Réindustrialisation et zéro artificialisation nette (ZAN) des sols : une équation impossible ?

Dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l'industrie verte, les ministres concernés ont reçu, ce 3 avril à Bercy, les parlementaires et les patrons missionnés. Au volet « ouvrir des usines, réhabiliter des friches, mettre à disposition des terrains », qualifié de « chantier le plus essentiel » par Bercy en février, la députée (Horizons) de Seine-Maritime Marie-Agnès Poussier-Winsback, la maire (ex-LR) de Montceau-les-Mines et présidente du Cerema (Services de la Première ministre) Marie-Claude Jarrot, ainsi qu'un représentant d'Ilham Kadri, pdg de Solvay, ont dévoilé huit propositions sur les questions foncières. Le tout en veillant à l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050. Décryptage.
César Armand
(Crédits : Reuters)

Annoncé par Bruno Le Maire lors de ses vœux du 5 janvier, le projet de loi sur l'industrie verte commence à prendre forme. Ce texte a vocation « à accélérer les processus d'autorisation des nouveaux sites industriels, à favoriser la commande publique nationale, à financer l'innovation industrielle avec France 2030, à réorienter l'épargne et à créer un environnement fiscal plus attractif pour l'industrie verte », dixit le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

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Trois mois plus tard, ce dernier ainsi que ses collègues Roland Lescure (Industrie) et Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires) viennent d'inviter, ce 3 avril à Bercy, les parlementaires et les patrons missionnés par le gouvernement pour nourrir le texte qui devrait être présenté en Conseil des ministres en juin.

Huit propositions sur les questions foncières

Au volet « ouvrir des usines, réhabiliter des friches, mettre à disposition des terrains », qualifié de « chantier le plus essentiel » par Bercy en février, la députée (Horizons) de Seine-Maritime Marie-Agnès Poussier-Winsback, la maire (ex-LR) de Montceau-les-Mines et présidente du Cerema (Services de la Première ministre) Marie-Claude Jarrot, ainsi qu'un représentant d'Ilham Kadri, PDG de Solvay, ont dévoilé leurs huit propositions.

Les trois porte-paroles proposent ainsi de « préparer plus de sites  "clés en mains" pour réduire les délais d'implantation », reprenant, à leur compte, une proposition des Intercommunalités de France, l'association d'élus locaux, ou encore d'« accélérer la dépollution des terrains industriels », mais aussi de « repenser les garanties financières pour dépolluer les terrains industriels ».

Sans oublier « réduire les délais de la Commission nationale du débat public », « paralléliser et améliorer les procédures administratives », « favoriser l'économie circulaire » et « sécuriser les porteurs de projets et clarifier le cadre des contentieux environnementaux ».

A cela s'ajoute l'idée-force de « renforcer la planification des implantations industrielles dans les territoires ». Si chaque intercommunalité est compétente en matière d'urbanisme et donc de l'implantation des zones industrielles, « certaines contraintes se posent à une échelle supérieure », rappellent les rapporteures de ce groupe de travail.

Atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050

Pour les sites de grande superficie, l'identification et la préparation des sites doit être effectuée à un niveau plus large pour atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, soulignent-elles. C'est en effet au niveau régional que s'élaborent les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

Sauf que si les implantations logistiques doivent faire l'objet d'une planification dans ces SRADDET, ce n'est pas le cas des implantations industrielles. Aussi Marie-Agnès Poussier-Winsback, Marie-Claude Jarrot et Ilham Kadri suggèrent d'introduire un volet industriel dans les SRADDET et recommandent d'orienter les efforts des intercommunalités vers « une meilleure attractivité globale de la région » et ce « sans nuire à l'objectif de ZAN ».

C'est ce que fait déjà le conseil régional d'Île-de-France dans le cadre de son schéma directeur régional (SDRIF) présenté un peu plus tôt dans la matinée (cf. encadré à la fin de l'article, Ndlr).

La Banque des territoires et un préfet à la rescousse

C'est pourquoi le gouvernement a d'ailleurs mandaté la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) et le Cerema (Services du Premier ministre) pour concevoir et créer un portail foncier, d'abord à destination des investisseurs mais qui soit aussi utile aux collectivités concernées. Autrement dit, recenser les friches pour pouvoir reconstruire la ville sur la ville.

« Il faut trouver du foncier mais les usines, vous ne les installez pas comme vous posez votre table de pique-nique dans la nature. Il faut donc un foncier adapté, il faut un raccordement à l'énergie, un raccordement au haut débit, une desserte ferroviaire ou une desserte routière importante [mais] il est hors de question d'artificialiser au terme de désartificialisation », confie, à La Tribune, Olivier Sichel, directeur de la Banque des territoires.

« C'est un chantier très important qui viendra compléter celui qu'il nous faut plus globalement mener auprès de nombreuses entités publiques comme privées pour débusquer le foncier « invisible ». En substance, la problématique consiste à identifier et valoriser de nouveaux gisements dans un contexte de réduction de l'artificialisation (trajectoire ZAN). Il faut donc s'occuper du stock, du flux et du caché ! », appuie le préfet Rollon Mouchel-Blaisot, également missionné sur la « mobilisation du foncier industriel ».

Lire aussiMobilisation du foncier industriel : « Il faut s'occuper du stock, du flux et du caché ! » (Rollon Mouchel-Blaisot)

Ce dernier doit remettre une contribution intermédiaire dans un mois dans la perspective du sommet de l'attractivité « Choose France » qui se tiendra à Versailles le 15 mai prochain. Un avant-goût du projet de loi qui sera présenté au Conseil des ministres quelques semaines plus tard avant des débats au Parlement au début de l'été.

Comment la région Île-de-France concilie réindustrialisation et ZAN

Hasard du calendrier, le vice-président (UDI) du conseil régional d'Île-de-France, Jean-Philippe Dugoin-Clément, vient de présenter, également ce 3 avril, le schéma directeur de la région IDF (SDRIF). Ce document de planification prévu par les Codes de l'environnement et de l'urbanisme vise à « corriger les disparités spatiales, sociales et économiques », à « coordonner l'offre de déplacement » et à « préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable ».

« Nous avons un double souhait : rester la première place économique et financière européenne, renforcée par les relocalisations post-Covid, et accroître notre souveraineté productive », explique, à La Tribune, Jean-Philippe Dugoin-Clément.

En parallèle, la région s'est fixée comme objectif de réduire de 20% l'artificialisation nette des sols par décennie, avant d'atteindre, conformément à la loi, la zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050.

« Nous voulons garder un potentiel de réindustrialisation et de développement économique, en réservant 28.000 hectares [2,5 fois les Hauts-de-Seine, Ndlr] à la souveraineté productive », poursuit le vice-président du conseil régional chargé du SDRIF.

14.000 hectares sont ainsi dédiés aux « filières d'avenir », type gigafactories, sur 50 sites répertoriés existants ou en phase de mutation urbaine. De même, 13.000 sont « préservés » pour les sites économiques établis, auxquels s'ajoutent 600 hectares nouvellement créés pour des nouveaux sites. Sans oublier l'agriculture qui sera « confortée ».

Par exemple, les data centers devront être « exemplaires » en matière d'environnement. Autrement dit, alimentés en chaleur fatale et érigés sur des sites pollués et des friches ­« dès que cela est possible ». Les professionnels devront en outre « travailler sur leur intégration urbaine et paysagère ».

César Armand

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Commentaires 4
à écrit le 03/04/2023 à 19:39
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Une honte, j'ai espoir que l'idée du départ était belle et bienveillante mais entre la loi alur, la loi Élan qui a pour but de lutter contre la pénurie de logements et maintenant la zan et la disparition des gardes fou comme le COS . C'est mettre des...

le 04/04/2023 à 12:50
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j'aimerais savoir lorsque une usine est a l'arret pour un manque d'approvision si l'acheteur de l'entreprise est vire pour faute grave ce qui ne semble pas le cas au vu de leur impertinence dans les entreprise sont il comme nos dirigeants jamais r...

à écrit le 03/04/2023 à 19:12
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L'industrie verte n'a pas besoin d'une artificialisation des sols pour croître et cela depuis des milliers d'années ! ;-)

à écrit le 03/04/2023 à 19:11
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Nous le savons tous, BLM est un ravi, pas de la crèche enfin pas tt à fait mais de ChatGPT capable d' écrire un discours en 5 mn. . F Asselieneau "Il avoue ainsi qu'un discours creux et artificiel lui convient très bien. Il n'...

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