L'article 49.3 : une histoire démocratique tumultueuse

Le gouvernement a décidé de faire passer le budget 2023 sans vote en utilisant l'article 49.3 de la Constitution. La Tribune revient sur l'histoire de cet article de la constitution qui a mauvaise presse, même il a été très souvent utilisé par divers gouvernements depuis l’instauration de la Ve République.
Maxime Heuze
Une centaine d'amendements, y compris des amendements des oppositions, ont été retenus dans le texte de Budget soumis au 49.3, a indiqué mercredi Elisabeth Borne.
"Une centaine d'amendements", "y compris des amendements des oppositions", ont été retenus dans le texte de Budget soumis au 49.3, a indiqué mercredi Elisabeth Borne. (Crédits : Reuters)

 Au bout de 55 heures en séance à l'Assemblée sur le budget, le gouvernement a recours à l'arme du 49.3 pour faire passer le budget. Le seul précédent sous la présidence Macron remonte au projet de loi sur les retraites en 2020, mais le processus législatif avait été interrompu par la pandémie de Covid.

Solution législative « à la disposition du gouvernement en cas de blocage » pour les uns, « passage en force » pour les autres, la vision de ce célèbre article change du tout au tout, selon que l'on soit au pouvoir ou dans l'opposition. Pour bien comprendre ce qu'est le 49-3, il faut d'abord se pencher sur ses origines. Instauré avec la constitution de la Ve République (le 4 octobre 1958), il donne au chef du gouvernement le pouvoir de faire valider tout ou une partie d'un projet loi sans obtenir de vote majoritaire à l'Assemblée nationale. Pour cela, la Première ou le Premier ministre doit mettre en jeu sa place à la tête du gouvernement puisque les députés peuvent dans un second temps déposer une motion de censure dans le but de renverser le gouvernement. Ce que vont faire le Rassemblement National et la Nupes. Une telle motion doit être signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée, soit 58 députés. « Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures avant son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée », édicte la Constitution.

Une seule motion de censure est arrivée à son terme en 1962, car la majorité des députés (289 aujourd'hui) doit voter favorablement. Pour autant, nombre de batailles politiques ont vu le 49.3 et la motion de censure croiser le fer. L'arme du gouvernement a été utilisée 87 fois depuis 1958.

Un joker gouvernemental qui a plu dès ses débuts

Le passage en force d'un projet de loi voulu par le gouvernement a toujours été monnaie courante depuis le début de la Ve République.

Déjà sous la présidence De Gaulle, le Premier ministre Michel Debré a invoqué 4 fois cet article de la Constitution en deux ans, entre 1959 et 1960. George Pompidou l'a quant à lui utilisé trois fois en 1962 et trois autres fois en 1967. Sous la présidence de Valéry Giscard-d'Estaing (1974-1981) puis celle de François Mitterrand (1981-1995), les premiers ministres dégainent leur carte magique à tout va. 8 fois pour Raymond Barre entre 1976 et 1980, 7 fois pour Pierre Mauroy entre 1982 et 1984 et Jacques Chirac lors de la première cohabitation invoquera cet article 8 fois à son tour entre 1984 et 1986.

Michel Rocard le champion du 49.3

Mais si la botte secrète de l'exécutif a été abondamment utilisée depuis sa création. Personne n'a encore battu le record de Michel Rocard, Premier ministre lors du deuxième mandat de Mitterrand. En seulement 3 ans (1988 et 1991), il a invoqué 28 fois le 49.3 et n'a été confronté qu'à cinq motions de censure « provoquées », c'est-à-dire découlant de l'invocation de cet article.

Si le socialiste a fait de cet article son arme de prédilection, elle lui aura presque fait perdre sa place. En Novembre 1990, Michel Rocard fait passer à grand coup de 49.3 son projet de loi de finance, intégrant notamment la mise en place de la Contribution sociale généralisée (CSG). Mais cette fois-ci, 284 députés remontés votent pour la motion de censure quand il en fallait 289 pour qu'elle soit adoptée. Un passage en force à deux doigts de la casse.

« Cet article de la constitution a toujours été vu comme une manière de limiter le droit des parlementaires. Mais l'utilisation quasi-systématique du 49.3 par Michel Rocard a contribué au discrédit de cet outil », explique Christophe Voilliot, politiste et maître de conférences en sciences politiques à l'université Paris-Nanterre.

Manuel Valls ressort le 49.3 du placard

Le début des années 2000 a connu une accalmie dans la bataille entre exécutif et législatif. Jean-Pierre Raffarin n'a utilisé que deux fois l'article 49.3 quand Dominique De Villepin en a fait l'usage une seule fois et aucune fois pour François Fillon.

C'est Manuel Valls qui a ressorti du placard le bulldozer du gouvernement en 2015, après dix ans d'inactivité. La hache de guerre du gouvernement fut ressortie à l'occasion de la loi « pour la croissance et l'activité » aussi appelée loi Macron. Mais le Premier ministre de François Hollande a bénéficié d'un 49.3 remanié depuis 2008 et qui ne peut être utilisé qu'une seule fois par session parlementaire (hors projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale), ce qui ne l'a pas empêché de sortir six fois ce joker législatif (3 fois pour la loi Macron puis 3 fois pour la loi Travail).

La vigueur avec laquelle Manuel Valls défendait ses projets de loi face aux députés lui a même valu les critiques de son prédécesseur recordman, Michel Rocard, qui confiait à Russia Today que : « l'Article 49.3 a été inclus dans la Constitution pour faire face aux situations où il n'y avait pas de majorité parlementaire. Tout le monde en a eu, sauf moi. J'étais donc le seul légitime [...] Manuel Valls s'est servi du 49.3 pour brutaliser et intimider sa propre majorité. »

Dix 49.3 pourraient être déclenchés d'ici mi-décembre

Si les successeurs de Manuel Valls ont été moins enclins que ce dernier au passage en force législatif, le Premier ministre Edouard Philippe a tout de même invoqué le 49.3, une seule fois en 2020, pour parvenir à inscrire la très contestée réforme des retraites. Une réforme finalement repoussée et qui va être à nouveau débattue prochainement.

Cette future bataille législative sonnera-t-elle un nouvel épisode d'invocation systématique du 49.3 à l'image des gouvernements Rocard et Valls ? Si l'invocation de l'article est limité à une fois par session parlementaire, « le Président peut très bien organiser des sessions extraordinaires ou la Première ministre pourrait user du 49.3 autant qu'elle le souhaite », explique Michel Boivin, historien de la Ve République et professeur des universités à l'université de Caen.

Compte tenu de son utilisation probable et du fait que cet outil sera utilisable à plusieurs étapes de l'examen des deux budgets, ce sont dix 49.3 qui pourraient être déclenchés devant l'Assemblée d'ici mi-décembre.

Maxime Heuze
Commentaires 5
à écrit le 21/10/2022 à 21:58
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Le 49.3 c'est une invention de la démocrature française. Ailleurs ça n'existe même pas.

à écrit le 21/10/2022 à 3:30
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Je pense qu'il faudrait apporter une amélioration, tout-de-même: malgré le 49-3, les dépenses prévues vont dépasser d'un bon tiers les recettes. Le souhait de notre Grand Argentier de réduire le déficit à 3% du PIB me parait juste figure de rhétoriqu...

à écrit le 20/10/2022 à 11:26
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Il y a un moment il faut décider. 49.3...réquisitions...Devant un jusqu'au boutisme politico/syndical heureusement qu'il y a cette possibilité pour faire avancer le "schmilblik"👍

le 20/10/2022 à 14:48
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...Ou bien, le faire reculer et le désorganiser !

le 20/10/2022 à 16:49
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ne croyer vous pas que le debat est ailleurs exp les reproches vont aux patronat pour des remuneration en ecxes critiquer par ma lemaire mais lui a cautioner l'augmentation du mille feuille administratif. qui coute une fortune a ceux qui produise...

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