L'exécutif prépare les esprits à un hiver difficile. Après le discours alarmiste d'Emmanuel Macron lors du premier conseil des ministres la semaine dernière, Elisabeth Borne a donné un discours en forme d'avertissement ce lundi à l'hippodrome de Longchamp à l'occasion de la Rencontre des entrepreneurs de France (REF) organisée par le Medef. Devant un parterre de patrons, ministres et syndicats, la Première ministre a invité « chaque entreprise à mettre en place un plan de sobriété. »
Pour y parvenir, la cheffe du gouvernement a retenu l'idée du Medef de mettre en place un ambassadeur de la sobriété dans chaque entreprise. « Si cela ne se fait pas, nous devrons mettre en place des mesures de rationnement », a prévenu Elisabeth Borne. Autrement dit, Matignon est prêt à prendre des mesures coercitives dans son plan de sobriété qui devrait être présenté au début du mois d'octobre. Ce plan vise à réduire la consommation d'énergie de 10%. « Ce plan, c'est un pacte que nous vous proposons :préférer les économies choisies plutôt que les coupures subies », a-t-elle ajouté. « C'est la première fois que l'on a un vrai discours sur la sobriété dans les entreprises. C'est une bonne chose, explique Corentin Sivy, expert en politique énergétique interrogé par La Tribune. En revanche, on peut regretter qu'il n'y ait pas plus de mesures contraignantes, ni de contreparties demandées aux entreprises », juge-t-il.
Six mois jour pour jour après l'éclatement de la guerre en Ukraine, la situation géopolitique est très loin d'être réglée. L'Union européenne tente de trouver des solutions à court terme pour se fournir en énergie en dehors de la Russie. De son côté, le Kremlin continue de maintenir la pression sur les États du Vieux continent en brandissant la menace d'une coupure complète de gaz et de pétrole. Dans ce contexte brûlant, la cheffe du gouvernement a prévenu que « si nous devions en arriver au rationnement, les entreprises seraient donc les premières touchées. »
Baisser de 10% l'énergie, un pari risqué dans certains secteurs
L'enlisement du conflit aux portes de l'Europe et les tensions persistantes sur les marchés de l'énergie vont obliger les entreprises à redoubler d'efforts pour faire des économies sur la future consommation. Pour rappel, vendredi dernier, le prix de l'électricité sur le marché de gros en France a dépassé 1.000 euros le mégawattheure (MWh), contre environ 85 euros il y a un an. Le 24 août dernier, le gaz naturel européen a dépassé les 300 euros le MWh, un record depuis mars et le début de l'invasion russe en Ukraine. Deux jours plus tôt, il culminait déjà à 295 euros le mégawattheure, soit un niveau plus de six fois supérieur aux prix observés il y a un an.
« Une baisse de 10% ne relève pas du domaine de l'impossible », estime Jacques Percebois, économiste et directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (Creden). « Le plus grand potentiel de baisse réside dans les secteurs où l'énergie ne représente que 3 ou 4% des coûts, c'est notamment le cas dans le tertiaire », poursuit-il. Dans la restauration, l'hôtellerie, les commerces, les services financiers, l'enjeu consiste donc dès à présent à modifier les comportements, en limitant notamment le recours au chauffage dans les bâtiments dès cet automne.
« En revanche, dans les industries très énergivores, les marges de manœuvre sont beaucoup plus faibles, note Jacques Percebois. Quand l'énergie représente 30, voire 40% des coûts, vous faites forcément très attention à son utilisation,» développe-t-il. En conséquence, depuis plusieurs années, les acteurs de la chimie, de la métallurgie et de l'agroalimentaire, notamment, ont entamé des actions pour réduire leur consommation énergétique mais ces efforts pourraient être jugés insuffisants au regard de l'ampleur de la crise énergétique en cours.
De nombreux flous sur la bataille de la planification écologique
En charge de la planification écologique, Elisabeth Borne est en première ligne sur tous les sujets de transition. Accompagnée de la ministre de l'Energie Agnès Pannier- Runacher, la Première ministre a déroulé son plan de bataille pour les prochaines semaines mais de nombreuses modalités sur le calendrier et la méthode restent à préciser. « Nous allons travailler secteur par secteur, en rassemblant toutes les parties prenantes autour des ministres compétents. Chaque secteur aura des objectifs de baisse d'émissions de gaz à effet de serre et d'adaptation au changement climatique et devra définir », a-t-elle précisé.
Le gouvernement a prévu de démarrer un cycle de discussions et de négociations dès le mois de septembre avec de nombreux secteurs. Des rendez-vous ont déjà été programmés avec les secteurs de la forêt, celui de l'eau, du nucléaire et des énergies renouvelables. « Au cours de l'automne, cette démarche sera engagée pour l'ensemble des secteurs, avec comme objectif d'aboutir, d'ici la fin de l'année, à une première vision complète de notre planification écologique », a-t-elle expliqué. Le suivi de cette feuille de route sera assuré par un nouveau secrétariat général en charge de la planification. Lors du précédent quinquennat, le secrétariat présidé par François Bayrou avait fait l'objet de nombreuses critiques.
Après un été marqué par des records de températures, des sécheresses historiques, des pénuries d'eau et des méga incendies, l'urgence de la transition devient impérieuse pour l'économie française. En effet, de nombreux secteurs ont subi de plein fouet les conséquences de ces canicules à répétition. Pour le gouvernement, il y a clairement urgence à agir.