Croissance, inflation, chômage : la Banque de France assombrit ses prévisions pour 2023

La Banque de France table désormais sur une croissance du PIB de 0,5% en 2023 contre 1,2% en juin dernier dans son scénario central. En cas de fermeture complète du robinet du gaz russe et de coupures électriques, l'économie française pourrait plonger en récession estime l'institution bancaire dans son scénario le plus sombre. De son côté, le gouvernement vient de prévoir une croissance du PIB de 1% l'année prochaine pour son prochain budget. Cette prévision optimiste pourrait rapidement être plombée par les multiples aléas géopolitiques (guerre, énergie) et un hiver rigoureux.
Grégoire Normand
Les nuages s'accumulent au dessus de l'économie française.
Les nuages s'accumulent au dessus de l'économie française. (Crédits : Reuters)

L'automne s'annonce particulièrement morose. Sur le front conjoncturel, l'enlisement de la guerre en Ukraine sept mois après le début du conflit assombrit dangereusement l'horizon économique. En Europe, la menace d'une récession se précise dans les pays les plus dépendants du pétrole et du gaz russe. Le moteur économique allemand de la zone euro s'enfonce inexorablement vers un plongeon de son PIB dans les semaines à venir. Après deux longues années de pandémie, l'économie allemande s'apprête à passer un hiver très douloureux. Et la France ne devrait pas faire exception. Dans ses dernières projections économiques dévoilées ce jeudi 15 septembre, la Banque de France a révisé à la baisse son chiffre de la croissance du PIB pour 2023 à 0,5% dans son scénario central contre 1,7% en juin dernier.

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L'institution bancaire a en revanche révisé à la hausse la croissance du PIB pour 2022 à 2,6% contre 2,3% au début de l'été. S'agissant de 2023, les conjoncturiste n'ont pas exclu le scénario noir d'une récession dans leur fourchette de prévisions s'étalant entre 0,8% et -0,5%. « L'année 2023 est remplie d'incertitudes liées à la guerre en Ukraine. Compte tenu de ces incertitudes, nous avons choisi de présenter une fourchette [...] Nous n'excluons pas une récession en 2023 limitée et temporaire », a déclaré le directeur des études, Olivier Garnier lors d'un point presse. Pour le gouvernement, ces prévisions dégradées vont sérieusement compliquer l'équation budgétaire. Il y a seulement quelques jours, l'exécutif a expliqué qu'il tablait sur une croissance du PIB de 1% dans le projet de loi de finances 2023. Ce chiffre jugé « optimiste » par plusieurs économistes pourrait rapidement être revu à la baisse.

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Un pic d'inflation attendue début 2023

La crise du gaz a propulsé l'indice des prix à la consommation au sommet ces dernières semaines. Une coupure complète des livraisons de gaz russe pourrait encore pousser l'inflation vers le haut cet hiver alors que la demande des ménages et des entreprises risque de flamber. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a prévenu que « les mois de décembre, janvier et février seraient difficiles » lors d'une réunion avec des journalistes mardi dernier.

Après un possible pic à 5,8% en moyenne annuelle en 2022, l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH, qui permet de faire des comparaisons européennes) pourrait s'établir à 4,7% en 2023 et 2,7% en 2024. Là encore, la banque centrale a révisé à la hausse ses chiffres pour l'année prochaine. Elle tablait sur une inflation de 3,4%. La réduction du bouclier tarifaire annoncée par la Première ministre Elisabeth Borne en 2023 risque de faire grimper la facture pour les ménages et les entreprises. En outre, l'inflation sous-jacente, c'est à dire l'indice qui exclut les prix les plus volatils comme l'énergie et l'alimentation, devrait rester élevée en 2022 à 3,7% et en 2023 à 3,8%.

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Un pouvoir d'achat en berne

L'inflation risque de grignoter le pouvoir d'achat des Français encore cet hiver à un moment où la consommation d'énergie va bondir. Selon les tableaux de la Banque de France, le pouvoir d'achat par habitant devrait reculer de 0,5% en 2022 et pourrait faire du surplace en 2023 (0%). Malgré toutes les aides du gouvernement (ristourne sur le carburant, bouclier tarifaire, primes, revalorisation des minimas), beaucoup de Français sont obligés de se serrer la ceinture compte tenu notamment de la désindexation des salaires sur l'inflation depuis le début des années 80.

Ce repli de la demande devrait mécaniquement avoir des conséquences désastreuses sur les carnets de commande des entreprises. En parallèle, le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) risque de porter un coup dur sur l'économie française déjà affectée par de fortes tensions.

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Un chômage en hausse

L'objectif de plein emploi affiché par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle pourrait être difficile à tenir. Après avoir atteint un creux à 7,3% en 2022, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) pourrait atteindre 7,6% en 2023 et 8,1% en 2024. Le rythme des embauches risque de marquer le pas dans les mois compte tenu des perspectives dégradées. Dans de nombreux secteurs, la hausse des coûts de production liés à la flambée des prix de l'énergie risquent de peser sur l'activité et les besoins en main d'oeuvre.

Un grand nombre de secteurs avaient profité du rebond post-covid après le brutal plongeon de 2020 mais la guerre en Ukraine a complètement rebattu les cartes sur le front du marché du travail. L'effet «rattrapage» de l'économie française encore visible au début de l'année 2022 pourrait rapidement s'effacer dans les prochaines semaines.

Une prévision entourée d'incertitudes

L'accumulation des crises ne cesse de donner le vertige aux économistes. Entre la pandémie, la guerre en Ukraine et la crise énergétique, les instituts de prévision ont de plus en plus de difficultés à établir un scénario de référence depuis deux ans. Dans ce contexte troublé, la trajectoire de croissance établie par la Banque de France va en grande partie dépendre de facteurs géopolitiques et de l'ampleur des secousses sur les marchés de l'énergie. La fourchette basse, c'est à dire le scénario de récession de la Banque de France correspondrait à une envolée des prix du gaz associée à de fortes difficultés d'approvisionnement et peu de marges de manoeuvre dans les solutions de substitution à l'énergie russe.

Les conjoncturistes ont également pris en compte les problèmes structurels du parc nucléaire français qui pourraient « limiter la production d'électricité au premier trimestre 2023 ». Cela aurait mécaniquement des répercussions néfastes sur la livraison d'énergie en cas d'hiver rigoureux. Enfin, la Banque de France indique que tous ces chocs pourraient peser sur la comportements de consommation et d'investissement des ménages et des entreprises. A l'opposé, les économistes, dans un scénario plus favorable, tablent sur une croissance de 0,8% en raison d'un ralentissement des prix de l'énergie. Même dans cette hypothèse plus optimiste, la croissance serait toutefois loin  de retrouver sa trajectoire de 2021.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 16/09/2022 à 2:40
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Tout ceci a cause d'une grosse dépendance

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