« Il faut mieux encadrer les ouvertures de restaurants ! » : l’appel au gouvernement de Philippe Etchebest

Le chef, populaire et médiatique juré de Top Chef sur M6, voudrait que les ouvertures de restaurants soient mieux régulées. A la veille du Salon de l’agriculture, le cuisinier bordelais revient également sur la profonde crise que traverse la filière agricole et l’importance de consommer local, notamment dans les restaurants
Philippe Etchebest : « Je ne peux que soutenir les agriculteurs dans leur combat. »
Philippe Etchebest : « Je ne peux que soutenir les agriculteurs dans leur combat. » (Crédits : Julien Theuil /M6)

LA TRIBUNE DIMANCHE- Aviez-vous senti monter cette colère des agriculteurs et la comprenez-vous ?

PHILIPPE ETCHEBEST- Bien sûr, c'était quelque chose de latent. Il n'y a qu'à Paris que les gens ont été étonnés par cette crise. Je ne peux que soutenir les agriculteurs dans leur combat. J'en connais beaucoup, notamment près de ma ferme en Dordogne. Ce sont eux qui nourrissent les Français. Le jour où ils ne seront plus là, ça va faire bizarre ! J'ai regardé dimanche le magnifique film d'Edouard Bergeon Au nom de la Terre avec Guillaume Canet, où l'on voit à quel point le monde agricole souffre depuis des années.

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Pour le consommateur, la question du prix est centrale. Faut-il beaucoup d'argent pour bien manger ?

Je ne le pense pas. Il y a des marchés dans toutes les villes de France, où l'on peut acheter des fruits et des légumes locaux à des prix raisonnables. C'est important également de respecter la saisonnalité des produits et de les « exploiter » au maximum, avec le moins de gaspillage possible. Peut-être que bien manger coûte au final un tout petit peu plus cher. Mais c'est un investissement car, en matière de santé, c'est autant de dépenses en moins en médicaments et en consultations chez le médecin.

En octobre dernier, la ministre déléguée en charge du commerce, de l'artisanat et du tourisme Olivia Grégoire a indiqué dans une interview à La Tribune Dimanche vouloir davantage mettre l'accent sur le « fait maison » dans les restaurants, avec l'obligation de signaler les plats non préparés sur place. Etes-vous satisfait ?

Avec Stéphane Manigold (ndlr : restaurateur parisien), nous étions à l'initiative de cette mesure. On en avait parlé à Emmanuel Macron lors du Salon de l'agriculture. Nous avons en France un savoir-faire qui est reconnu dans le monde entier, il faut entretenir cette excellence, même si cela a un coût pour les restaurateurs. Car celui qui propose des plats faits maison a besoin de davantage de main d'œuvre que son concurrent qui les fait réchauffer dans un micro-ondes. C'est une bonne chose que le gouvernement ait pris conscience de cela et qu'il veuille aller plus loin que le label existant, qui n'est pas suffisant.

Quel est votre prochain combat ?

Il faut mieux encadrer les ouvertures de restaurants ! Aujourd'hui, n'importe qui peut en ouvrir un, en suivant une formation de seulement deux jours et demi ! Ça n'est pas possible de continuer ainsi ! Restaurateur, c'est un métier qui doit s'apprendre au cours de vraies études. D'autant qu'on a la chance d'avoir en France d'excellentes écoles. Ce n'est pas rien de donner à manger aux clients : il y a des risques sanitaires si on ne maîtrise pas tous les codes en matière d'hygiène. On l'a vu récemment avec plusieurs drames... Est-ce que vous iriez chez un dentiste qui n'a pas de diplôme ? Il est nécessaire de mettre en place un examen. Cela permettrait de préserver notre métier et notre savoir-faire.

On a pu vous entendre également ces dernières années sur la question des charges salariales...

Nous faisons un métier de service, qui nécessite beaucoup de personnel. Le coût de notre masse salariale est trop élevé aujourd'hui. Il faudrait réduire les charges et cela permettrait de mieux rémunérer nos collaborateurs. Sur le plan macro-économique, ça créerait un cercle vertueux car une hausse des salaires augmente ensuite la consommation. J'en ai parlé plusieurs fois à Bruno Le Maire. Il est nécessaire de récompenser ceux qui travaillent. Il y a des personnes qui n'arrivent pas à vivre de leur métier et d'autres qui vivent de ne pas travailler. Dans notre secteur, il y a de très belles perspectives d'évolution professionnelle... mais il faut nous aider.

Le palmarès du Guide Michelin 2024 sera dévoilé le 18 mars prochain. Espérez-vous une deuxième étoile ?

Je suis un compétiteur, donc la défaite n'est pas envisageable pour moi ! (rires). C'est un rendez-vous très important pour mes équipes également. Dans mon restaurant La Table d'Hôtes, mes gars n'y croyaient pas quand on a obtenu une étoile six mois seulement après son ouverture. Après, l'objectif est de toujours faire mieux. J'aspire bien sûr à avoir une deuxième étoile à Maison Nouvelle (ndlr : son deuxième restaurant bordelais étoilé). Est-ce que ça arrivera au mois de mars ? Ce n'est pas moi qui décide. Mais, vous savez, j'ai toujours pensé d'abord à être un bon chef, c'est ça qui m'importe le plus. Les étoiles sont venues ensuite.

La quinzième saison de Top Chef - où vous êtes juré depuis 2015 - débute sur M6 le 13 mars. Ne craignez-vous pas de faire la saison de trop ?

Il n'y aucune lassitude. Les saisons se suivent mais ne se ressemblent pas. La production nous réserve toujours des surprises concernant la mécanique du programme. On découvre également à chaque fois de nouvelles personnalités, avec des jeunes candidats dont la fraicheur et le culot nous nourrissent. Le jour où j'en aurai marre, j'arrêterai. La télé est une parenthèse dans ma carrière et elle se refermera un jour. Quand j'ai commencé mon premier tournage de Cauchemar en cuisine en 2010, je n'aurais jamais pensé que ça durerait si longtemps.

Cette émission a contribué à la « starification » des chefs, alors que ce n'était pas un métier très à la mode autrefois...

C'est vrai. C'était même considéré comme une « voie de garage » à mon époque. Quand un gamin ne pouvait pas continuer les études, il y avait soit la mécanique, soit la cuisine. Pourtant, c'est un métier d'art, avec un savoir-faire et une véritable tradition culturelle. Je trouve cela très positif que Top Chef ait contribué à mettre en avant ce métier et les valeurs qu'il véhicule.

Parmi les chefs médiatisés, vous êtes le plus populaires dans les sondages. Comment l'expliquez-vous, c'est votre côté grande gueule ?

Je ne cherche pas à plaire. Je pense que c'est cette authenticité que les téléspectateurs apprécient. Je suis direct et sans tabou. Et quand je parle, ça a le mérite d'être compréhensible par tout le monde. Mais il ne faut pas non plus me cantonner à mes coups de gueule. Les gens qui viennent dans mes restaurants sont surpris par le calme ambiant et parfois presque déçus de ne pas m'entendre brailler (rires). Il y a l'image qu'on renvoie et celui qu'on est vraiment.

Avec toutes vos activité (programmes télé, musique, missions humanitaires...), est-ce que vous avez vraiment le temps d'être derrière les fourneaux de vos restaurants ?

Ça serait mentir de vous dire que j'y suis à 100%. On essaie d'organiser au mieux les tournages de mes émissions et mon planning afin que cela ne pénalise pas mon activité de restaurateur. Mais même quand je ne suis pas physiquement présent au Quatrième mur, je fais un Facetime avec les clients au moment de l'apéritif. Cela me permet d'échanger avec eux pendant cinq minutes. Ils sont très touchés par cette attention.

Top Chef, saison 15

Serez-vous plutôt pour la brigade grise ou pour la brigade orange ? Pour sa quinzième saison, qui commencera le mercredi 13 mars prochain, l'émission Top Chef annonce plusieurs changements dans le déroulé de sa compétition culinaire. Exit l'organisation habituelle des brigades, puisque deux femmes rejoignent le jury : Dominique Crenn, triplement étoilée aux Etats-Unis et Stéphanie Le Quellec, doublement étoilée à Paris et également ancienne candidate de l'émission. Avec Hélène Darroze, elles constitueront l'équipe orange, qui affrontera l'équipe grise des chefs Glenn Viel, Paul Pairet et Philippe Etchebest. Une division très genrée pour une confrontation de toques améliorée de nouvelles épreuves : cuisiner dans le mythique train Simplon-Orient-Express, réaliser un immense banquet pour cinquante anciens candidats de Top Chef, qui reviendront pour l'occasion et le retour de la fameuse épreuve de la « boîte noire » qui sera jugée par des Meilleurs Ouvriers de France...

CL

Commentaires 11
à écrit le 24/02/2024 à 10:10
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Les intoxications alimentaires en restauration (= hors de chez soi) ont augmenté en 2023, déjà à cause de conserves de sardines à l’huile faites maison (botulisme). On ne s'improvise pas conservateur. On s'étonne parfois de rappels de produits par p...

à écrit le 23/02/2024 à 10:51
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Pour commencer il faut savoir que 90% des restaurants ne sont en fait que de banales brasseries qui ne proposent que du surgelé micro ondes .Pour le reste ce serait une atteinte à la liberté d'entreprendre et à voir des établissements disparaitre au...

le 24/02/2024 à 9:05
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@Idx : en même temps, trop de liberté d'entreprendre conduit à l'apparition d'entreprises intégrant le social dans leur modèle économique, en fait, au nom de la "valeur travail", on subventionne l'inefficacité économique...

à écrit le 23/02/2024 à 8:15
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Il y a déjà trop de règles. La seule discipline qui marche est la concurrence et le bouche à oreille. Il faut pluscontroler les pesticides dans les produits à la vente mais sans besoin d'encadrement. Cette mentalité hyperegulatrice est le cancer qui...

le 23/02/2024 à 8:44
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C est plutôt l inverse qui détruit notre santé et ne rien Faire ça la génération des baby- boomers nous a montré l exemple depuis 40 ans: explosion des cancers et des maladies chroniques dans l emisphere Nord nourris aux engrais chimiques, pesticid...

le 23/02/2024 à 9:00
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Je ne dis pas qu'il ne faut pas moins de pesticides, je dis que la méthode socialo-regulatrice avec plein de procedures, n'a jamais marché et ne marchera jamais. Il faut plus de controles et moins de règles et procrdures et des sanctions à posteriori...

le 23/02/2024 à 10:54
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@AdieuBCE : c'est la régulation étatique qui a largement conduit à augmenter l'espérance de vie de pays de paysans arriérés et alcooliques...

à écrit le 23/02/2024 à 7:47
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Encore un rentier réfractaire à toute forme de concurrence tandis que la France s'inscrit dans le marché commun européen... Serait-il pour interdire l'ouverture de restaurants de cuisine exotique dont les produits agricoles traversent la moitié ...

le 23/02/2024 à 11:16
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C'est bien le problème en France, pour vivre de son travail sans dépendre du social, il faut bénéficier d'une rente de situation et quand on libéralise une profession, le sociai se substitue au salaire et les bons professionnels sont dégoûtés, les pl...

le 24/02/2024 à 9:25
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Les restaurants italiens ou grecs, par exemple, ils utilisent souvent des produits venant de loin. Les boulettes surgelées Pic* fabriquées en Suède avec de la viande française et allemande, c'est sans doute parce qu'ils ne veulent pas révéler leur re...

à écrit le 23/02/2024 à 7:31
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Ben une éleveuse que je connais, qui 20 ans de métier après continue d'avoir les larmes aux yeux à la naissance d'un veau quand même, n'a pas fait grève avec la FNSEA, tout ces gros tracteurs à 200000 balles ça l'a complexé ! Elle dit que ça ne la dé...

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