En France, « la grande rotation » de salariés provoque de vifs remous sur le marché du travail

Dans le secteur privé, les salariés ont été bien plus nombreux à claquer la porte de leur entreprise en 2022 qu'avant la crise sanitaire. Mais ces travailleurs n'ont pas pour autant quitté le marché du travail, rappellent l'Insee et la Dares dans un dossier inédit. Beaucoup ont changé d'entreprises ou de secteurs pour trouver de meilleurs salaires ou améliorer leurs conditions de travail. Pendant ce temps, les difficultés de recrutement demeurent à un niveau élevé.
Grégoire Normand
« Il s'agit d'une grande rotation plutôt qu'une grande démission », a déclaré Dorian Roucher, sous-directeur de l'emploi et marché du travail à la Dares
« Il s'agit d'une grande rotation plutôt qu'une grande démission », a déclaré Dorian Roucher, sous-directeur de l'emploi et marché du travail à la Dares (Crédits : Reuters)

La pandémie a provoqué un flot de démissions important aux Etats-Unis. Après les confinements, des millions de salariés ont quitté leur poste dans la plupart des grands secteurs économiques. En France, les départs se sont multipliés suscitant de vives inquiétudes dans les milieux dirigeants tout au long de l'année 2022. Après ces vagues de démissions, certains observateurs ont évoqué « des épidémies de flemme » et de « la grosse fatigue ». D'autres ont évoqué une déferlante de « désertions ». Mais tous ces vastes mouvements pourraient bien révéler d'autres phénomènes plus complexes.

Dans un vaste dossier dévoilé ce jeudi 29 juin, l'Insee et la Dares (la direction statistique du ministère du Travail) ont passé au crible la mobilité des salariés entre 2018 et 2022. Résultat, les travailleurs ont davantage quitté leur poste après la pandémie pour retrouver un autre emploi. La part des salariés restant dans la même entreprise a baissé de près de deux points entre 2018 et 2022. Une grande partie des mouvements « résulte surtout de départs vers d'autres secteurs », indique l'institut de statistiques.

En revanche, peu ont démissionné du marché du travail en se retrouvant au chômage ou en devenant inactif.

« Il s'agit d'une grande rotation plutôt qu'une grande démission », a déclaré Dorian Roucher, sous-directeur de l'emploi et marché du travail à la Dares.

Sans surprise, les plus jeunes sont davantage concernés par les mobilités entre les entreprises ou entre secteurs.

L'agroalimentaire, les services privés et l'hébergement restauration en première ligne

Parmi les secteurs ayant enregistré les plus fortes mobilités figurent en premier lieu l'industrie agroalimentaire (+2,7 points), les services privés non-marchands qui comprennent la santé et l'action sociale (+2,7 points) ou encore l'hébergement restauration (+2,2 points). Pressés par les difficultés de recrutement avant la pandémie, tous ces secteurs essaient de redoubler d'efforts pour embaucher de la main d'oeuvre en proposant des horaires compatibles avec la vie familiale ou des hausses de salaires par exemple. Mais ces leviers ne semblent pas suffire.

A quelques jours du début de la saison estivale, beaucoup de restaurateurs sont en manque de bras pour assurer les services et la cuisine durant l'été. Dans le commerce (2,1%) et la construction (2%), les mobilités sont certes moins élevées mais restent légèrement supérieures à la moyenne de tous les secteurs (1,9%). Dans les services financiers, la part de mobilité n'a quasiment pas bougé entre la période pré-crise sanitaire et 2022.

La plupart des salariés se dirigent vers le tertiaire

Dans leurs différentes enquêtes, les statisticiens ont retracé la trajectoire des mobilités. Parmi ceux qui ont claqué la porte de leur entreprise, près d'un salarié sur cinq est parti vers les services aux entreprises. Viennent ensuite le commerce ou encore les services non-marchands. En revanche, très peu ont rejoint les secteurs industriels. Alors que la France veut se réindutrialiser, cette orientation vers les services est une mauvaise nouvelle pour les chefs d'industrie confrontés à la pénurie de main d'oeuvre.

Lire aussiLe long chemin de la « réindustrialisation » de la France

Des démissionnaires qui restent dans le marché du travail

Au final, la plupart des démissionnaires sont très loin d'avoir déserté le marché du travail tricolore.«  En 2022, il y a eu un niveau de démissions historique de personnes en CDI dans l'économie. Mais ces démissionnaires n'ont pas quitté le marché du travail. Il y a plus 7 salariés sur 10 qui sont en emploi un an après avoir quitté leur poste »a affirmé Dorian Roucher interrogé par La Tribune. Au sortir du Covid, « beaucoup de travailleurs ont cherché à changer de poste pour améliorer leur situation professionnelle. Le niveau de démission rappelle la hausse du pouvoir de négociation des salariés que la France a connu à la fin des années 90 et en 2007. Il y avait de nombreuses démissions pour trouver de meilleures conditions de travail », poursuit le statisticien.

Lire aussiTravail: « La question de la démission n'est plus du tout tabou en France» Romain Bendavid (Ifop)

Reste à savoir si l'embellie sur le marché du travail va se poursuivre. Un retournement de l'emploi freinerait les velléités  de mobilité de nombreux salariés.

Grégoire Normand
Commentaires 14
à écrit le 01/07/2023 à 22:30
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On retrouve - trop tard, pour moi - le marché du travail d'avant le premier choc pétrolier. C'est loin, tout ça! Nostalgie...

à écrit le 01/07/2023 à 10:59
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Pour aller dans une entreprise qui paye mal, exige avant de signer votre CDD de 2 semaines ( c'est la règle) de signer un autre document fourni par la DRH vous demander de refuser la mutuelle "proposée" par elle, de faire le ménage sous votre bureau,...

à écrit le 01/07/2023 à 7:31
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Un afflux de travailleurs détachés, dumping social donc, d'abord et plutôt que le medef voudrait augmenter tant qu'à faire.

à écrit le 30/06/2023 à 18:54
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Cela fait plusieurs décennies que le turn-over est vanté par le management américain. Les salariés ont compris comment en faire aussi usage à leur profit... Un jour mon manager m'a dit que si je n'étais pas content, je n'avais qu'à démissionner. Je l...

à écrit le 30/06/2023 à 13:59
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Oui, quand le chômage baisse, les salariés ont un plus grand pouvoir d'arbitrage et vont donc tout naturellement quitter les employeurs tyranniques payant 20% en dessous de la moyenne du secteur... De même, le Covid et la dernière réforme de l'assura...

à écrit le 30/06/2023 à 11:39
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La récession pointé le bout de son nez la stabilité dans l’emploi va s’améliorer

à écrit le 30/06/2023 à 10:16
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Avec des finances publiques contraintes, un management dur (politique, rh en entreprise), des salaires qui stagnent, voir diminuent sous la pression exemplaire du medef, et des politiques d'accompagnement des familles défaillant (places en crèche, lo...

à écrit le 30/06/2023 à 8:44
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"certains observateurs ont évoqué « des épidémies de flemme » et de « la grosse fatigue »." Faut dire que la télé nous propose de faire une pause voir une "respiration" toute les 20mn ,pour nous abreuver de pub ,on s'y habitue.

à écrit le 30/06/2023 à 8:15
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on touche enfin les dividendes de la chute de la natalité :-) Moins de bebe, c est moins de chomeurs 20 ans plus tard ! du coup, les gens sont pas obligé de prendre un emploi sous payé parce qu ils n ont rien d autre. Cerise sur le gateau, le problem...

le 30/06/2023 à 9:00
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on évalue a 830 000 personnes qui sortent du marché de l emploi chaque année suite a la retraite pour 720 000 naissance on comprend que la France va devenir comme l Allemagne et l Italie au niveau de l emploi .donc les salariés vont avoir le choix . ...

le 30/06/2023 à 13:32
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@jp petit problème en Europe du Sud, les retraités ont tendance à user de leur poids électoral pour pressurer les jeunes, qui s'en vont en masse, les mieux formés partant en premier (c'était déjà la catastrophe en Italie avant même la crise de 2008),...

à écrit le 30/06/2023 à 8:00
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Oui on apprend ça dans nos cours d'économie... Quand ca va mieux y a plus d'offres et les gens saisissent des opportunités....et ça se refige au moment de la récession amorcee

le 30/06/2023 à 10:14
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Inutile d'étaler votre "science" avec vos cours d'économie cela relève de la simple observation du citoyen lambda qui suit un tant soit peu l'actualité !

le 30/06/2023 à 10:51
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Je sens bien votre hypertolerance bienveillante, donc je sais pour qui vous votez, en particulier pour des gens dont le bon sens social et bienveillant à mus votre pays au t'as, et qui continue d'enfoncer le clou avec ses commissions citoyennes petr...

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