Finances locales : le Premier ministre tente de calmer la grogne des élus

Dégrèvement de la taxe d'habitation et non pas suppression, prise en compte des évolutions tendancielles des dépenses des collectivités avant de leur imposer des économies, etc. Édouard Philippe, lors de la 17e Conférence des villes, a tenté de calmer les esprits surchauffés des élus locaux.
Jean-Christophe Chanut
Le Premier ministre Edouad Philippe, intervenant lors de la 17e conférence des villes, a tenté de rassurer les élus locaux inquiets de la suppression de la taxe d'habitation et du plan d'économies de 13 milliards d'euros demandés aux collectivité locales.

« C'est moins pire que ce nous craignions mais ça reste tout de même insupportable »... C'est en ces termes qu'André Laignel, maire d'Issoudun et président du comité des finances locales, a accueilli les annonces du Premier ministre sur les rapports financiers entre l'Etat et les collectivités locales lors de la 17e Conférence des villes, organisée par France Urbaine, l'association qui regroupe les grandes villes et les grandes intercommunalités, présidée par Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse. De fait, sur les grands sujets qui fâchent actuellement les élus locaux - suppression de la taxe d'habitation, demande de 13 milliards d'euros supplémentaires d'économies, baisse drastique des emplois aidés, etc. - le Premier ministre a apporté quelques précisions qui ont mis un peu de baume au cœur des élus... sans totalement les rassurer, tant « la sensibilité des élus locaux est actuellement extrême », comme l'a souligné Jean-Luc Moudenc.

En premier lieu, ce qui inquiète surtout les collectivités locales, à tous les échelons, c'est donc la volonté d'Emmanuel Macron de leur faire réaliser 13 milliards d'économies sur la durée du quinquennat, au titre de leur participation aux 60 milliards d'euros de baisse des dépenses publiques annoncées. Comme aime à le répéter Philippe Richert, président (LR) de Régions de France et de la région Grand Est : « Entre 2015 et 2017, sur les 50 milliards d'euros d'économies prévues par Manuel Valls, les collectivités devaient en faire 11, la Sécu 18 et l'Etat 21. Résultat, Les collectivités en ont fait 10, la Sécu 13 et l'Etat...3 ! In fine, on a l'impression que ce sont toujours les collectivités qui font la plus grosse part du boulot et pas l'Etat. »

Pas de baisse des dépenses, plutôt une... maîtrise de leur hausse

Edouard Philippe s'est voulu rassurant en expliquant partiellement la façon dont l'Etat compte s'y prendre pour demander aux collectivités cette coupe de 13 milliards d'euros.

« Vous avez bien sûr tous en tête le chiffre de 13 milliards. Les 13 milliards d'euros d'économies que l'Etat vous demande de réaliser sur cinq ans. Mais il est une précision de taille qu'il est bon de rappeler dans cette assemblée. C'est qu'il ne s'agit en aucun cas d'une baisse nette de votre dépense locale. Nous, nous vous demandons de maîtriser sa hausse, c'est très différent ! C'est-à-dire que vos dépenses vont bien continuer à augmenter en valeur absolue. Mais nous vous demandons d'infléchir la courbe, afin de limiter cette augmentation. Il faut donc raison garder. »

C'est ainsi la méthode « tendancielle » que compte adopter le gouvernement, ce qui correspondait à une demande des associations d'élus locaux. Concrètement, il s'agit de prendre en compte pour les collectivités, sur l'ensemble du quinquennat, une trajectoire d'évolution tendancielle des dépenses et de calculer l'effort de 13 milliards à partir du point théorique en fin de quinquennat. De fait, les collectivités connaissent des dépenses incompressibles qui ne dépendent pas de décisions locales. Il s'agit notamment des dépenses liées aux personnels : « glissement vieillesse technicité », revalorisation du point d'indice, revalorisation des carrières, etc. Autant de mesures décidées par l'Etat.

A l'Association des Maires de France, on estime que, globalement, sans que l'on puisse rien n'y faire ce type de dépenses progressent mécaniquement d'environ 1,8% par an a minima mais peuvent atteindre 2,5% certaines années. Sans que cela soit encore confirmé par le gouvernement, l'objectif pourrait limiter la hausse à 1,5%.

Par ailleurs, le Premier ministre a confirmé que pour 2018, il n'y aurait pas de coup de rabot généralisé sur les dotations de toutes les collectivités, comme cela s'était produit sous le quinquennat précédent à hauteur de 11,5 milliards d'euros. A l'avenir, la demande de maîtrise des dépenses passera par un contrat conclu entre chacune des 300 plus importantes collectivités et l'Etat et qui prévoira une trajectoire de baisse des dépenses de fonctionnement. Après un bilan pour vérifier que les engagements ont été tenus, les collectivités « fautives » connaîtraient une nouvelle baisse de leurs dotations.

Pour autant, les élus locaux, à commencer par François Baroin, président de l'Association des maires de France, entendent d'en savoir davantage sur les modalités exactes du dispositif « tendanciel » qui va être décidé, car « le diable se cache dans les détails ». Et André Laignel n'en démord pas, il réclame toujours et encore une loi de finances spécifique aux collectivités locales et veut que l'Etat arrête de transférer aux collectivités des dépenses non créditées : « On s'est pris un milliard d'euros de dépenses par an en plus ces dernières années. »

L'Etat paiera la taxe d'habitation à la place du contribuable

Sur la « suppression » de la taxe d'habitation (TH) également, Edouard Philippe a mis un peu d'eau dans son vin. Cette « suppression » s'échelonnera bien en trois étapes entre 2018 et 2020, soit une perte de ressources budgétaires pour les collectivités estimée annuellement à 10,4 milliards d'euros. En réalité, du moins pour la première année en 2018, techniquement, il ne s'agira pas d'une suppression mais d'un dégrèvement, c'est-à-dire que l'Etat se substituerait au contribuable et verserait aux collectivités le montant dû de TH ainsi que l'a précisé Edouard Philippe :

« Il n'y aura pas d'impact pour les collectivités. L'Etat procédera par voie de dégrèvement, c'est-à-dire qu'il paiera à la place du contribuable local. »

Pour François Baroin « la technique du dégrèvement pourrait permettre au gouvernement d'éviter le risque que le Conseil constitutionnel invalide ce qui aurait pu être une suppression pure et simple de la TH ». André Laignel, lui, n'est que très peu rassuré : « Comment s'assurer de la pérennité du mécanisme du dégrèvement après 2018? Une future loi de finances pourra revenir sur cette technique et décider la suppression pure et simple de la TH. » André Laignel prône par ailleurs une rénovation des bases locatives - qui datent des années 1970 - pour que la TH soit moins injuste... Mais cette mesure effraie nombre d'élus locaux qui craignent de faire des mécontents parmi leurs administrés habitant dans des quartiers « revalorisés » et qui connaîtraient alors une hausse de leur TH... C'est notamment le point de vue de Jean-Claude Boulard le maire du Mans.

Plus globalement, le Premier ministre s'est dit d'accord avec les associations d'élus pour engager une réflexion d'ensemble sur la fiscalité locale. De fait, les associations demandent toutes davantage d'autonomie fiscale pour bénéficier de recettes dynamiques et ne pas dépendre des dotations. A cet égard, Carole Delga, présidente de la région Occitanie a fait part de son inquiétude :

« Actuellement au niveau des régions, dans nos budgets, nous ne disposons que de 8% d'autonomie fiscale puisque notre seule recette propre provient du produit de la délivrance des cartes grises. C'est pour cette raison que j'espère que les engagements pris par la majorité précédente de nous accorder annuellement environ l'équivalent d'un demi-point des recettes de TVA pour financer nos nouvelles compétences seront respectés. »

Reste aussi à connaître le sort du fonds de 450 millions d'euros qui avait été affecté aux régions pour compenser une partie du transfert des compétences économiques anciennement dévolues aux départements. Là aussi, il y a encore un doute qui pourrait être levé mardi 27 septembre quand Bercy va présenter au comité des finances locales les chapitres de la loi de finances 2018 relatifs aux collectivités.

In fine, donc, Edouard Philippe s'est livré à une tentative de déminage face aux élus locaux. Mais, pour ces derniers, beaucoup trop de points restent encore flous. C'est pour cette raison que Jean-Luc Moudenc a plaidé pour que, à l'avenir, l'Etat ne prenne plus aucune décision sans consulter les associations d'élus locaux.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 15
à écrit le 21/09/2017 à 17:09
Signaler
les maires de France dont mla plupart issus de la fonction publique sont gavés depuis des années à l'argent facile sans regarder à dépense ou l'utilité réelle de leur projet. Comme les 3,4 millions de fonctionnaires à réformer pour mettre fin au gas...

à écrit le 21/09/2017 à 13:59
Signaler
Liberté, égalité, fraternité. Cela n'est que le début : une commune augmente de de 54 euros la taxe d'habitation, (selon l'opposition c'est en réalité 79 euros) suite à la perte de l'abattement local. Le Maire reconnaît que ce sera surtout les 20% r...

à écrit le 21/09/2017 à 8:43
Signaler
désolé mais là le gouvernement a raison : voir 3 employés communaux ( un qui ne bouge pas de son camion, un qui balaie le caniveau de droite et l autre celui de gauche) dans un bled de campagne (Yonne) c'est se foutre du monde !! et les impots locaux...

à écrit le 21/09/2017 à 8:00
Signaler
La dépendance des pouvoirs locaux vis a vis de la finance nationale est recherché par ce gouvernement pour mieux imposer les réformes de Bruxelles!

à écrit le 21/09/2017 à 7:31
Signaler
Ce n'est pas les élus qui grognent mais le peuple. En effet , à part quelques petits élus , les autres se gavent en cumulant retraite et différents mandats. Qui paye , c'est toujours les mêmes .Marre de la politique qui favorise toujours les mêmes e...

à écrit le 20/09/2017 à 22:00
Signaler
Bonjour, étant un maire de premier mandat d'une petite commune d'environ 1100 h, la dette communale a été réduite de 39% (depuis 2014) et cette année les 4 taxes communales seront diminuées de 12% ! Tout cela avec une baisse de DGF,. Alors effectivem...

à écrit le 20/09/2017 à 21:57
Signaler
" On vous répète que l état paiera à la place du contribuable" ..Rarement vu un tel foutage de g..Et qui paye pour l état si ce n est le contribuable?

à écrit le 20/09/2017 à 20:02
Signaler
Un scandale, pourquoi prendre en otage 20 % des contribuables qui vont payer cette taxe d'habitation. Pourquoi ne pas la supprimer pour tout le monde. Après tout Monsieur Philippe n'a t-il pas qualifié cet impôt comme injuste? Toujours les mêmes pour...

le 20/09/2017 à 20:39
Signaler
@ BA: 100% d'accord

le 20/09/2017 à 22:41
Signaler
ces mesures DISCRIMINATOIRES et injustes font partie de la devise de la République macronienne l : egalité ...... mais pour certains seulement !!!

à écrit le 20/09/2017 à 19:09
Signaler
doublons et surdoublons , multiplication des élus avec indemnités c'est vrai qu'il y a du ménage à faire ; les impôts locaux ont subis une véritable inflation contrairement aux salaires et retraites

le 20/09/2017 à 22:43
Signaler
... je crois que le burn-out fiscal initié par Hollande nh'est pas près de disparaitre :!

à écrit le 20/09/2017 à 17:27
Signaler
Un les senatoriales sont ce mois ci d'où l'enfumage !!!! deux les collectivites peuvent (doivent ) faire des économies ex de ma communaute de communes de la Sarthe 17 000 habitants 5 maires 28 adjoints 1 president et 5 vis soit 39 payés !!...

le 20/09/2017 à 18:12
Signaler
17 000 habitants 5 maires 28 adjoints 1 president et 5 vis soit 39 payés !!!! 5 communes et combien d'agents municipaux ( fonctionnaires payés par le contribuable )? Vous allez bien en trouver une cinquantaine pour s'occuper a l'année des 10 ronds p...

le 21/09/2017 à 8:48
Signaler
bravo a la Tribune pour la limite de temps attribuée a la rédaction des commentaires !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.