« Adapter les règles et même les lois » : Gabriel Attal esquisse une nouvelle étape vers l'autonomie corse

« Favoriser le bilinguisme », « répondre au défi de l'immobilier » ou encore « affirmer au sein de la Constitution la reconnaissance d'une communauté insulaire, linguistique et culturelle » ; autant de mesures que le Premier ministre a annoncé, mercredi dans l’hémicycle, vouloir bientôt mettre en œuvre dans le dossier de l'autonomie corse. Gérald Darmanin se rendra début février sur l’île pour un nouveau « point d’étape ».
Gabriel Attal répondait mercredi au député Michel Castellani qui l'a interrogé sur l'avenir de l'autonomie insulaire, pendant une séance à l'Assemblée nationale (ici, une photo d'archive).
Gabriel Attal répondait mercredi au député Michel Castellani qui l'a interrogé sur l'avenir de l'autonomie insulaire, pendant une séance à l'Assemblée nationale (ici, une photo d'archive). (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

« Pouvoir adapter les règles, et même les lois » dans un statut particulier pour la Corse ? C'est en tout cas les mots prononcés par Gabriel Attal mercredi, en réponse au député Michel Castellani qui l'a interrogé sur l'avenir de l'autonomie insulaire, pendant une séance à l'Assemblée nationale.

Mais qu'est-ce que cela signifie d'« adapter les lois » pour un territoire ? Le président Emmanuel Macron avait donné quelques pistes, dans un discours qualifié d'historique par les médias locaux, prononcé le 28 septembre dernier à l'occasion d'une visite sur l'île. « Je souhaite que la Corse bénéficie d'un cadre lui permettant de définir certaines normes et de mieux en adapter d'autres » avait-il expliqué, en précisant qu'il fallait éliminer certains « blocages » liés aux spécificités, notamment historiques et géographiques de la Corse. Dans une région où les sommets ont les pieds dans l'eau, « parfois la loi littorale vient se superposer à la loi montagne », notait le président de la République.

Un processus flou, qui commence à se dessiner

Durant « [son] gouvernement », Gabriel Attal s'est aussi engagé à « renforcer la chambre des territoires »« faire d'Ajaccio une métropole », ou encore « revoir le mode de scrutin pour les élections territoriales ». De nouvelles précisions, donc, dans un processus inédit dont ni les élus corses, ni le gouvernement, ne connaissent parfaitement les contours. À ce titre, en septembre 2023, le chef de l'Exécutif corse, Gilles Simeoni, se félicitait qu'« aucune ligne rouge n'ait été tracée » par le président sur l'autonomie.

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Trois idées principales du processus d'autonomie ont néanmoins été demandées et votées par les élus corses dans leur propre assemblée, en juillet 2023. Ils ont alors voté avec une majorité de 75%, la mise en place d' « un statut de résident », « la co-officialité de la langue corse » et l'octroi des pouvoirs législatifs dans tous les domaines, hors régaliens.

Les nationalistes demandent « Co-officialité », le gouvernement répond « bilinguisme »

Ces demandes n'ont pas été retoquées officiellement par le gouvernement, mais plutôt atténuées, au fil des discours. La co-officialité par exemple, signifierait que la langue corse soit considérée au même titre que le Français sur le territoire. Toujours lors de la séance plénière de mercredi à l'Assemblée, le Premier ministre a cette fois carrément écarté l'idée et en a concrétisé une autre : « Nous voulons créer un service public de l'enseignement qui favorise le bilinguisme ».

En revanche, à la question du « statut de résident », c'est-à-dire l'obtention d'un bien conditionnée à un minimum de nombre d'années vécues sur le territoire, Gabriel Attal n'a pas donné de ligne directrice, si ce n'est qu'il souhaite « répondre au défi immobilier ». Ainsi, si pour l'adaptation des lois et pour la promotion de la langue corse un schéma se dessine, le mystère de la régulation de la spéculation et du problème de l'immobilier, lui, reste entier.

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La mort d'Yvan Colonna, genèse du processus

L'étape de mercredi semble importante, puisque pour la première fois le Premier ministre est allé jusqu'à concrétiser certaines décisions. Démarré en mars 2022, ce dossier a connu de nombreux rebondissements.

Pour rappel : le processus d'autonomie, baptisé « processus de Beauvau », est nommé ainsi en raison de l'adresse du ministère de l'Intérieur, dont Gérald Darmanin est à la tête et en charge du dossier de l'autonomie. Il a démarré à la suite de l'agression d'Yvan Colonna, qui purgeait une peine à perpétuité dans la prison d'Arles pour le meurtre du préfet Erignac survenu en 1998. Attaqué par un autre détenu le 2 mars 2022, Yvan Colonna est décédé de ses blessures deux semaines plus tard. L'annonce a créé une onde de choc sur l'île, les Corses pointant « la responsabilité de l'Etat » dans la mort du prisonnier. De violentes émeutes ont alors éclaté. Le 16 mars, Gérald Darmanin s'est déplacé en urgence en Corse, et a annoncé, pour la première fois, que le gouvernement était « prêt à aller jusqu'à l'autonomie ».

L'enjeu d'un consensus entre les élus corses

Plus tard, en septembre 2023, c'est le président Macron qui s'est rendu sur l'île. Il en avait profité pour acter une avancée dans le processus en proposant de créer « une autonomie à la Corse » à savoir, « une autonomie dans la République, sans désengagement de l'Etat », moyennant un certain nombre de spécificités. À la fin de son discours, il avait demandé à l'ensemble des élus de rendre une copie commune rassemblant les propositions au sujet de l'autonomie.

Toute la difficulté pour l'exécutif Corse réside dans le fait de réussir à faire consensus face au projet d'autonomie tant les avis divergent dans l'échiquier politique, des indépendantistes à la droite. Début février, Gérald Darmanin se rendra donc en Corse et devra travailler de concert avec les élus insulaires qui sont censés présenter une collaboration trans-partisane.

Parallèlement à ce processus, des groupes d'indépendantistes ont tenté de relancer la lutte armée après les « manifestations Colonna », et à travers diverses actions. Des résidences secondaires, des banques, ou institutions étatiques ont été détruites et revendiquées par voie de communiqué par le FLNC et/ou un nouveau groupe nommé la « GCC », « ghjuventù corsa clandestina », qui signifie littéralement « jeunesse corse clandestine ». À plusieurs reprises, le dialogue entre l'état et les élus nationalistes a été retardé à cause de ces évènements

(Avec AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 30/01/2024 à 19:26
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Et rien pour la Meuse Libre ? Non ? Pourtant, on rigolerait bien...

à écrit le 26/01/2024 à 11:31
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Et qu'en dirait le Conseil Constitutionnel si on lui posait la question?

à écrit le 26/01/2024 à 0:05
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Ben voyons et pourquoi pas aussi les Bretons, les Alsaciens, les Ceci et cela .. gouvernements de tanches . Aucune autorité … 1aucun courage politique donc à ne pas respecter !!! Quand aux corses on va leur couper les vivres et on verra de quoi ...

le 26/01/2024 à 13:44
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il ne faut pas être si binaire ! Même l'état reconnais que les iles souffrent de contraintes territoriales que n'ont pas les régions de la métropole. Que la Corses dispose d'un statut équivalent aux caraïbes ne me choque pas. C'est pas si facile d'êt...

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