Gabriel Attal : un agenda économique très chargé

Nouvelle réforme du marché du travail, pouvoir d’achat, grève des fonctionnaires, simplification, les dossiers s’accumulent déjà.
Fanny Guinochet
(Crédits : © CHRISTIAN HARTMANN/reuters)

« Dix mesures de simplification immédiates », voici ce que promet Gabriel Attal aux agriculteurs pour tenter de stopper les blocages. Alors que d'autres professions menacent de se joindre au mouvement, le Premier ministre n'a que ce mot à la bouche : « simplifier ». Et pour cause, routiers, commerçants, artisans alertent depuis plusieurs mois : les normes et obligations kafkaïennes de l'administration mettent leurs nerfs à vif. Déjà en novembre, dans La Tribune Dimanche, les trois principales organisations patronales - Medef, CPME, U2P - lançaient un appel au chef de l'État : « Simplifier plus et plus vite. »

En témoignent aussi les premiers résultats de la consultation lancée à l'automne par le ministère de l'Économie. Sur la plateforme Make.org., plus de 30 000 personnes ont laissé éclater leur ras-le-bol face à l'excès de paperasse. Face à ces doléances, le gouvernement prévoit une loi Macron 2, qu'il présentera dès mars ou avril. Avant les élections européennes.

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L'objectif de ce texte ? En finir avec la « France des tracas » : interdire aux différentes administrations de demander la même information, multiplier les guichets uniques pour aider les plus petites entreprises, rendre les appels d'offres moins compliqués, alléger les fiches de paie devenues incompréhensibles pour les salariés, etc. Dans le viseur du gouvernement s'ajoutent quelques rentes, comme le monopole des autoécoles. Le faible nombre de créneaux d'examen est un frein important à l'obtention du précieux sésame : « À cause du manque d'inspecteurs, il faut souvent attendre plusieurs mois pour passer son permis », regrette le député Renaissance Marc Ferracci - très proche d'Emmanuel Macron -, qui propose de passer en revue les conditions de diplômes et de titres professionnels pour ouvrir la profession à d'autres acteurs... Non sans faire grincer les associations de sécurité routière.

Moins de paperasse

« Il faut remettre de l'audace et de l'énergie dans le système », lançait Emmanuel Macron le 16 janvier, lors de sa conférence de presse. « C'est bien joué, puisque dès le lendemain 88 % des Français ont retenu cet engagement, surtout les classes moyennes, qui ont le sentiment que les normes pénalisent en priorité les plus modestes, les plus petits », note le sondeur Bernard Sananes, à la tête d'Elabe. En promettant un choc de simplification, le chef de l'État espère retrouver l'esprit originel de sa doctrine, renouer avec son électorat et redonner du souffle à son second quinquennat.

Pour les syndicats, c'est alerte rouge. Pour se rapprocher du plein-emploi, le gouvernement veut réformer le marché du travail, par exemple en favorisant encore un peu plus les accords d'entreprise sur les accords de branche. De quoi faire bondir Sophie Binet, la cheffe de file de la CGT : « Les ordonnances 2018 ont surtout réduit la négociation, introduit une multitude de dérogations, donc plus de complexités pour les salariés. » Preuve en est aussi, selon elle, la dernière réforme du RSA qui oblige les bénéficiaires à effectuer quinze heures d'activité ou de formation par semaine : « C'est prétendument plus simple pour les allocataires, mais ils ont plus de contraintes, moins de moyens et moins d'interlocuteurs. » Et Sophie Binet de tacler : « À chaque fois qu'Emmanuel Macron propose ce type de mesures, il réduit les droits des travailleurs... Alors, la simplification, c'est surtout pour les patrons ! »

Pouvoir d'achat et grève des fonctionnaires

Attention aussi à l'effet prétexte, prévient par ailleurs Bernard Sanane : « La simplification est une réponse aux attentes des Français pour mettre plus de confiance, mais elle ne peut servir d'alibi. » Et servir à reléguer au second plan les autres demandes des Français, comme le pouvoir d'achat, qui reste la priorité des ménages.

« Dans les rayons, les prix ne baissent pas, les tarifs de l'électricité augmentent le 1er février, les franchises médicales aussi. De quoi nourrir le sentiment de vulnérabilité des Français, qui attendent surtout des hausses de salaires », abonde Sandra Hoibian, directrice du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc). En témoigne l'appel à la grève, jeudi, des fonctionnaires pour des revalorisations de traitement.

Reste que pour l'exécutif, la simplification est un des rares leviers indolores pour les finances publiques. « La dette dépasse les 3 000 milliards d'euros, le déficit 2023 est plus élevé qu'escompté, on ne peut plus faire de chèques... Il faut trouver d'autres moyens d'action », se défend un ministre. Selon le gouvernement, la complexité normative coûterait l'équivalent de 3 % de PIB par an, soit plus de 70 milliards d'euros. Ce qui représente un important gisement d'économies. « On peut gagner en efficacité, en productivité... mais ce ne sera pas une potion magique, ça se mesurera sur le long terme », prévient toutefois Mathieu Plane, directeur adjoint à l'Observatoire français des conjonctures économiques.

Retrouver quelques marges de manœuvre budgétaires permettrait cependant de financer les 2 milliards d'euros de baisse d'impôts promis aux classes moyennes l'an prochain, d'investir dans la transition écologique et de lutter contre ce sentiment de déclassement qui pousse les Français à descendre dans la rue...

Fanny Guinochet
Commentaires 5
à écrit le 29/01/2024 à 10:20
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Il y a du boulot tant notre pays est gangrené par des réglementations ubuesque , une administration pléthorique et un système fiscal paralysant. Comment Attal va t-il pouvoir déboulonner cette masse sclérosante de technocrates qui s'accroche à tous ...

le 29/01/2024 à 12:07
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En effet tout devient ubuesque, pour les particuliers comme pour les entreprises. Education et écoles à la dérive, hôpitaux et médecine dépassés et bien malades, logements farcis de réglementations (DPE, normes, ...), déplacements complexifiés (quell...

à écrit le 28/01/2024 à 10:33
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Ces dernières années, les gouvernements Macron n'ont pas arrêté de pondre de nouvelles normes : agriculture, logement, construction... Difficile de les croire Attal quand il promet de simplifier !

le 29/01/2024 à 9:30
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à lire la presse ) la Renaissance de la politique destructrice serait elle toujours en marche !,? la population n adhère plus

à écrit le 28/01/2024 à 8:50
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Il a bien la tête parfaite de celui qui suit à la lettre la feuille de route des marchés européens. Le bon élève.

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