Ce sont deux lois emblématiques qui ont bouleversé la gouvernance des entreprises et imposé au plus haut niveau les femmes qualifiées, diplômées depuis pourtant des décennies : la loi Copé-Zimmerman, votée en 2011 sur la composition des conseils d'administration et la loi Rixain, adoptée dix ans plus tard, et qui impose la féminisation des comités de direction (Comex).
« La France se distingue par un niveau de féminisation des instances dirigeantes jamais atteint, grâce notamment à la loi Copé-Zimmerman », se réjouit aujourd'hui Denis Terrien, président de l'Institut Français des Administrateurs (IFA).
« Quasiment la moitié des sociétés du SBF 120 sont déjà en conformité avec la loi Rixain avec deux ans d'avance », se félicite également Floriane de Saint Pierre, présidente du cabinet de conseil en gouvernance Ethics & Boards. Ce texte fixe en effet un premier seuil de 30% de femmes dans les Comex d'ici à 2026, avant de relever ce seuil à 40% d'ici à 2029, avec à cette échéance, des sanctions financières en cas de non-respect.
La France devant les Etats-Unis
« Les Comex se sont finalement féminisés assez vite. Cela veut dire que les femmes étaient déjà prêtes à assumer de grandes responsabilités et qu'elles ont pu finalement accéder rapidement à des fonctions de direction grâce à l'impulsion de la loi », analyse Floriane de Saint Pierre.
Mieux, avec 27% de femmes dans les comités de direction, selon le dernier baromètre IFA/Ethics & Broads sur la mixité des instance dirigeantes, la féminisation dans le SBF 120 dépasse, pour la première fois, celle des Comex des 100 premières sociétés américaines (26% de femmes). L'Amérique stagne, la France progresse.
En revanche, le nombre de femmes nommées directrice générale (DG) ou présidente-directrice générale (PDG) reste très faible, même si la France est un peu meilleure dans ce domaine que les Etats-Unis ou l'Allemagne. En France, il y a 6 présidentes-directrices générales (Carmila, Eramet, Euroapi, La Française des Jeux, Nexity et Sodexo) et huit directrices générales, trois du CAC 40 (Engie, Orange, Veolia) et cinq du SBF 80 (Amundi, Bureau Veritas, CGG, Clariane, EutelSat). Même si Air France n'est pas cotée en Bourse (seule sa maison-mère l'est), on pourrait néanmoins ajouter Anne Rigail, directrice générale de la compagnie française.
Alors qu'un directeur général d'une société du SBF 120 reste en moyenne 8 ans en poste, le mouvement de féminisation des directions générales sera mécaniquement plus lent.
Plans de succession
Mais là aussi on peut constater les effets positifs de la loi Rixain : les directrices générales d'Amundi (Valérie Baudson), de Veolia (Estelle Brachlianoff) et de CGG (Sophie Zurquiyah) ont bénéficié d'une promotion interne et venaient déjà du Comex.
« Les femmes qui entrent dans les Comex sont désormais dans les plans de succession pour les postes de DG. Le mouvement ne fait donc que s'amorcer », relève Floriane de Saint Pierre.
Dans les conseils d'administration, l'objectif de la loi Copé-Zimmerman est largement atteint : la loi fixait un seuil de 40% en 2017 et ce taux de féminisation est de 46,4% pour les conseils du SBF 120. En revanche, il existe toujours une différenciation marquée entre les femmes et les hommes dans les statuts et les fonctions d'administrateur-administratrices. C'est largement dû à l'histoire et à la loi.
Le poids de l'histoire
A partir des années 2010, les entreprises se sont mises à recruter des femmes administratrices pour respecter la loi. En parallèle, elles ont également mis à profit cette opportunité pour aller chercher des profils ou des compétences dont elles avaient besoin et qui manquaient au sein de leur conseil. Les premières administratrices sont ainsi entrées dans les comités d'audit, car beaucoup de femmes avaient un profil financier.
Mais très vite, des profils internationaux ont été privilégiés et la féminisation des conseils a accompagné l'essor de sujets jusqu'ici largement ignorés, comme la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ou les ressources humaines, voire des sujets très « techno », comme la numérisation. La surreprésentation des femmes dans le statut « indépendant » s'explique pour une large part pour des raisons de définition, notamment la longueur d'un mandat (12 ans) pour ne plus être considéré comme « indépendant ».
Plus inquiétant peut-être est l'absence de femmes elles-mêmes fondatrices « première génération » de sociétés dans les conseils d'administration. « Ce qui pose au passage la question de l'accès au financement des femmes entrepreneurs », estime Floriane de Saint Pierre. Tout n'est pas encore complètement rose au pays de la mixité des dirigeants d'entreprise.