Le patronat français est loin d'être homogène et unanime sur de nombreux sujets. Cette élection présidentielle vient une fois encore le démontrer. Si, les organisations patronales et grandes fédérations professionnelles ont pris soin d'auditionner les candidats ou leurs représentants pendant la campagne, elles n'observent pas le même positionnement dans cette dernière ligne droite.
Le Medef se range derrière Emmanuel Macron
Le Medef a ainsi, dès le lendemain du premier tour, apporté son soutien à Emmanuel Macron pour le scrutin final. Dans un communiqué très explicite, l'organisation patronale présidée par Geoffroy Roux de Bézieux juge que le président sortant est "le plus favorable pour assurer la croissance de l'économie et de l'emploi".
Pour le Medef, une arrivée de Madame Le Pen à l'Elysée générerait, "une dégradation de la confiance", "une baisse des investissements et des créations d'emplois". Et le Medef de s'inquiéter : "Le programme économique conduirait le pays à décrocher par rapport à ses voisins et à le mettre en marge de l'Union européenne."
Le syndicat reste fidèle à la ligne adoptée il y a cinq ans. Dirigée par Pierre Gattaz, l'avenue Bosquet s'était en 2017 déjà prononcé en faveur du candidat Emmanuel Macron. Mais non sans avoir, cependant, laissé percevoir auparavant un soutien amical à François Fillon.
La CPME et U2P ne donnent pas de consigne de vote
Représentant les petites entreprises, François Asselin, lui, préfère rester silencieux et ne pas donner de consignes de vote pour le second tour de l'élection présidentielle. "Nous sommes des pragmatiques, à chacun de se faire son opinion." Et d'estimer que, dans chacun des programmes, "il n'y a pas de mesures anti-entreprises mais plutôt un regard bienveillant sur les entreprises et les PME". Par exemple, les deux finalistes promettent des baisses importantes d'impôts de production.
Prudent, François Asselin face à une candidate qui se présente comme défenseur des petits patrons ? Soucieux de ne pas froisser ses adhérents lepenistes ? Le chef de file de la CPME estime simplement "que Marine Le Pen, évidemment, c'est un peu l'aventure".
Même neutralité du côté des artisans. À l'U2P, la tradition est de ne pas donner de consignes de vote.
Reste que la situation n'est pas tout à fait la même qu'il y a cinq ans, même si l'affiche des finalistes se retrouve. En 2017, les milieux d'affaires faisaient montre d'une vive inquiétude face à la fille de Jean-Marie Le Pen, dont le programme économique consistait à sortir de l'euro. Cette mesure avait été un repoussoir puissant pour nombre de chefs entreprise. Ce n'est plus le cas.
Par ailleurs, durant le quinquennat qui vient de s'écouler, Emmanuel Macron a souvent apporté son soutien aux entrepreneurs, notamment pendant la pandémie, avec le fameux "quoi qu'il en coûte". En décembre dernier, le chef de l'Etat a aussi pris des mesures très attendues - en terme de protection du patrimoine, d'allocation chômage, etc. - en faveur des indépendants.
Des syndicats divisés
Mais, la dispersion des points de vue est encore plus marquée chez les représentants et les élus des salariés que chez les patrons.
Fidèle à ses convictions, Laurent Berger, à la CFDT, n'a pas mis longtemps à appeler ses adhérents à faire rempart contre l'extrême droite. Comme il l'avait fait en 2017, le chef de file du premier syndicat de salariés de France s'est exprimé, là aussi, sans ambages :
"L'heure n'est plus au choix d'un programme, mais à la défense de la démocratie. La CFDT appelle à battre Marine Le Pen en votant Emmanuel Macron."
Laurent Berger, qui n'a guère de proximité personnelle avec le président sortant, a toutefois pris soin de préciser dans un communiqué que "cet appel ne vaut ni approbation du bilan sortant ni adhésion à son programme".
Du côté de la CGT, pour l'heure, pas de consigne de vote en faveur d'Emmanuel Macron. En 2017, la centrale de Philippe Martinez avait demandé à ses adhérents de voter contre le Front national mais sans appeler explicitement à glisser un bulletin en faveur d'Emmanuel Macron. Ce mardi, la centrale de Montreuil s'est réunie et a adopté la même position : "La situation est grave, l'extrême droite est aux porte de l'Elysée... ( ...), la CGT n'est pas propriétaire des voix de ses syndiqué.e.s, mais pas une voix du monde du travail doit aller à l'extrême droite". Et d'imputer au "gouvernement et au président sortant une lourde responsabilité sur la perte de sens du débat politique et la banalisation des idées d'extrême droite".
De son côté, Force Ouvrière reste fidèle à sa tradition de ne pas faire de politique. Elle ne se prononce jamais.
Pour les organisations syndicales, il peut être douloureux de soutenir le candidat d'En Marche qui, pendant le dernier quinquennat, les a négligés, et dont ils ont combattu de nombreuses réformes. Au premier rang desquelles la réforme de l'assurance chômage ou même celle des retraites avant le Covid.
Par ailleurs, selon un sondage publié lundi par Harris Interactive pour Liaisons Sociales Quotidien, les personnes se disant proches d'un syndicat de salariés ont été 21% à voter pour Marine Le Pen dimanche dernier. Soit 8 points de plus qu'en 2017. C'est chez Force ouvrière que la proportion est la plus forte avec 31% des adhérents et sympathisants favorables à la candidate du Rassemblement National, et 22% pour les proches de la CGT. À la CFDT, ils ne sont que15 %, les adhérents préférant Emmanuel Macron.