Journée des droits des femmes : « Les femmes doivent devenir des sujets économiques autonomes » (Marie-Pierre Rixain)

ENTRETIEN - A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, la députée Marie-Pierre Rixain a déposé une proposition de loi à l'Assemblée nationale visant à accélérer l’égalité fiscale et successorale entre les femmes et les hommes. Déjà auteur d'une loi destinée à faciliter l’égalité économique et professionnelle promulguée en 2021, l'élue (Renaissance) souhaite notamment que le taux d'imposition au sein du couple soit individualisé par défaut. La Première ministre, Elisabeth Borne, a d'ores et déjà fait part de son intention de reprendre cette proposition, pour l'ensemble des foyers fiscaux, dès 2025.
Députée de la quatrième circonscription de l'Essonne, Marie-Pierre Rixain souligne que le taux d'imposition conjugalisé pénalise les femmes, qui perçoivent bien souvent des rémunérations inférieures à leur conjoint.
Députée de la quatrième circonscription de l'Essonne, Marie-Pierre Rixain souligne que le taux d'imposition conjugalisé pénalise les femmes, qui perçoivent bien souvent des rémunérations inférieures à leur conjoint. (Crédits : Niviere David/ABACAPRESS.COM via Reuters Connect)

LA TRIBUNE - En cette journée internationale des droits des femmes, en quoi votre proposition de loi pour l'égalité économique, fiscale et successorale, entre les femmes et les hommes, s'impose comme une nécessité ?

MARIE-PIERRE RIXAIN - Il m'a semblé qu'un certain nombre d'évolutions était souhaitable. La réalité, c'est que les historiens, tout comme les sociologues et les ethnologues, ont montré que l'argent des femmes ne va pas de soi. Longtemps, le travail des femmes faisait l'objet d'un don, et non pas forcément d'une rémunération. Lorsqu'il a commencé à faire l'objet d'une rémunération, c'était parfois une rémunération à la tâche, et non pas à la journée, à la semaine ou au mois, comme cela pouvait déjà l'être pour les hommes. Aujourd'hui encore, le revenu des femmes est encore considéré comme un revenu d'appoint, un revenu secondaire, voire un revenu qui est soumis à questionnement et à négociation à l'intérieur du couple. Il faut que les femmes soient aujourd'hui considérées comme des sujets économiques autonomes.

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Dans cette optique, vous proposez que le taux d'imposition soit individualisé par défaut au sein du couple. Elisabeth Borne a fait savoir qu'elle reprend cette mesure pour une application dans le courant de l'année 2025. Concrètement, quel serait le gain pour les femmes ?

L'individualisation de l'imposition a un impact immédiat sur le revenu des femmes, sur leur pouvoir d'achat et leur capacité d'épargne. Plus concrètement, on peut prendre l'exemple d'un couple, où la femme gagne 2.000 euros net par mois et l'homme perçoit une rémunération de 4.000 euros net par mois. Le taux marginal d'imposition commun du couple s'élève à 5%. S'il y a un taux individualisé, Madame ne sera pas imposée, tandis que Monsieur sera prélevé à hauteur de 7,5% de ses revenus.

Si on prend maintenant l'exemple d'un couple dont l'épouse gagne 1.500 euros, et le conjoint 7.000 euros par mois. Le taux conjugalisé s'établit à 14,4%. Si on passe à un taux conjugalisé, l'homme passe à 15,5% et la femme passe à 0%. C'est un gain considérable.

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Cette mesure a également un impact aussi à l'échelle macroéconomique, puisqu'elle incite les femmes à entrer dans la vie active. A l'échelle européenne, on a vu que des pays du Nord, par exemple, avaient mis en place l'individualisation de l'impôt très tôt, parce que c'était l'une des garanties pour inciter les femmes à intégrer le marché du travail.

Avec l'établissement d'un taux d'imposition individualisé par défaut, la suite logique est-elle, à terme, que chacun des conjoints remplisse une déclaration de revenus, et non une déclaration commune ?

Cela sera un autre chantier. Il ne peut faire l'objet d'une proposition de loi, car une telle mesure implique également des réflexions fiscales plus poussées sur le quotient conjugal, les parts et demi-parts, etc... De manière à ce qu'il n'y ait pas de perdant.

Vous souhaitez également réduire les inégalités économiques causées par un divorce, comment ?

Les prestations compensatoires sont un capital accordé au revenu le moins élevé à l'intérieur du couple, pour réparer les inégalités économiques au moment de la vie conjugale. Ce capital peut être délivré selon des tempos différents, en fonction de la trésorerie de la personne chargée de le verser. Si le capital est versé dans les douze mois, la personne qui l'octroie, dans la plupart des cas un homme, bénéficie d'un crédit d'impôt. Si ce capital est délivré au-delà de 12 mois, le régime fiscal change : il bénéficie d'une déduction fiscale, tandis que la femme, elle, est fiscalisée en retour. Ce qui est injuste, c'est que le capital, lui, reste le même, mais selon les modalités de versement du capital, bien souvent choisies par le débiteur, il sera imposé ou non par celui ou celle qui le reçoit. Je pense qu'il faut mettre en place un régime fiscal unique.

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Après un divorce, les conjoints restent solidaires, durant trois ans, des dettes fiscales. Comment faire en sorte que les femmes divorcées n'en fassent pas les frais ?

L'une des mesures de la proposition de loi est destinée à faciliter le mécanisme de décharge de solidarité. Aujourd'hui, la décharge de solidarité peut être motivée par deux éléments. Dans un premier temps, l'administration fiscale va regarder le montant de la dette et les capacités financières de remboursement. Sur ce critère, je dirai que c'est à peu près bon, car, dans un précédent texte, j'ai réussi à réduire de dix à trois ans le délai sur lequel cette dette pouvait être remboursée. Souvent, les femmes sont de facto déchargées. En revanche, le patrimoine est pris en compte. Ce n'est pas juste. Je propose donc la suppression du critère de « disproportion marquée », permettant de bénéficier de la décharge de solidarité.

Vous souhaitez également revoir le mécanisme de plafonnement des niches fiscales, aujourd'hui fixé à 10.000 euros, pour le porter à 18.000 euros. Pourquoi ?

Aujourd'hui, on met en concurrence l'investissement dans l'économie réelle, et la garde des enfants (qui fait l'objet d'un crédit d'impôt de 50% des dépenses engagées dans la limite de 3.500 euros par enfant, pour les frais de garde des enfants de moins de 6 ans, NDLR). Cette situation est ubuesque : une très grande majorité des familles monoparentales sont des femmes. Une femme qui aurait l'essentiel de la garde des enfants à sa charge voit ses perspectives d'investir dans l'économie réelle restreintes.

 Propos recueillis par Pauline Chateau

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Commentaires 18
à écrit le 09/03/2023 à 8:10
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Bravo ! C'est apparemment bien mieux de pénaliser le foyer tout entier, et aux détriments des enfants en plus... L'enfer est pavé de bonnes intentions !

à écrit le 08/03/2023 à 17:18
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On appelle à l'égalité, mais on veut "genrer" les individus au lieu d'employer le neutre ! Diviser pour mieux régner les basses couches de la société cela permet de les faire tenir tranquille !

à écrit le 08/03/2023 à 16:41
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Méfiance, les quotas permettent à la bourgeoisie de truster tous les postes important en plaçant leurs femmes...

à écrit le 08/03/2023 à 16:09
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Où sont les femmes dans les métiers pénibles qui usent très vite et terrassent plus tôt les hommes ? Messieurs ! Si vous pensiez à vous ? Rétablissez en effet l'égalité...mais dans l'autre sens.

à écrit le 08/03/2023 à 16:08
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Où sont les femmes dans les métiers pénibles qui usent très vite et terrassent plus tôt les hommes ? Messieurs ! Si vous pensiez à vous ? Rétablissez en effet l'égalité...mais dans l'autre sens.

à écrit le 08/03/2023 à 15:47
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C'est incroyable comment ils arrivent à instrumentaliser la cause des femmes pour gagner encore plus de taxes ! Si seulement ils pouvaient mettre autant d'énergie et d'astuce pour développer notre économie... Ils préfèrent faire les poches de ceux qu...

à écrit le 08/03/2023 à 14:55
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Il faudrait que déjà l’État français qui est le plus grand proxénète de France cesse de pousser les Françaises a considérer leur corps comme un investissement économique très lucratif. Car, en effet, épouser un homme qui a de plus gros revenus que so...

à écrit le 08/03/2023 à 13:29
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Individualiser les revenus du couple va faire exploser le montant de l'impôt à payer par la famille.

le 08/03/2023 à 14:41
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idem de tout etre humain que vont devenir les enfants seront il éduquer par l'etat incapable de soutenir l'education national je reviens dans un siecle pour voir la chienlit que vous avez semé

à écrit le 08/03/2023 à 12:39
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Les femmes, des "sujets" économiques! ...et si on leur foutait la paix aux femmes ? Après les "sujets" économiques, on passe à quoi? L'infantilisation des femmes...jusqu'où? Pour les sortir d'une situation, on les enferme dans une autre. L'intérê...

à écrit le 08/03/2023 à 12:22
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« Les femmes doivent devenir des sujets économiques autonomes » Personne soumise à une autorité souveraine .Le souverain et ses sujets.

à écrit le 08/03/2023 à 12:10
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L’individualisation du taux de prélèvement fiscal est tout à fait possible à l’intérieur d’un couple. Il suffit de cocher un case sur son compte internet.

à écrit le 08/03/2023 à 11:00
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L’impôt sur le revenu impose conjointement les couples mariés et pacsés. Par rapport à une situation fictive où l’impôt serait complètement individualisé, la conjugalisation de l’impôt sur le revenu représente une baisse des recettes fiscales de 11,1...

à écrit le 08/03/2023 à 9:44
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encore de la novlangue de gauche pour lutter contre le rechauffement climatique et les violences faites aux femmes, donc!!!!!!! hey, tout le monde a compris que comme par hasard, ca vise a augmenter les impots ( de preference de monsieur vu qu'en gen...

à écrit le 08/03/2023 à 9:33
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A croire qu'un ménage ne vit pas ensemble et qu'ils n ont pas des dépenses communes, on fait rentrer l'état ds la vie des ménages, a quand une police des ménages pour contrôler les hommes, grand rêve des féministes. C'est tjrs pour le bien commun et...

à écrit le 08/03/2023 à 8:55
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Quand les féministes de la classe dirigeante réclament l'égalité c'est sur le plan financier pendant qu'une femme meure tous les 3 jours sous les coups de leurs maris, ça commence à se transformer en sinistre imposture l'égalité hommes femmes, nous s...

à écrit le 08/03/2023 à 8:55
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C'est quoi ce vocabulaire technocratique pour qualifier un être humain ? On est toujours dans l'esprit de l'exploitation financière !

à écrit le 08/03/2023 à 8:18
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non ce n'est pas l'independance mais bien l'egoisme le refus du partage la pensee unique que ces personnes peuvent vivre seul alors laissons les seules et sans assistance quel que soit les difficulte a venir quand tout vas bien c'est facile a b...

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