L'économie française épargnée par les risques protectionnistes

La moindre exposition de l'économie française au commerce mondial et son intégration au sein de l'Union européenne limitent les risques de guerre commerciale, rappellent les économistes de la Fabrique de l'industrie dans une note.
Grégoire Normand
Avec 21 % de valeur ajoutée étrangère contenue dans ses exportations brutes en 2015 (contre 9 % pour les États-Unis et 17 % pour la Chine), la France y est fortement intégrée, comme les autres pays européens. Cela peut apparaître
comme une vulnérabilité à l’heure où les deux superpuissances sont de plus en plus agressives et autocentrées. Heureusement, le marché européen constitue un cadre stable et protecteur pour les États membres expliquent les économistes de la Fabrique de l'industrie.
"Avec 21 % de valeur ajoutée étrangère contenue dans ses exportations brutes en 2015 (contre 9 % pour les États-Unis et 17 % pour la Chine), la France y est fortement intégrée, comme les autres pays européens. Cela peut apparaître comme une vulnérabilité à l’heure où les deux superpuissances sont de plus en plus agressives et autocentrées. Heureusement, le marché européen constitue un cadre stable et protecteur pour les États membres" expliquent les économistes de la Fabrique de l'industrie. (Crédits : Reuters)

Brexit, guerre commerciale et technologique entre les Etats-Unis et la Chine, ralentissement des échanges... les craintes sur le commerce mondial se multiplient. Malgré toutes ces tensions, l'économie française semble résister aux soubresauts du commerce international.

Dans une note rendue publique ce mercredi 2 octobre, plusieurs économistes de la Fabrique de l'industrie expliquent que la France "a la chance d'être bien insérée dans un marché européen qui l'en protège en partie". Pour les rapporteurs de l'étude intitulée "La France est-elle exposée au risque protectionniste ?", même si le nombre de mesures protectionnistes a bondi ces dernières années, "le taux moyen des droits de douane poursuit sa diminution; et l'on ne remarque pas aujourd'hui de signe tangible de leurs effets, au niveau macroéconomique".

La France, moins exposée que son voisin allemand

Pour l'économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), Vincent Vicard, "l'exposition au risque protectionniste dépend du taux d'ouverture des pays, c'est-à-dire la part de la production étrangère dans la consommation domestique. En Allemagne, ce taux est d'environ 87% contre 60% environ pour la France, l'Italie ou le Royaume-Uni".

L'appareil productif hexagonal, affaibli par des décennies de désindustrialisation, est moins sensible aux difficultés du multilatéralisme. À l'inverse, l'industrie allemande qui pèse beaucoup plus dans le produit intérieur brut de la première économie européenne continue de plonger. L'institut DIW vient d'abaisser ses prévisions macroéconomiques en raison de la récession qui s'installe dans l'industrie. Lors d'une récente conférence de presse, le directeur des études à la Banque de France, Olivier Garnier, faisait le point :

Entre juin et septembre, la guerre commerciale s'est intensifiée. En dépit la dégradation de cet environnement externe, notre prévision de croissance du PIB pour la France est quasiment inchangée. Nous sommes à 1,3% en 2019 et 2020 et 1,4% en 2020. C'est une situation paradoxale. Alors que l'environnement extérieur s'est dégradé, les perspectives de croissance résistent. Même si le scénario central est inchangé, les risques liés à l'environnement extérieur ont augmenté.

Le risque chinois

L'étude de l'insertion de l'industrie française dans les chaînes de valeur mondiale ont amené les membres du laboratoire d'idées à penser que les risques venaient plutôt de la Chine. La puissance asiatique réussit ainsi "le double exploit de fournir toujours plus de valeur ajoutée aux marchés étrangers tout en gagnant en autosuffisance", détaillent les rapporteurs de l'étude.

D'après les chiffres communiqués dans la note, la valeur ajoutée chinoise dans la production manufacturière tricolore n'a cessé d'augmenter entre 2005 et 2015 pour passer de 2,5% à 6,9%. Et cette tendance s'est développée dans les autres grandes économies européennes. "Ce qui a permis à la Chine de passer devant les Etats-Unis au tournant des années 2010 comme premier fournisseur des industries européennes", précisent les économistes de la Fabrique de l'industrie.

En parallèle, la valeur ajoutée des produits français dans la production industrielle chinoise a reculé.

"L'idée popularisée un temps selon laquelle la valeur ajoutée proprement chinoise n'interviendrait qu'aux étapes 'low cost' de montage et d'assemblage a fait long feu, fait remarquer le think tank dans sa note. La Chine parvient au contraire à être toujours plus présente sur les marchés extérieurs et de moins en moins dépendante du reste du monde".

Le pays, qui fête les 70 ans de la proclamation de la République populaire de Chine, a également acquis un statut de grand fournisseur pour l'économie américaine tout en faisant obstacle aux importations de produits étrangers. Sur cette question, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire réclame souvent la mise en place d'un principe de réciprocité avec le gouvernement chinois pour établir un égal accès au marché pour les entreprises tricolores. A cela s'ajoute le développement d'un fort régionalisme chinois, "le pays ayant pour stratégie de privilégier son marché intérieur".

Pas de signe de ralentissement de la mondialisation en Europe

Le coup d'arrêt de la mondialisation souvent évoqué par des économistes ne concernerait pas le continent européen sur la période étudiée, c'est-à-dire de 2005 à 2015. L'économie française a continué de "bénéficier au premier ordre de l'ouverture et de la stabilité du marché européen et les termes des échanges avec les Etats-Unis n'ont pas beaucoup changé". Pour la Fabrique de l'industrie, le phénomène de démondialisation n'est "qu'apparent". L'organisation préfère parler "d'un fort développement du régionalisme chinois".

La sombre perspective d'un Brexit sans accord

Le constat d'une économie française relativement épargnée pourrait rapidement être caduque. Si la plupart des économistes s'accordent à dire que le Royaume-Uni serait la première économie touchée par un Brexit sans accord, de nombreux chefs d'entreprise et investisseurs redoutent sérieusement les conséquences d'un divorce sans accord dans quelques semaines.

Lire aussi : Brexit : Bercy veut préparer les entreprises "au pire"

Dans une étude réalisée par les douanes au printemps, l'administration expliquait que 120.000 entreprises françaises étaient exposées au risque d'un Brexit. "Le Brexit pourrait avoir un impact sur les chaînes de production au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. La question du risque protectionniste au niveau européen est avant tout lié à la question du Brexit", a rappelé l'économiste du Cepii, Vincent Vicard.

> Lire aussi : Commerce extérieur : 120.000 entreprises françaises exposées au Brexit

Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 03/10/2019 à 9:11
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"risques protectionnistes" "Risques" liés à la protection donc... hum hum... :-) "Encore un siècle de journalisme et tous les mots pueront." Nietzsche

à écrit le 02/10/2019 à 17:52
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Vous êtes dangereux, j'ai failli mourir de rire en lisant le titre. Pour sur que la france est a l'abri du risque protectionniste, on est vendu a tous les intérêts qui passent et on nous fait même subventionner nos concurrents. Plus a l'abri des risq...

à écrit le 02/10/2019 à 17:16
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C'est l'avantage d'avoir un déficit commercial abyssal

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