« Il faut un grand récit national sur la réindustrialisation ! » (Sébastien Martin, président du Grand Chalon)

ENTRETIEN- Alors que le futur projet de loi Industrie Verte est sorti ce lundi 3 avril, deux initiatives mises en œuvre sur le Grand Chalon sous l’impulsion de son président, Sébastien Martin, ont été reprises au niveau national. Il s’agit de la multiplication des sites industriels clés en main et de la création de diplômes d’enseignement supérieur dans les territoires, au plus près des entreprises.
(Crédits : Grand Chalon)

LA TRIBUNE- Quelle est la particularité de Chalon-sur-Saône en matière de développement économique ?

SÉBASTIEN MARTIN- Chalon-sur-Saône doit son développement à la croissance industrielle qu'elle a pu connaître depuis le milieu du 19ème siècle et jusqu'à aujourd'hui. L'industrie représente encore un emploi sur quatre. C'est le secteur qui fait que ce territoire peut avoir un destin positif. Sur des réserves foncières de plus de 100 hectares, comme SâoneOr, nous aurions pu mettre des belles plateformes logistiques et le terrain serait déjà occupé à 100%. Mais, ce n'est pas le choix que nous avons fait. Dès 2015, nous avons décidé que le développement de l'industrie était une filière prioritaire pour le territoire.

Nous avons bâti une stratégie sur trois axes : le foncier avec un site industriel clé en main : SâoneOr, la ressource humaine avec la formation et l'enseignement supérieur et une volonté de revenir à 3.000 étudiants, puis une mission de développement économique, qui a regroupé l'ancienne direction du développement économique et l'Agence de développement économique en une seule mission qui m'est directement rattachée, parce que je pense que les patrons veulent parler au patron.

Chalon-sur-Saône a été une ville très industrielle, comment rebondit-elle aujourd'hui ?

L'histoire industrielle est justement une force pour pouvoir se projeter. Si vous n'avez pas de terreau industriel, ni un minimum de culture industrielle, c'est difficile en termes de compétences, et en termes d'acceptation des projets par la population.

Effectivement, nous avons rencontré des accidents économiques comme Kodak, mais ce territoire a toujours su rebondir. Dans les années 90, quand Creusot-Loire - ancienne société sidérurgique créée en 1970 - a été liquidée, il y avait 2.500 personnes qui y travaillaient. Et pour autant, nous sommes encore là parce que ce territoire a toujours eu une stratégie de diversification. Nous n'avons pas une mono industrie. Il y a à la fois de l'agroalimentaire, de la mécanique, de la métallurgie, du nucléaire avec Framatome en tête, l'industrie verrière, la plasturgie, etc... Nous avons cette force d'avoir un tissu économique suffisamment diversifié pour que, lorsqu'il y a un accident dans un secteur, finalement, les autres prennent le relais.

D'autre part, il y a un volet indispensable aujourd'hui, c'est l'investissement dans l'enseignement supérieur. L'industrie de demain aura besoin de plus de valeur ajoutée, et de plus de compétences. Il faut donc rapprocher les lieux de formation et d'enseignement supérieur.

Quels sont les freins à ce développement ?

Un département comme la Saône-et-Loire, en termes démographique, a des perspectives qui peuvent paraître inquiétantes si rien n'est fait. C'est un département qui est plutôt vieillissant. Premièrement, face à ce constat, nous devons tout mettre en œuvre pour accueillir les entreprises car cela amène aussi des ménages. Deuxièmement, il faut investir dans l'enseignement supérieur pour garder nos jeunes. Et pour en faire venir.

Et puis troisièmement, avoir des services publics qui répondent aux familles. Le Grand Chalon, sous le précédent mandat, a continué à mettre en place une politique très volontariste en matière de développement de l'offre de la petite enfance. Nous avons investi entre 2015 et 2025 à peu près 1 million d'euros par an sur l'offre petite enfance.

En quoi « la réindustrialisation est la seule alternative possible » pour notre pays ?

Ce pays a à nouveau besoin de croire en lui-même, et a un nouveau besoin d'avoir un projet collectif rassembleur, positif et qui le tire vers le haut. Les Français ont bien vu, qu'avec la crise COVID, la désindustrialisation était une catastrophe. La réindustrialisation du pays, c'est à la fois un objectif économique, un objectif de création de richesse et d'aménagement du territoire. Et c'est enfin, un vrai enjeu de cohésion nationale. La réindustrialisation permettra à nouveau de créer de la valeur sur notre territoire, de créer de la richesse, d'avoir des niveaux de rémunération plus intéressants et d'avoir une vraie dynamique positive pour ce pays. C'est pour cela qu'il faut un grand récit national. Il faut emmener tout le monde : les élus et la population. La réindustrialisation, c'est la clé de beaucoup de nos difficultés.

Et vous êtes également pour une décentralisation constructive. Alors en quoi le fait d'avoir un État accompagnant plutôt que décideur est-il bénéfique pour les territoires ?

L'État doit envoyer un signal fort de ce grand récit national autour de l'industrie, en s'adressant à la fois aux présidents d'intercommunalités, aux maires, aux concitoyens. J'attends de l'État qu'il emmène tout le monde et qu'il nous donne les moyens de le faire. Après, nous qui connaissons nos territoires, nous saurons aller chercher les fonciers, reconfigurer les friches, faire les études environnementales, les études quatre saisons, les études archéologiques. Certes, ces démarches coûtent de l'argent. Pour SaôneOr, nous avons dû dépenser 250.000 euros mais finalement ce n'est pas si important, par rapport au retour sur investissement. Aujourd'hui, dans la majorité des dossiers que nous avons, être site industriel clé en main, c'est une condition essentielle. Sinon, il y a trop d'incertitudes pour une entreprise à s'installer. Par exemple, pour Vicky Food, il ne leur restait plus que le permis de construire et l'étude ICPE (installation classée au titre de la protection de l'environnement) à réaliser.

J'ai dit à Bruno Le Maire qu'il fallait à nouveau un plan massif de sites industriels clés en main, pour que lorsqu'un projet arrive de l'étranger, Business France, puisse tout de suite l'orienter vers le foncier le plus intéressant en termes d'offre de services, de raccordement routier, etc... Il nous faut un catalogue des sites industriels clés en main sur tout le territoire national.

Comment est-ce que Chalon se prépare à la quatrième révolution industrielle ?

À travers le projet de l'Usinerie (cf article La Tribune), l'idée est vraiment de proposer deux choses. À la fois, un vrai parcours d'enseignement supérieur allant du bac jusqu'au doctorat, autour de la thématique de l'industrie du futur, avec une licence numérique qui est proposée par le CNAM, qui peut basculer sur un master 1, et un master 2 proposé par l'Ensam, auquel s'ajoutent des licences proposées par l'UIM, ainsi que deux formations en IUT « science et génie des matériaux » et « génie industriel et maintenance ». Sans oublier, un titre d'ingénieur « intelligence artificielle et Big data » qui est une union entre UIMM, le Cnam et l'Ensam. C'est une filière de formation autour de l'industrie du futur.

Et puis, la société d'économie mixte (SEM), Usinerie Partners, est là pour accompagner les entreprises dans leur projet de digitalisation qui peut aller du simple ERP, c'est-à-dire un logiciel qui gère tout votre process, aux robots, jusqu'à la réalité augmentée. Nous avons une dizaine d'entreprises qui sont accompagnées par l'Usinerie Partners sur des projets de digitalisation. L'idée est de créer un vrai pôle ressources pour permettre aux PME/PMI et même aussi aux représentants des grands groupes d'être accompagnés dans cette révolution industrielle qui est le digital.

Commentaires 22
à écrit le 11/04/2023 à 20:39
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« Il faut un grand récit national sur la réindustrialisation ! » Tu m'étonnes : Sébastien Martin, président du Grand Chalon, ne soutient pas la majorité présidentielle Malgré tout, le nom de cet élu divers droite qui préside l’Association des in...

à écrit le 11/04/2023 à 20:22
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"Il faut un grand récit national sur la réindustrialisation" ....................... Non, il faut agir !

à écrit le 11/04/2023 à 18:56
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Poussé par pépé Schwab de davos, Macron veut vendre son énergie verte en devenir aux Pays-Bas sauf que, ça ne se passe pas ttàfait comme prévu! F Asselineau "MACRON «PRÉSIDENT DE LA VIOLENCE ET DE L'HYPOCRISIE»! C'est ainsi...

à écrit le 11/04/2023 à 16:13
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Comment voulez vous encourager des industriels à revenir si les conditions qui les ont fait partir restent les mêmes ? Nous sommes toujours addictes à l'augmentation permanente des dépenses publiques avec son corolaire, l'augmentation des taxes et im...

le 11/04/2023 à 17:46
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Réindustrialiser la France alors que l' UE a fait évader ele industries à l' est demeure une gageure pour les seuls niais. Deuxième rappelle après celui matutinal, depuis Maastricht c' est - 60%! Macron ne sait même pl...

le 11/04/2023 à 18:44
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où sont les augmentations de taxes et d'impôts dont vous parlez et depuis quand ? C'est un peu facile d'expliquer que ce sont les taxes qui entrainent la désindustrialisation là ou la désindustrialisation s'accélère de baisse en baisse. La vérité c'...

le 13/04/2023 à 2:29
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C'est clair Tototiti, que revenir et rapatrier ses capitaux en France releverait d'une egarement total. Jamais oh grand jamais, meme pour faire du tourisme. Ce pays est devenu invivable.

à écrit le 11/04/2023 à 14:42
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On n'a que faire de récit. On a chaque jour des discours creux, inefficaces et suivis de rien. On veut des mesures concrètes, de bon sens, applicables immédiatement, et la suppression de multiples couches de normes, règles, et paperasseries en tous g...

le 11/04/2023 à 14:55
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"suppression de multiples couches de normes " après quoi vous serez le premier à vous plaindre des moindres nuisances qui vous gâchent la vie entre le bruit de jour comme nuit , la pollution de l'air etc.... et ne perdez pas de vue que les normes ...

le 11/04/2023 à 16:41
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On n est plus dans les années 60-70… tous les pays ont des normes mêmes aux usa .. et côté procédure sur certains sujets pour y avoir vécu les usa sont bien pire que la France …

le 11/04/2023 à 16:44
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On n est plus dans les années 60-70… tous les pays ont des normes mêmes aux usa .. et côté procédure sur certains sujets pour y avoir vécu les usa sont bien pire que la France La seule différence c est que plus vous être gros et bardé de cabinets ...

le 11/04/2023 à 16:45
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On n est plus dans les années 60-70… tous les pays ont des normes mêmes aux usa .. et côté procédure sur certains sujets pour y avoir vécu les usa sont bien pire que la France La seule différence c est que plus vous être gros et bardé de cabinets ...

le 11/04/2023 à 16:45
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On n est plus dans les années 60-70… tous les pays ont des normes mêmes aux usa .. et côté procédure sur certains sujets pour y avoir vécu les usa sont bien pire que la France La seule différence c est que plus vous être gros et bardé de cabinets ...

à écrit le 11/04/2023 à 14:20
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Un récit, c'est sympa, mais des sous pour financer les projets, c'est mieux🌝

à écrit le 11/04/2023 à 10:59
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Il y a deux cents écoles d'ingénieurs en France réparties sur l'ensemble du territoire . L'export de son côté est quand même l'un des trois moteurs de la croissance avec la consommation et l'investissement . Quant à sciences po l'ena ( qui n'exist...

le 11/04/2023 à 12:26
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Rappelez-nous dans la foulée combien l' UE a sacrifié d'' emplois industriels français pour apporter l' otan aux frontières de la Russie et pour rendre l' est de l' europe appétent aux idées dévosienne grâce, grâce notamment, ...

le 11/04/2023 à 12:48
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sans remise en cause des dirigeants qui ont saborde l'industrie francaise la reconstruction sera tres difficile car bon nombre d'obstacle sont toujours en activite la reconstruction sur le modele d'apres guerre n'est pas possible reconstruire ave...

à écrit le 11/04/2023 à 10:25
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Récit de béni oui oui. L'industrie c'est de la fiscalité de la fiscalité et de la fiscalité, le tout associé à des lois environnementales adaptées et protectrices et surtout DES ÉCOLES d'INGÉNIEURS et des emplois associés corrolaires de la FISCALITÉ...

à écrit le 11/04/2023 à 10:09
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Il y a bcp de bon sens, surtout sur les sites industriels clés en main et sur l'enseignement supérieur, mais on ne parle pas de la formation non supérieure. En plus je crois qu'il faudrait prioriser pour ces sites les PMI et les start-up avec enraci...

le 11/04/2023 à 11:10
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Formation non supérieure au minimum bac pro, à moins difficile de suivre les évolutions techniques de l'aveu même d'un artisan plombier .Et encore faut-il s'inscrire dans un programme de formations continues comme dans la réparation automobile en pr...

à écrit le 11/04/2023 à 9:25
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"Il faut un grand récit national sur la réindustrialisation" il faut surtout substituer au modèle Sciences PoPo, ENA un modèle de gouvernance faisant la part belle aux ingénieurs scientifiques visionnaires.

à écrit le 11/04/2023 à 8:31
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L'industrie robotisée ne fait pas rêver même peinte en vert ! Travailler pour l'export non plus, car il font la même chose !

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