Face à l'envolée des prix de l'énergie, deux communes sur trois vont bénéficier d'une aide de l'Etat

Contre toute attente, les députés et les sénateurs, réunis en commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR), ont trouvé un compromis mercredi soir sur les crédits apportés aux collectivités territoriales. Outre les départements et les régions, les communes sont les grandes gagnantes du texte validé par les parlementaires.
César Armand
Députés et sénateurs se sont mis d'accord pour finalement accorder une enveloppe de 600 millions d'euros aux élus locaux.
Députés et sénateurs se sont mis d'accord pour finalement accorder une enveloppe de 600 millions d'euros aux élus locaux. (Crédits : BENOIT TESSIER)

Au départ, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR), les fonds publics apportés aux collectivités territoriales n'étaient pas vraiment la priorité de l'exécutif. Sauf que depuis, l'art du compromis est devenu la règle, tant est si bien que le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a mis de l'eau dans son vin.

Résultat : en commission mixte paritaire, députés et sénateurs, réunis dans la soirée du mercredi 3 août, se sont mis d'accord pour finalement accorder une enveloppe de 600 millions d'euros aux élus locaux, touchés notamment par l'augmentation des prix de l'énergie et la hausse du point d'indice des fonctionnaires.

Mardi, le Sénat avait voté, avec l'approbation partielle du gouvernement, en faveur d'une enveloppe totale portée à 750 millions d'euros, tandis que l'Assemblée nationale avait voté en amont pour un montant de 300 millions d'euros.

120 millions d'euros pour les départements

Dans le détail, l'amendement du groupe Liberté, indépendants, Outre-Mer et territoires (LIOT) de l'Assemblée nationale, octroyant 120 millions d'euros aux départements pour absorber la revalorisation de 4% du revenu de solidarité active (RSA), voté par l'Assemblée puis par le Sénat, est conservé.

« Cela me fait sourire car au global, les dépenses de RSA vont diminuer cette année, entre la baisse du nombre de bénéficiaires pour la 2è année consécutive et la reprise économique », réagit ce jeudi 4 août, le rapporteur général du budget au Palais-Bourbon, Jean-René Cazeneuve, député Renaissance du Gers.

Autre collectivité préservée : les régions. L'amendement du Sénat compensant la hausse de 4% des rémunérations des stagiaires de la formation professionnelle, dont s'acquittent les conseils régionaux, a, lui aussi, été conservé.

Les communes, grandes gagnantes du PLFR

En réalité, les grandes gagnantes sont les communes. A l'Assemblée nationale, députés et gouvernement s'étaient mis d'accord pour flécher 180 millions d'euros vers les « communes les plus impactées » dans leur épargne par le dégel du point d'indice des fonctionnaires (+3,5% de hausse de rémunération au 1er juillet) et l'envolée des prix de l'énergie.

« L'État remboursera 50 % de l'augmentation pour deux postes de dépenses essentiels : l'évolution du point d'indice - première préoccupation des élus - et celle du prix de l'énergie - deuxième préoccupation des élus -, incluant le gaz, l'électricité et le fioul », déclarait le 25 juillet, Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du budget.

Lors du passage du projet de loi de finances rectificative au Palais du Luxembourg, les sénateurs étaient allés encore plus loin, via deux amendements. Le premier, porté par l'Union centriste, augmentait le nombre de communes éligibles à la compensation du gel du point d'indice et de l'évolution des prix de l'énergie. Le deuxième, porté par le rapporteur général du budget (LR) du Sénat, Jean-François Husson, élargissait, lui, les critères d'éligibilité des communes et relevait le taux de compensation des dépenses énergétiques et des dépenses alimentaires.

« La position du Sénat a été retenue », affirme aujourd'hui le député Renaissance du Gers, Jean-René Cazeneuve.

22.000 communes concernées

Autrement dit, toutes les communes dont le taux d'épargne brute a été inférieur à 22% en 2021, et celles dont le même taux a chuté de plus de 25% en 2022, sont concernées. Soit, selon les estimations des parlementaires, près de 22.000 communes. Deux tiers des 34.955 communes françaises en somme.

Ce consensus sur le projet de loi de finances 2023 n'est qu'une étape. La semaine dernière, à l'issue d'une réunion avec les associations d'élus sur la sobriété énergétique, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a annoncé le lancement d'un fonds d'adaptation au changement climatique. Ce dernier au service des collectivités territoriales sera, lui, inscrit dans la loi de finances 2023 dont l'examen est prévu par le Parlement dès la rentrée.

Quid des 10 milliards d'économies demandées aux collectivités ?

En pleine campagne présidentielle, la déclaration avait fait l'effet d'une bombe auprès des élus locaux. Alors ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, expliquait, début mars, que « le chantier de la contractualisation ser[ait] rouvert par le prochain gouvernement si le président de la République [était] réélu ».

Sauf que les collectivités n'ont jamais oublié le « contrat de Cahors » du Premier ministre Edouard Philippe en décembre 2017 sur la contractualisation entre l'Etat et les 322 collectivités les plus riches sur leurs dépenses de fonctionnement. Jusqu'à la Covid-19, ces territoires avaient pris l'engagement de limiter la hausse de ces dernières, en échange de la stabilisation de leur dotation globale de fonctionnement.

En plein duel de second tour face à Marine Le Pen, l'équipe d'Emmanuel Macron rejetait pourtant le terme de contractualisation ou d'économies sur le dos des collectivités locales, même quand le chiffre de 10 milliards d'euros était avancé ici et là.

Depuis la réélection du chef de l'Etat, le flou persiste. Selon plusieurs élus locaux, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu aurait jugé « caduc » de demander aux élus locaux un tel effort en pleine inflation, mais le cabinet de la ministre des Collectivités territoriales Caroline Cayeux évoque « une large concertation » à venir.

Rapporteur général du budget et ex-président de la délégation aux collectivités et à la décentralisation à l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, assure à La Tribune que le sujet n'est « pas tranché à ce stade ». « Lors de la discussion sur la loi de programmation des finances publiques fin septembre, nous regarderons la trajectoire des administrations avec un objectif : que tout le monde, Etat et collectivités, participe à la modération de la hausse des dépenses publiques » , poursuit le député Renaissance du Gers.

César Armand
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