La crise sanitaire a certes eu un impact de 7,1 milliards d'euros sur les finances locales dont 2,2 milliards d'euros rien qu'en 2021, mais cette année-là, les collectivités territoriales « ont bénéficié d'un contexte de reprise économique soutenu », souligne la Cour des Comptes dans son rapport annuel sur les finances publiques locales et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics publié ce 12 juillet.
Leurs recettes sont en effet « en forte progression », avec une augmentation par exemple de 3 milliards d'euros des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Il s'agit des taxes que les départements et l'Etat imposent lors de la vente d'un prix immobilier et qui entrent dans le calcul des « frais de notaire » dont s'acquitte tout acheteur lors d'une transaction.
En 2021, il s'est vendu plus de 1,2 million d'appartements et de maisons, selon les données du Conseil supérieur du notariat. Sauf qu'entre l'épuisement des stocks dans l'immobilier ancien, la chute de la production de logements neufs et la remontée des taux d'intérêt, le volume de transactions diminue en 2022, et mécaniquement les rentrées fiscales de DMTO.
En 2021, l'épargne territoriale a progressé de 6,4 milliards d'euros...
Parallèlement, les charges de fonctionnement des collectivités territoriales ont crû de 2,6% en 2021, du fait de l'achat de biens et services (+ 5,7%) comme des dépenses de personnel (+2,8%). Ce n'est encore rien à côté du dégel du point d'indice des fonctionnaires qui vient de prendre effet le 1er juillet. Les fonctionnaires territoriaux, comme le reste des travailleurs publics, bénéficient désormais d'une augmentation de 3,5%.
Malgré cette hausse des charges, le volume des recettes reste supérieur, tant est si bien que l'épargne a progressé de 6,4 milliards d'euros l'an dernier. Là encore, ce montant sera à relativiser en fin d'année au regard de l'inflation. L'explosion des prix de l'énergie et son impact sur les équipements publics grève déjà les budgets, poussant les collectivités à flécher, dans leur budget supplémentaire, des espèces sonnantes et trébuchantes pour colmater ces dépenses exceptionnelles.
... avant « un niveau d'inflation élevé » en 2022
Pour autant, la Cour des Comptes n'élude pas ce sujet et souligne un « contexte économique incertain, caractérisé en particulier par un niveau d'inflation élevé ». A cela s'ajoute la future contribution du secteur public local au redressement des finances publiques.
Les « Sages » de la rue Cambon ne croient pas si bien dire. Comme annoncé par la Macronie en campagne, les collectivités vont devoir maîtriser leurs hausses de dépenses de fonctionnement à hauteur de 10 milliards d'euros, mais les modalités pratiques restent à déterminer.
« Si c'est pour négocier un contrat pluriannuel où l'Etat comme nous faisons des efforts, nous pouvons discuter », déclarait, il y a peu, le président délégué (PS) de l'Association des maires de France et patron du Comité des Finances locales.
« La prochaine loi de programmation des finances publiques devra être l'occasion d'en définir les modalités », écrivent aujourd'hui les magistrats financiers.
Le président-candidat s'était également engagé à baisser, encore, les impôts de production et à éradiquer la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), cette dernière rapportant 7 milliards d'euros aux communes et aux intercommunalités - le bloc local. Lors de son discours de politique générale du 6 juillet, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé la suppression de la CVAE dès le projet de loi de finances 2023. « Aussi, nous compenserons cette perte de ressource auprès des collectivités », a-t-elle ajouté.
Une forte hétérogénéité des situations individuelles
En attendant, le bloc communal retrouve « une situation financière très favorable ». Les dépenses d'investissement des communes et intercommunalités sont reparties : +4,9%, après avoir été « retardées » puis relancées « en raison » du plan « France Relance ».
Avant même ce dernier, elles ont bénéficié d'un « filet de sécurité » de 270 millions d'euros visant à compenser les pertes de recettes fiscales et domaniales ou de 228 millions pour acheter des masques entre le 13 avril et le 1er juin 2020. Avec le plan de relance, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) a été de 950 millions d'euros, et de 650 millions pour la rénovation énergétique des bâtiments. A fin 2021, 625 millions d'euros ont été attribués à 5.150 projets, d'après l'Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGL).
Si la situation des départements « s'améliore [elle] nettement grâce à des recettes à un niveau exceptionnel et à des dépenses sociales modérées », l'embellie constatée ne pourrait être que « ponctuelle » du fait de la conjoncture et de l'inadéquation recettes-dépenses. Egalement bénéficiaires d'une dotation de 300 millions d'euros pour la rénovation de leurs bâtiments, 277 ont été affectés à 492 projets fin 2021, selon l'OFGL.
Quant aux régions, « dans l'ensemble », elles ont gardé leur capacité à « maintenir un fort niveau d'investissement grâce à des recettes consolidées ». Et ce malgré des charges de fonctionnement en croissance de 3,5%, dont + 619 millions d'euros dans les transports, pour lesquels elles sont autorités organisatrices de mobilité sur leur périmètre. Ou encore + 540 millions dans le soutien aux acteurs économiques.
Il n'empêche: « comme les années passées, la situation d'ensemble des collectivités ne rend pas compte de la forte hétérogénéité des situations individuelles, en particulier dans le bloc communal », nuance la Cour des Comptes. Elle a d'ailleurs prévu un deuxième fascicule à l'automne 2022 qui portera une appréciation sur l'évolution de la situation financière au regard des constats posés pour 2021.