des retraites.

Est-ce trop tard pour Emmanuel Macron ? Sa popularité mesurée par les sondages a chuté sous les 20 %, mais aucun adversaire politique ne profite de cette crise. Depuis l'affaire Benalla, le président apparaissait sur la défensive, agissant à contretemps, incapable de renouer le dialogue avec son opinion publique. La phase euphorique de la campagne et du début du quinquennat s'est fracassée sur la réalité. De nombreuses erreurs ont été commises, dues en large partie à l'inexpérience de l'exercice du pouvoir de l'ancien banquier d'affaires et à la jeunesse d'un parti, la République en marche. Finalement, la crise des « gilets jaunes » est le véritable baptême du feu du président, et il pourrait bien en ressortir renforcé.

Robert Jules
Commentaires 27
à écrit le 16/12/2018 à 10:45
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c'est le moment de faire les veritable reforme mais pas celle vue de bruxelles et des financiers celle de l'egalite sur le fisc celle de la justice et que l'on sorte de ce régime issu de l'inquisition et de la terreur et de l'empire jamais remis ...

à écrit le 16/12/2018 à 10:44
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c'est le moment de faire les veritable reforme mais pas celle vue de bruxelles et des financiers celle de l'egalite sur le fisc celle de la justice et que l'on sorte de ce régime issu de l'inquisition et de la terreur et de l'empire jamais remis ...

à écrit le 14/12/2018 à 6:59
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Macron n as pas sortie le chéquier c est de l argent pris dans les poches des françaises et des retraitees qui rendes l argent des retraitees qui respecte l inflations et La revalorisation des retraite indexé sur l inflation 2018 reporter de 3 mois p...

à écrit le 13/12/2018 à 14:04
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" ...Macron a sorti son carnet de chèques ..." : oh, que non ! Il n'a pas sorti SON carnet de chèques mais celui du compte "argent du public" ou "fonds du public" qu'il est censé géré au nom et pour les compte des Françaises et des Français !

à écrit le 13/12/2018 à 10:18
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Concernant les HS défiscalisées ,le diable se cachant dans les détails, Le Canard Enchaîné révélé dans son numéro 4567 que ces heures supplémentaires bien que défiscalisées sont prises en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence. Autrement...

le 13/12/2018 à 14:09
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... Et M. Macro. aura gagné ce qu'il voulait gagner : 1) dans l'immédiat l'arrêt de la grogne généralisée des Françaises et des Français ("gilet jaune" ou pas), 2) du temps pour préparer en toute quiétude les élections européennes (qui, selon tous ...

à écrit le 13/12/2018 à 10:05
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"Le chef de l'État a annoncé une accélération de la revalorisation de la prime d'activité et une baisse des cotisations pour les salariés au Smic (il s'élève à 1. 185 euros net aujourd'hui) à partir du 1er janvier" Déja faut un ordi ,sinon, c'est ...

à écrit le 12/12/2018 à 21:27
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Salut, Je vais devoir payer 30k euros de droits de succession (que j'ai pas) pour avoir le droit de continuer à vivre dans la maison dans laquelle j'ai grandi. Sachant que Google, Starbucks, McDo... ne paient pas d'impôts en France et qu'il n'e...

le 13/12/2018 à 10:31
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je sais pas combien faut cette maison et qui etait l ex proprietaire. Mais si vous etes le fils de celui ci, les droits sont assez faible. Au pire rien ne vous empeche de faire un credit gagee sur ladite propriete (en supposant la aussi que vos paren...

à écrit le 12/12/2018 à 19:13
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La France ne veut plus de ces dirigeants sortant du grand séminaire de l'ENA, qui administrent au nom de l'intérêt général dont ils monopolisent la connaissance, édictant des règles complexes et détaillées dans tous les domaines de la vie civile et é...

le 13/12/2018 à 13:31
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Pour gouverner, il faut une personnalité Issue d'une famille nombreuse d'origine modeste et chrétienne non pratiquant : Qui aime son pays : Qui gagne moins de 2000 euros et qui parle l'anglais Qui aime les challenges et les défis (sociétaux, écono...

à écrit le 12/12/2018 à 18:44
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La France est irréformable ce n'est pas plus compliqué que cela. Rien de bien nouveau, à chaque tentative pour changer les choses le pays est bloqué. E. Macron n'est pas le premier à tenter de réformer mais c'est un échec comme ses prédécesseurs.

le 13/12/2018 à 8:15
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C'est tout simplement le fait que la défiance s'est installée,depuis longtemps.A chaque réforme,je me demande: que va t-on perdre? Nous,la base.Vous avez sûrement constaté,que les réformes s'appliquent au peuple mais pas aux "élites ".

le 13/12/2018 à 14:36
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La France doit se réformer, sans doute, mais surtout pas en fonction des désirs de la commission de Bruxelles. C'est là où le bât blesse. Je ne soutine pas Macron, bien loin de là mais il ne fait qu'appliquer les GOPE de la dite commission. Des réfor...

le 13/12/2018 à 15:01
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pour reformer la FRANCE il faut en premier ABOLIR LES PRIVILEGES !!!!!! est ce le cas quand on fabrique une nouvelle niche fiscale pour ceux qui on la chance des faire des heure sup probablement les les memes qui vont avoir la prime MAIS LES AUTRES...

à écrit le 12/12/2018 à 18:41
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Ahahaha, la situation nous échappe, faisons mine d'en être les instigateurs.

à écrit le 12/12/2018 à 18:18
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Les entreprises distribuent du pouvoir d'achat (prime +augmentations salariales) donc elles n'avaient pas besoin du cice pour lequel lequel mr macaron a racketter les retraites

le 12/12/2018 à 21:43
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faut supprimer le cice c'est capte par les entreprises publiques et pseudo publiques

à écrit le 12/12/2018 à 17:54
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Réformes est connoté améliorations et font partie du plan com d' un gouvernement devenu parfaitement indigeste qui exécute à tout-va les GOPE qu' impose Bruxelles à la France et au reste de l' Europe... https://www.upr.fr/act...

le 12/12/2018 à 18:58
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Exactement ! reforme est employé à la place de restructuration

à écrit le 12/12/2018 à 17:52
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Ayant perdu la majorité de ses électeurs sue sont les retraités il ne s en relèvera plus. Comme quoi une bonne idée mettre parterre les partis politiques rigides, ne suffit pas! Il lui aurait suffi d une méthode logique en commençant à diminuer le go...

le 12/12/2018 à 18:40
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Il a rien mis parterre, il recycle l'umps, ni de gauche ni de droite bien au contraire, de nos intérêts bien compris... intérêts de caste ! Il a l'air pale l’Ernst & Young leader.

le 13/12/2018 à 10:36
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Le gros des retraités vote LR (ils ont vote en masse Fillon et avant ca Sarkozy). l echec de Macron est surtout d avoir braque une bonne partie des francais avec des phrases debiles et des mesures genre 80 km/h ou taxes sur l essence pour le profit d...

à écrit le 12/12/2018 à 17:47
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C’est un frein pour l’économie des plus riches.( cac40)

à écrit le 12/12/2018 à 17:47
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Son carnet de cheque ?..... ou ça ? Ses mesures sont des tripotages de chiffres prévus .....

le 12/12/2018 à 20:28
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Bien sûr, c'est pareil mais ça coûte 10 milliards de plus. Ou alors t'as rien compris...

le 13/12/2018 à 8:04
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j'attendais qu'un expert de haut niveau (ou un naif ! )comme toi vienne le démontrer mais je reste sur ma faim !

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