Il ne veut rien dire, si ce n'est que toutes les pistes sont aujourd'hui sur la table. Le gouvernement travaille à sa réforme de l'assurance chômage. Depuis que les partenaires sociaux ont échoué à se mettre d'accord sur les règles qui régissent le système, l'Etat a repris la main. Objectif : durcir les modalités pour percevoir les allocations. Avec en ligne de mire, le délai de carence.
Passer de 6 mois jusqu'à 12 mois le délai de carence
Aujourd'hui, quand un chômeur est indemnisé par France Travail - anciennement Pôle Emploi - il doit souvent attendre une certaine période de latence, avant d'être indemnisé, (quand il peut prétendre à une allocation chômage).
Ce délai dépend aujourd'hui du montant des indemnités supra légales qu'il a perçues par son employeur en partant. C'est ainsi que les demandeurs d'emploi ayant d'importants chèques de départ doivent souvent attendre plusieurs mois avant que ne s'enclenche leur allocation chômage.
Mais alors qu'aujourd'hui, le délai est plafonné à 6 mois, demain ce pourrait être plus. En effet, le gouvernement envisage de le rallonger jusqu'à 12 mois, au motif que ces chômeurs ont de quoi faire face à leurs dépenses dans l'intervalle. Autrement dit, ils peuvent vivre grâce à l'indemnité légale versée par les employeurs. Le gouvernement veut ainsi éviter que ces inscrits à France Travail ne cumulent allocation chômage et indemnité légale. Il vise notamment les demandeurs d'emploi qui sont licenciés ou ayant signé une rupture conventionnelle.
Outre le délai, le gouvernement se penche aussi sur la façon dont cette indemnité est prise en compte dans le calcul de l'indemnité chômage.
De fait, ces options de réformes s'adressent aux cadres, qui touchent souvent les sommes de départ les plus importantes, et dont les indemnités sont plus élevées que la moyenne des inscrits à France Travail. Les cadres sont aussi ceux qui ont le plus de chance de trouver rapidement un emploi, leur taux de chômage étant, en moyenne, plus bas que le taux national.
Enfin, pour le gouvernement, cette piste présente l'intérêt de ne pas raboter des droits existants - puisqu'il ne touche ni au montant, ni à la durée d'indemnités-. Elle consiste simplement à décaler dans le temps un droit. Donc, selon l'exécutif, plus acceptable socialement. Il n'empêche, les syndicats sont vent debout, notamment la CFE-CGC qui représente les cadres.
Extension du bonus-malus sur les contrats courts
Autre piste sérieuse sur laquelle planche l'exécutif : l'extension du système de bonus-malus sur les CDD et contrats courts. Ce dispositif, porté par le député Renaissance Marc Ferracci quand il était conseillé de Muriel Pénicaud, alors ministre du Travail entre 2027 et 2020, vise d'une part à sanctionner les employeurs qui multiplient les contrats précaires et de l'autre à récompenser ceux qui favorisent les emplois les plus longs. Malgré l'opposition du patronat, le bonus-malus a été mis en œuvre pour la première fois entre 2022 et 2023, avant d'être renouvelé.
Le dispositif mesure le taux de séparation des entreprises de plus de 11 salariés soit le nombre de fins de contrat de travail (hors démissions ou autres exceptions) ou de missions d'intérim donnant lieu à inscription ou réinscription à France Travail (ex-Pôle emploi), rapporté à l'effectif annuel moyen. Ce taux de séparation est ensuite comparé au taux médian du secteur de l'entreprise. Il en résulte un taux de cotisation chômage inférieur à sa valeur actuelle de 4,05 % (il y a alors bonus), égal (statu quo), ou supérieur (malus), dans une fourchette de 3 % à 5,05 %
Aujourd'hui, le bonus-malus ne s'applique qu'à 7 secteurs - dont l'hôtellerie-restauration ou le transport routier. Mais, le gouvernement est d'autant plus intéressé par son extension qu'une étude du ministère du Travail publiée en février dernier, montre que la modulation du taux de cotisation chômage employeur semble avoir freiné la précarité professionnelle dans ces filières. « Par ailleurs, à un moment où l'étude des besoins de main-d'œuvre de France Travail montre que les intentions d'embauche en CDI faiblissent cette année, il est légitime d'intervenir pour orienter les entreprises », prévient un conseiller ministériel.
Les employeurs, qui ont bataillé dur contre ce système de bonus-malus voient évidemment d'un très mauvais œil cette nouvelle contrainte qui pourrait leur être imposée dans plusieurs pans de l'économie.
Des consultations à venir
Du côté du ministère du Travail, l'entourage de Catherine Vautrin insiste sur le fait qu'aucune décision n'est prise, que les arbitrages ne sont pas encore rendus. Et pour cause, la locataire de la rue de Grenelle prévoit de recevoir les organisations syndicales et patronales mi-mai pour consultation.
Reste que syndicats comme patronat ne se font aucune illusion sur la prise en compte de leurs points de vue lors de cet échange. Depuis qu'ils ont échoué à se mettre d'accord sur la négociation des seniors, ils savent que le gouvernement va durcir les critères, sans faire grand cas de leurs observations.
Sans compter que l'exécutif ne cache pas sa volonté d'aller vite, pour avoir une nouvelle convention d'assurance chômage dès le 1er juillet. Une convention qui permettra de faire des économies substantielles au système.