Yémen, après dix années de guerre, quelle solution pour la paix  ?

OPINION. Depuis octobre 2014, et la prise de la capitale par les rebelles Houthis, le pays n'a pu être réuni, ni par ce mouvement, ni par le pouvoir éconduit. Les Houthis ne contrôlent environ que 25% du territoire, mais les deux tiers de la population. Famine et pauvreté se sont accrues de façon exponentielle. Quelle solution envisager pour sortir de ce cauchemar humanitaire ? Celle à deux Etats? Par Gérard Vespierre (*), chercheur associé à la FEMO, Fondation d'Études pour le Moyen-Orient.
Gérard Vespierre.
Gérard Vespierre. (Crédits : Valérie Semensatis)

On ne peut avoir une compréhension de cette situation sans se référer à la fois à l'Histoire, et aux vicissitudes contemporaines de ce territoire.

Déjà au Xe siècle, cette partie sud-ouest de la péninsule arabique était en proie à de violents combats menés par ses habitants, montagnards, et rudes guerriers. L'Empire perse, influent sur les côtes arabiques, décida d'y envoyer un médiateur religieux. Il finit par rétablir la paix dans ce territoire. Issu de la branche chiite de l'islam, il implanta ce courant de la religion musulmane dans cette extrémité de la péninsule. Cette particularité religieuse s'ajouta à la spécificité, géographique et humaine, de la population. Différence sociétale et attitude guerrière sont-elles la marque historique de cette extrémité du territoire yéménite ?

De façon plus contemporaine, en 1962, cette partie du Yémen s'est déjà détachée du royaume et de la monarchie qui dirigeait l'ensemble du pays, par un coup d'État. Ainsi est née la République arabe du Yémen, à l'extrémité ouest du territoire, également connue sous l'appellation Yémen du Nord, république islamique, à parti unique, sous régime militaire. La réunification avec la plus grande partie du territoire, devenue la République démocratique populaire du Yémen, eu lieu le 22 mai 1990 sous l'égide du président Saleh, dirigeant du Yemen du Nord. Ainsi naissait la République du Yémen, unifiée, Il y a donc 34 ans, jour pour jour, couvrant un territoire pratiquement égal à la superficie de la France, et faisant face à Djibouti...

Un processus permanent d'instabilité

Mais cette réunification ne fut pas heureuse. Dès 1994, le Yémen du Sud tenta de reprendre son indépendance, sans succès. Dix ans plus tard, ce sont à nouveau les populations de l'ouest, chiites, autour du mouvement Houthi, qui ont relancé l'instabilité. Finalement, en 2014, cette nouvelle révolte renversa le président Hadi, qui se réfugia dans un premier temps au sud, à Aden, avant d'être contraint de s'exiler en Arabie Saoudite.

Nous sommes donc ici devant un processus permanent d'instabilité entre les deux composantes sociétales du pays, reflet de leurs caractéristiques historiques, religieuses, et géographiques, tant humaines que territoriales.

Ne serait-il pas temps, après des dizaines de milliers de morts, de tant de souffrances, et de destruction, d'en tirer une conclusion politique pour ramener la paix dans l'ensemble du territoire ? N'est-il pas temps d'évoquer un retour à une solution à deux États ?

Ne serait-il pas temps pour la partie sud du Yémen, constituée autour de la ville d'Aden, et de son million d'habitants, de proposer une telle démarche ? Le mouvement Houthi depuis 10 ans a clairement démontré qu'il ne travaillait pas au bien-être de la population. Il a clairement affiché ses options idéologiques et politiques, à travers son historique et sa dépendance vis-à-vis du régime religieux de Téhéran. Ses attaques depuis six mois contre le trafic maritime en mer Rouge en sont les illustrations les plus visibles et récentes. Les innombrables tentatives de négociation de paix entre ce mouvement rebelle et le pouvoir officiel et internationalement reconnu, n'ont jamais abouti.

L'unification n'est pas forcément la bonne solution humaine

Depuis plusieurs années, exactement le 11 mai 2017, un Conseil de Transition du Sud à Aden a été mise en place. Le vaste territoire (les deux-tiers de la superficie de la France) où ce Conseil exerce son autorité est donc déjà doté d'une organisation, et des leaders, à même de mettre en œuvre dans le sud, rapidement et efficacement, cette orientation à deux États. L'objectif hautement prioritaire est d'y ramener la paix et le développement économique. Cette séparation s'appuie sur une répartition territoriale acquise. Cela signifie l'absence de conflits de frontière, donc un élément essentiel dans l'établissement de relations stables entre les deux entités, pour les années à venir.

L'unification, en tant que pur schéma politique, n'est pas forcément la bonne solution humaine. Nous l'avons vécu sur notre continent européen, avec la création de la Tchécoslovaquie, et sa séparation en 1993 en deux entités... et en Yougoslavie, un peu avant, avec sa séparation en six entités étatiques....

En cette période d'anniversaire de la réunification du Yémen en 1990, et des soubresauts de séparation de 1994, il est approprié de formuler le vœu de voir revenir la stabilité politique et humaine dans toute le territoire Yéménite, à travers un retour à deux États, dans le cadre d'une coexistence pleinement assumée.

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(*) Diplômé de l'ISC Paris, Maîtrise de gestion, DEA de Finances (Dauphine PSL) Fondateur du Monde Décrypté www.le-monde-decrypte.com  chroniqueur géopolitique sur IDFM 98.0

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